vendredi 4 octobre 2013

UTMB2013 - chapitre 2 - première nuit en montagne

Il est donc 23h et je quitte donc le ravitaillement de la Balme après 3'23" de pause exactement, direction la montagne, la vraie. Enfin ! :-)
On quitte ici le parcours de l'an dernier, qui nous avait fait redescendre sur les Contamines via le Signal.

LA BALME - COL DU BONHOMME - 3.4 km - 622m+ - 0m-
Pour l'instant on quitte le ravito sur un chemin de terre compacte, lisse et humide, mais qui heureusement ne glisse pas vraiment. Par contre il est parsemé de dalles rocheuses. Il y a encore quelques spectateurs, en pleine nuit, qui redescendent sans doute après avoir accompagné leur coureur un bout de chemin, et qui nous encouragent au passage. Puis on arrive sur le sentier du Col du Bonhomme, que je suis en pilote automatique dans un petit train de coureurs (que des mecs, je n'ai quasi pas vu de filles de toute la course), chacun dans sa bulle. 

il commence à faire froid, il y a du vent, je passe mon temps à me moucher... Au point de me dire en rigolant que je vais plus me déshydrater de ça que de transpiration. Beaucoup de coureurs s'arrêtent pour s'habiller plus chaudement. Je sors mon k-way (que j'avais déjà mis à portée de main dans la poche côté de mon sac au ravito) et l'enfile par dessus mon sac à dos sans même m'arrêter. Par contre le zip se bloque je n'arrive pas à le fermer, juste assez pour qu'il arrête de claquer au vent. Mes doigts sont déjà un peu gelés et moins habiles, mais je n'ai pas pensé à mettre mes gants à portée de main, dommage. Je me promets de les sortir au prochain ravito.

La nuit est magnifique, on avance sous le ciel étoilé avec un croissant de lune qui se lève derrière les montagnes. Derrière nous un immense serpent de frontales dessine le chemin parcouru, alors que devant le serpent dessine les lacets qui nous attendent encore, avant de disparaître derrière la crête.



On avance sur un sentier un peu rocailleux. Je commence à fatiguer un petit peu, et me contente de suivre le rythme donné par les autres en attendant que ça passe. 

COL DU BONHOMME - 8h11'25" de course - samedi, presque 1h du matin
De courageux bénévoles vont passer toute la nuit ici à pointer les coureurs au col. Merci à eux pour leur présence réconfortante et leurs encouragements.

COL DU BONHOMME - REFUGE CROIX DU BONHOMME - 2km - 165m+ - 51m-
Il ne reste plus grand chose à monter, puis on commence à redescendre, mais je n'ai même pas vu le refuge... Du coup je me demande si on a vraiment fini de monter, j'espère qu'il n'en reste pas encore un coup de cul...

REFUGE CROIX DU BONHOMME - LES CHAPIEUX - 5.2 km - 0m+ - 885m-
Et effectivement, après cette longue montée, on redescend sur les Chapieux, j'ai hâte d'arriver à ce ravito où je dois retrouver Mika. Cette courte descente passe vite.

RAVITO LES CHAPIEUX - 49.4 km - alt 1549m - 8h58'12" de course - samedi 1h30 du matin - 16'02" de pause
Après cette première grosse "bosse", ça fait du bien de redescendre dans la civilisation, et en plus Mika est là ça faisait longtemps. D'un coup on sort de la nuit pour déboucher entre des barrières qui nous mènent vers des tentes qui abritent le ravito.
Dégustation de soupe aux Chapieux

Il y a la queue... Mika au bord des barrières me prévient "ta 2e lampe", "ta 2e lampe", je ne comprends rien, je crois qu'il me dit de changer de lampe parce que la mienne fatigue... mais c'est surtout moi qui fatigue, si c'était le cas il me dirait plutôt de changer de batterie, pas de lampe, et en plus je l'avais éteinte pour rentrer dans le ravito... En fait il s'avère qu'il y a un contrôle du matériel obligatoire, d'où la queue, et d'où Mickael qui me prévenait de sortir ma 2e lampe pour la montrer aux bénévoles.
Ma frontale marche toujours bien :-)
Je fouille donc la poche supérieure de mon sac mais n'arrive pas à en extraire la lampe... Je cherche encore quand j'arrive à la table d'un bénévole juste au moment où le chef de poste lui dit d'arrêter les contrôles car il y a trop de monde, on nous contrôlera à un autre poste (en fait non, on ne sera plus jamais contrôlés. Pas plus mal parce que c'est des fois un peu chiant de devoir tout déballer en pleine nuit). Je lui montre quand même ma torche que j'ai finalement réussi à déterrée, il me regarde en rigolant et me demande "c'est quoi?". Bon, je suis pas la seule à plus être très réveillée. Puis on rentre dans le ravito sous une arche "Petzl Lamps", ha ha :-) des fois que t'avais pas ta 2e lampe ils avaient tout prévu :-)

Je traverse le ravito bondé sans m'arrêter, trop la cohue, j'arrive tout juste à saisir un bol de soupe et m'enfuit, déclinant l'offre d'une bénévole de me donner une chaise, je sors la boire au coin du feu avec Mika, tranquilles au calme, un banc pour nous tous seuls. J'en profite pour m'étirer doucement, et étudier la suite de mon plan de course. Pour l'instant je suis spot on dessus, à 5mn près à chaque ravito. Pas mal pour un plan que j'avais élaboré l'an dernier et pas du tout remis à jour depuis. Mais du coup je me demande si l'an dernier je l'aurais aussi bien tenu, avec un peu moins d'entraînement et d'expérience... J'arrive enfin à zipper mon kway, toute seule, après tout Mika n'a pas le droit de "m'aider en me touchant" en dehors des zones d'assistance :-) c'est écrit tel quel dans les règles ! Par contre j'oublie de mettre gants et bonnet à portée de main...

Je perds quelques minutes à faire la queue aux toilettes, puis c'est reparti pour le 2e gros morceau de cette première nuit : le col de la Seigne, frontière avec l'Italie.


LES CHAPIEUX - COL DE LA SEIGNE (Italie) - 10.3 km - 958m+ - 10m-
On commence par monter vers la Ville des Glaciers. Une montée très douce, sur une large piste, et j'éteins la frontale pendant un long moment pour admirer le magnifique ciel étoilé. J'avance à la lueur des étoiles et des quelques lampes autour de moi. La visibilité est suffisante pour trottiner, sans me fatiguer, en alternant quelques passages de marche dès que j'en sens le besoin ou l'envie.

J'ai peu de souvenirs de la montée au Col de la Seigne, ça passe toujours relativement bien, mais un peu dans le dur quand même, en pilote automatique. Tant et si bien que je finis par rater une bifurcation... Arrivée sur un replat je me force à repartir en trottinant, m'étonnant à peine de ne plus voir les torches des coureurs que j'essayais de rattraper, je les crois disparus derrière un virage, quand j'entends crier derrière moi, un italien "ie ie ie! alta, alta!" Je ne comprends pas tout de suite ce qui se passe, hésite à continuer mon chemin, puis me retourne à tout hasard en croyant que j'ai pu faire tomber quelque chose, et là je vois le petit train de frontales juste au-dessus de moi sur une autre trace, et soudain "alta" fait enfin sens : en haut ! demi-tour, et je me replace dans le train.

On avance tous dans le plus grand silence, aussi j'accueille avec gratitude la mini "conversation" bienveillante avec un gars qui s'excuse après avoir marché sur mon bâton qui avait traîné un peu trop longtemps derrière moi. Il suffit d'un rien pour sortir un peu de la torpeur de la fin de nuit. Je sors une barre salée de ma poche et en avale difficilement la moitié mais ça ne va pas beaucoup mieux. J'hésite un moment à boire mon V shoot en me disant que j'en ai un autre qui m'attend à Courmayeur et que ce serait dommage d'en prendre 2 trop proches, mais j'en ai quand même bien besoin donc je me le descend maintenant.

Derrière nous s'étale un serpent immense et compact de frontales, et un autre est devant pour nous montrer le chemin, un Z s'étale jusqu'à la crête qu'on ne voit pas, avant de disparaître derrière.

http://www.peignee-verticale.com/2013/09/utmb-2013-recit.html
A un moment on traverse un névé mais il me faut un très long moment pour réaliser pourquoi le sol crisse sous mes pieds. La neige est toute sale du passage des précédents, mais le vent qui passe dessus nous souffle sa fraîcheur.

COL DE LA SEIGNE - ALT2516m - KM59.7 - 11h43'12" de course - 4h15 du matin
Après 10km et 2h30 de montée, ça fait du bien d'arriver en haut. Devant nous apparaît maintenant l'Italie. Enfin, apparaîtrait, s'il faisait jour. Merci à Vincent pour ses encouragements "le col de la Seigne, c'est tellement beau que la montée passe toute seule". Ah, je reviendrai de jour alors ! :-) Encore une fois merci aux bénévoles qui attendent au col, dans le vent, pour nous pointer tous les uns après les autres, pendant des heures (le premier coureur a dû passer vers 23h vendredi soir, le dernier vers 6h30 le samedi matin).

COL de la SEIGNE - LAC COMBAL - 4.4 km - 0m+ - 532m- - 41'37"
Suit une courte descente sur une large piste, dans laquelle je passe mon temps à doubler des petits groupes de coureurs, mais toujours en mode économique. Je vois un petit groupe devant, j'accélère un peu le temps de les rattraper, récupère 2mn dans le confort du groupe, avant de m'éloigner seule dans la nuit vers le groupe suivant.
Mais très vite on arrive déjà sur un replat où sont dressées plusieurs tentes, au milieu de nulle part. Je crois que je ne m'attendais même pas à ce ravito, mais c'est une bonne surprise.

Ravito LAC COMBAL - KM64.1 - ALT 1970 - 12h25 de course - samedi 5h du matin (barrière 7h45) - 3mn39 de pause
Le ravito est très sympa, même si je ne verrai même pas le lac, il fait toujours nuit noire. Les bénévoles servent des parts de tarte, et des morceaux de barres céréales à l'orange, tellement bonnes que j'abandonne ma part de tarte pour prendre 2 autres morceaux de barre pour la route, sous le sourire amusé de la bénévole Overstims ^^

Je ressors très vite des tentes mais marche encore un peu sur le plat, en mangeant mes 2 bouts de barre. Je veux en profiter pour vérifier mon plan de course, mais je réalise que je l'ai perdu, ouiiin ! :-( Du coup je sors enfin la musique (qui était à portée de main tout du long mais j'avais eu la flemme jusque là...) et c'est reparti en trottinant et en chantant ^^ A tue-tête quand je suis seule, ou intérieurement quand il y a du monde. On est quand même de plus en plus dispersés maintenant. Une bonne petite montée m'attend encore avant d'aller retrouver Mika à Courmayeur après cette longue nuit (j'attend le soutien avec impatience !).


LAC COMBAL - ARETE du MONT-FAVRE - 4.3 km - 457m+ - 10m- - durée 1h04
Cette section est splendide. Le ravito et la musique m'ont réveillée, j'ai retrouvé la forme, d'autant que le jour n'est plus très loin. Les premières lueurs apparaissent, le ciel devient un peu moins sombre et les hautes arêtes commencent à se détacher à l'horizon, noires sur fond bleu nuit, toujours illuminé d'étoiles. C'est dans ces moments qu'on se dit qu'on a vraiment de la chance d'être là, en pleine montagne, sérieusement, je n'échangerais ma place pour rien au monde, malgré les plus de 6000m de D+ et la bonne centaine de kilomètres qu'il me reste à parcourir. Ce n'est d'ailleurs pas le moment d'y penser, et jamais je n'envisagerai la course dans son intégralité, mais toujours découpée en blocs : la première nuit en France, la journée en Italie, et les 3 dernières bosses en Suisse. Mais pour l'instant je profite juste du moment.

J'ai les doigts qui commencent à sérieusement geler, je n'ai toujours pas sorti mes gants, entre oublis et flemme. Résultat je ne sens plus les petits doigts, je les fais bouger et serre fort mes bâtons pour faire revenir le sang, puis avec le lever du soleil ils finissent par se réchauffer d'eux même peu à peu. 

MONT FAVRE 13h32'41" de course - 6h du matin

ARETE du MONT-FAVRE - COL CHECROUIT-MAISON VIEILLE - 4.9 km - 11m+ - 509m- - durée 42'35"
Une fois passée l'arête, on voit Courmayeur et sa vallée s'étendre en bas. Beaucoup plus bas, 1235m plus bas pour être exacte. Miam miam :-D
Mais pour l'instant je réussis à me retenir d'aller trop vite dans la descente. Je trottine juste ce qu'il faut pour ne pas perdre de temps. Et j'admire le paysage et le lever de soleil.

RAVITO COL CHECROUIT MAISON VIEILLE - KM73.3 alt 1956m - 14h14'42" de course - 6h45 du matin - 1'14" de pause
On atteint un tout petit ravito à l'auberge Maison Vieille - Checrouit, commun avec la TDS, qui y passe en sens inverse, en montant depuis leur départ à Courmayeur. Avec 2-3 autres gars arrivés en même temps, on admire la lumière du lever du soleil sur les hauts sommets environnants.
Pendant ce temps, le lever du jour vu depuis Courmayeur par Mika
Un cheval broute sur le chemin, je commente qu'on serait plus vite en bas sur son dos ^^ Puis c'est parti pour la fin de descente. 

CHECROUIT - COURMAYEUR - 3.8km - 0m+ - 334m- - durée 38'07"
Je me rappelle qu'il faut gérer la descente (comme dirait Kilian, jusqu'à Courmayeur c'est l'échauffement), donc je me maintiens au même niveau que les autres coureurs autour de moi sans forcer. Je finis même par les perdre quand je trouve qu'ils vont trop vite... :-o Un peu difficile psychologiquement pour moi de me faire semer en descente ^^ (alors que je pourrais très bien les suivre) mais je me dis que ma prudence payera tôt ou tard. Parce que c'est quand même assez raide, le sol est un peu dérapant, fait d'un genre de sable/cendres, il y a de nombreuses marches de taille irrégulières, et en plus les coureurs devant prennent de l'avance en coupant tous les lacets entre les arbres (c'est maaaal).

Comme je me sens très bien, je finis par me lâcher un peu plus en suivant un gars qui va vite, jusqu'à en faire tomber mon téléphone qui bondit hors de ma poche (merci la super coque survivor ^^). Du coup je le mousquetonne dans ma poche pour la suite et repars, mais j'ai perdu mon lièvre, et je ne veux pas forcer pour le retrouver.


BASE VIE COURMAYEUR - KM77.1 - alt 1200m - 14h56' de course - 7h25 du matin
J'arrive dans la ville de Courmayeur encore dans l'ombre des hauts sommets qui l'entourent.
Arrivée à Courmayeur au petit matin

Le ravitaillement est dans un grand bâtiment, une sorte de gymnase.
Les sacs de décharge de tous les coureurs sont suspendus à des cintres, dans l'ordre, sur des câbles à l'extérieur du bâtiment. Je me demande comment dire 1860 en italien, alors que mon numéro est écrit sur mon dossard, et que les bénévoles plus lucides que moi crient déjà mon numéro. Ils mettent un peu de temps à s'y retrouver dans leur classement mais finissent par me décrocher mon sac. 

Je retrouve Mika plus loin, qui m'emmène dans la minuscule zone d'assistance : en fait on est tous entassés dans un coin de couloir avec à peine la place de s'assoir... Pas terrible. Mais j'en profite tant bien que mal pour faire tout ce qu'il y a à faire : je commence par déverser le contenu de mon sac d'assistance sur le sol. 
Déballage du sac de décharge
Il faut ensuite changer la batterie de ma torches, recharger mon GPS, refaire le plein de barres et autres snacks, et me changer pour passer en mode jour. Un mec me dit qu'il y a une zone femmes de l'autre côté mais 1) je m'en fous et 2) Mika pourrait pas y rentrer de toutes façons, donc je me change sur place. Je change aussi de chaussures pour ma 2e paire de Mizuno, un peu plus larges. J'ai encore droit à un massage, puis je dois monter les escaliers pour rendre mon sac de décharge (rempli maintenant de mon linge sale de la nuit) aux bénévoles. J'arrive dans une immense salle presque vide, avec de nombreuses tables. J'en profite pour aller aux toilettes et récupérer une assiette de pâtes à la sauce tomate, j'en avale difficilement la moitié et redescend par la passerelle extérieure. Mika me dit au-revoir et c'est reparti ! pile 50mn de pause, exactement comme prévu!
En sortant de Courmayeur
J'attaque maintenant une longue journée qui devrait m'emmener sur les crêtes italiennes jusqu'au Grand Col Ferret, frontière avec la Suisse, puis à Champex-Lac, prochain point d'assistance que je compte rallier en début de soirée. A suivre au chapitre 3 !

mercredi 2 octobre 2013

UTMB2013 - chapitre 1 - le départ

CHAPITRE 1 - départ

CHAMONIX - 0km - alt 1035m
On passe quelques jours au camping des Arolles pour se mettre dans l'ambiance de Chamonix, son salon du trail bondé, sa queue de 2 heures à la remise des dossards (pour arriver devant une bénévole qui commence par admirer longuement mon buff, puis me regarde longuement d'un air béat, je dois lui demander ce qu'elle veut vérifier comme matériel obligatoire, elle a l'air complètement à la masse, finalement elle regardera vaguement ma lampe frontale et signe le papier magique... c'était bien la peine d'attendre 2h pour ça !), ses rues pleines de trailers déjà en tenue et prêts à en découdre avec les montagnes. Le jeudi soir je prépare mon sac de course, mon sac de décharge, et les sacs de ravito pour Mika.



Le vendredi matin on plie déjà la tente et on quitte les lieux. Il fait grand beau, youpi ! :-) Sieste au soleil, pasta party, sieste sur un lit de camp. 


Vers 15h il faut déposer le sac de décharge au gymnase, on y retrouve Thierry (dossard 963) et son club Crapast avec aussi Hyacinthe (dossard 4724) et Arnaud. 


On rejoint la "ligne" de départ où se massent déjà des centaines de trailers, ça pousse dans tous les sens, on est loin du bel esprit de solidarité. On essaye de s'assoir contre le mur avec Martin (un allemand de Frankfurt) et on écoute le speaker qui essaye de chauffer la foule et de nous faire tous nous tenir la main. Mais on a tous plutôt envie d'être tranquille dans notre bulle. 
Enfin il balance la musique, et les frissons commencent à monter. Combien j'ai pu imaginer ce moment à chaque fois que j'entendais ce morceau, depuis un an, même plusieurs années, et ça y est, j'y suis. Plus rien n'existe autour que cette place du Triangle de l'Amitié, et cette montagne immense qui se dresse devant nous et dont nous allons faire le tour. Tout le tour. Rendez-vous sur cette même place dans une quarantaine d'heures. Sans faute. 10. 9. 8. 7. 6. 5. 4. 3. 2. 1. C'est parti !


CHAMONIX - LES HOUCHES - 7.9km - +118m -145m
Enfin, c'est parti pour les élites, qui s'élancent dans les rues vides qui s'étendent devant eux. 

Pour nous commun des mortels, il faut commencer par essayer de rester debout dans cette marée humaine qui mettra de longues minutes à passer la ligne de départ, en navigant tant bien que mal entre marches et poteaux invisibles entre les milliers de jambes. Quand on peut enfin courir, c'est un soulagement, mais il faut faire attention à ne pas se laisser emporter par l'ambiance de folie, et par la foule, celle des autres coureurs excités qui nous entourent, tous contents d'enfin se délier les jambes, et celle des milliers de spectateurs massés le long du parcours sur plusieurs kilomètres, qui nous encouragent, nous applaudissent comme de vraies stars, du premier au dernier. Et nous proposent des bières, quand on passe devant un bar... D'ailleurs je vois avec surprise que certains coureurs les acceptent, et se descendent une bière en trottinant. Ils le paieront sans doute plus tard.

De mon côté je surveille constamment mon GPS pour garder ma vitesse dans des limites raisonnables (autour de 10-11km/h). Je ralentis aussi Thierry qui se laissait entraîner, Hyacinthe part devant et on le perd. Et on trottine comme ça dans les rues bondées de Chamonix (on réussira à voir Mika placé plus loin pour faire des photos), 


puis sur les 8km de trajet vallonné mais globalement plat jusqu'aux Houches. Quelques petites flaques de boue à éviter, quelques embouteillages quand le sentier se rétrécit ou que la pente se redresse, et en moins d'un heure on est au premier ravitaillement. 

RAVITO 1 - LES HOUCHES - KM7.9 - alt 1012m - 53'28" de course - 30" d'arrêt
C'est la cohue absolue, tout le monde arrive en même temps. Une véritable armée de bénévoles approvisionne les tables pour nous. J'attrape un gobelet jetable d'eau gazeuse tout prêt et repart aussitôt.

LES HOUCHES - LE DELEVRET - 5.9 km - 778m+ - 22m-
Mon but est de ne pas voir passer la montée, et ça se passe bien. Je discute avec Thierry, de trail bien sûr, quelles courses on a faites, comment et combien on s'est entraînés... On y va vraiment facile, et ça passe super bien, alors que tout autour j'entends des souffles courts et je me dis qu'ils forcent trop, trop tôt. Je double dans la montée tant que je peux mais sans jamais forcer. On passe un enclos à cochons, le paysage n'est pas encore fantastique, je me dis que je n'avais pas raté grand chose en passant là de nuit l'an dernier. D'autant plus que les hauts sommets sont cachés par quelques nuages.

On passe 2 ravitos sauvages dans la montée. Le premier à peine 2.5km après celui des Houches, est tenu par des japonais qui nous encouragent en japonais. Je m'y arrête à peine 15", il y a des morceaux de barres céréales, j'en prends 3 en me disant que justement je commençais à avoir faim, et aussi un nounours Haribo, comme Kilian aussi :-) ça fait plusieurs ravitos assez rapprochés, mais ça compense l'impossibilité de s'arrêter dans la cohue des Houches, car ici le peloton est déjà un peu plus étiré par la montée, et beaucoup passent devant ces tables sans s'arrêter.

LE DELEVRET - KM13.8 - ALT 1778m - 2h07'31" de course
Pas de ravito ici, on bascule de l'autre côté.

LE DELEVRET - SAINT-GERVAIS (descente) - 7.2 km - 55m+ - 1001m-
Il fait encore plein jour, et ça change tout ! La descente est beaucoup plus sympa de jour, sans boue, et avec de la visibilité, à comparer avec les rafales de pluie-neige et les glissades sur gadoue de l'an dernier. Je ne reconnais pas du tout le paysage passé de nuit l'an dernier, mais rien raté. Le début de la descente se fait sur cette large piste très très raide, dont je me rappelais. Mais pas de glissade ni de blessure cette année, c'est quand même plus facile quand c'est sec. Et j'y vais très prudemment (ma devise de ce début de course ? "jusqu'à Courmayeur, c'est l'échauffement"). 

On enchaîne ensuite sur un super single, toujours en descente, à travers la forêt et sa bonne odeur d'épines de pin. il est très difficile de doubler mais j'essaye quand même, tout en m'économisant au maximum. En fait il aurait fallu se placer sur la ligne de départ 2h avant pour être sûre de partir bien positionnée et éviter trop de bouchons... Je suis toujours avec Thierry, j'espère qu'on pourra faire la nuit ensemble pour s'aider à la passer. Le single débouche sur une piste plus large et j'en profite pour doubler. Thierry s'arrête à une fontaine / abreuvoir, je ralentis mais il y a la queue et pas envie de devoir re-doubler les mêmes lents, donc je repars sans boire et il me rejoint après. Thierry m'avait annoncé que c'était dur de doubler à cet endroit, mais je ne me rappelais pas avoir eu de problème l'an dernier. 

RAVITO SAINT-GERVAIS - 21km - alt 810m - 3h03'34" de course (vendredi 19h30) - 3'22" de pause
On est accueillis comme les rois du monde par une foule dense et bruyante, génial ! :-D
Mais le ravito est sur-bondé, je me fais bousculer et n'arrive pas à accéder aux tables, je finis par demander à un bénévole de me servir une soupe et de me la passer par-dessus les autres coureurs qui oublient totalement tout politesse pour ne pas perdre une minute de leur temps. Enervant, et en plus totalement stupide et inutile sur une course de plus de 30 heures... Thierry s'est arrêté à l'entrée pour reprendre de l'eau (moi j'en ai encore) et je n'arrive plus à le retrouver. Un gars avec ses bâtons fixés sur le sac pointe en haut m'en met un dans l'oeil en me bousculant, et je ne trouve toujours pas Thierry, donc je préfère m'enfuir de la cohue. Je rattrape le gars avec ses bâtons à l'envers, sur le bitume en sortie de ravito, et je le vois faire exactement le même coup à un autre coureur, du coup je lui dis de faire gaffe et il se rebiffe et me dit que c'est pas sa faute il voit pas dans son dos. Ah... certes... et mettre tes bâtons pointe en bas, t'y as pensé ? Du coup je le dépasse et me casse.

SAINT-GERVAIS - LES CONTAMINES - 9.7 km - 535m+ - 200m- - 1h36
Après une courte traversée du village, on monte vers les Contamines. Il fait de plus en plus sombre mais je repousse le moment de sortir la frontale (pourtant accessible dans ma poche côté de mon sac) le plus tard possible. Tout le monde autour de moi commence à la sortir, mais je voulais attendre d'arriver aux Contamines pour passer en mode nuit. On arrive sur ce pont où des signaleurs nous font descendre sur un petit chemin, l'an dernier je stressais d'avoir raté le ravito (retour aux Contamines) et d'être repartie sur la boucle du signal, mais en fait avec plus de visibilité et surtout plus de lucidité, je me rends compte qu'on ne fait que descendre au bord de l'eau pour traverser la route par en dessous... petit sentier qui descend, dans la forêt, et il fait vraiment noir. Je descend à l'aveugle quelques minutes avant de réaliser qu'il serait vraiment idiot de me blesser bêtement en ne voyant pas un trou ou une branche... je finis donc par me résoudre à sortir ma torche (même pas besoin de m'arrêter), et me rend vite compte que j'étais stupide de pas la sortir avant : je vais d'un coup beaucoup plus vite, quand je vois où je pose les pieds... Puis on remonte très vite en face, au village des Contamines pour le ravito. 

RAVITO LES CONTAMINES - 30.7 km - alt 1170m - 5h00'38" de course (vendredi 21h30) - 16'23" de pause
Je remplis poche à eau et bidon (ou plutôt une bénévole dotée d'un tuyau me remplis tout ce que je lui tends, super sympa et pratique) puis je demande la zone d'assistance et vais y retrouver Mika. C'est le premier ravito avec assistance autorisée, après à peine 30 bornes de course, mais ça fait déjà du bien. 

Du coup j'en profite pour déjà changer de chaussures : j'étais partie avec les Salomon speedcross au cas où il y aurait de la boue sur le Delevret, et je les échange pour les Mizuno bleues avec un meilleur amorti (ça commençait à manquer). Je laisse les lunettes de soleil aussi, et embarque un V shoot pour la nuit au cas où (l'assistance n'est pas autorisée aux Chapieux donc je le prend maintenant). Et enfin je récupère la pochette étanche pour emballer mon téléphone, au cas où pour l'humidité de la nuit. Je me change aussi pour la nuit, j'avais chaud en arrivant alors j'hésitais à enfiler le t-shirt thermique long, mais en sortant il faisait déjà bien frais et j'ai pas regretté de l'avoir mis ! Je mets mon kway à portée de main dans la poche de côté à la place de la frontale qui est maintenant sur ma tête, sinon je sais très bien que j'aurai la flemme de m'arrêter, et je vais continuer à me geler plutôt que de faire l'effort d'enlever mon sac en pleine course pour aller chercher mon kway :-) 

Et après ce petit quart d'heure de pause, c'est reparti pour une longue nuit. Prochain rdv avec Mika aux Chapieux vers 1h du matin (si je tiens mon plan).

LES CONTAMINES - Notre-Dame DE LA GORGE - 3.9 km - 68m+ - 0m-
C'est quasi plat et il faut donc trottiner, mais c'est plutôt agréable, sous le magnifique ciel étoilé. En arrivant sur la route à Notre-Dame de la Gorge le signaleur m'encourage "Allez Carole !" (le prénom est sur le dossard) quand j'arrive vers lui, puis "allez Grenoble !" quand je m'éloigne de l'autre côté (sans doute à cause de la balise UT4M accrochée derrière mon sac en guise de porte-bonheur ^^). L'église est illuminée de bleu, c'est joli, beaucoup de monde est attablé en train de pique-niquer, mais je passe mon chemin très vite.

ND de la GORGE - LA BALME - 4.2 km - 482m+ - 0m- - 
La 2e partie de la section monte un peu plus en direction de la Balme, mais toujours trottinable, en alternance avec de la marche. Le parcours est jusqu'ici similaire à ce qu'on a fait l'an dernier. 

RAVITO LA BALME - 38.8 km - alt 1706m - 6h31'30" de course (vendredi 23h)
La grosse balle lumineuse a laissé place à un tube, je ne risque plus de le prendre pour la pleine lune cette année :) surtout qu'elle n'est plus pleine depuis 10 jours. Un croissant se lève sur notre droite derrière les montagnes. Le feu de joie dehors est beaucoup moins attractif, il fait bon, et je passe très vite le ravito pour repartir dans la montée. Maintenant on entre enfin vraiment en montagne, pour y passer notre première nuit.

A suivre au chapitre 2 !