J'ai gagné mon dossard pour cette course l'an dernier (au salon du trail de l'UTMB), mais je me suis décidée au dernier moment à vraiment participer, car plutôt en mauvaise forme dernièrement. Billets de train prems, covoiturage entre Montpellier et Saint-Matthieu de Tréviers, et me voilà sur place à 17h30 la veille de la course, pas vraiment préparée. Retrait des dossards, une petite dizaine de mecs devant moi pour le 120km Ultra-Draille, personne dans les autres files pour les courses plus courtes. Puis Jérémy d'Okidosport me fait goûter divers pollens et de la gelée royale (on en gagne un petit flacon avec le dossard), je récupère mon t-shirt, j'entends un bout du briefing (il va faire très chaud, le k-way gore-tex ça sera pas la peine). On me dit qu'il n'y a pas de petit déj au départ, du coup je m'achète quelques Mule Bars (après un tour du village à la recherche d'un distributeur, on va dire que c'était l'échauffement), puis pasta party dehors en découvrant le profil de la course dans le roadbook, avant d'aller me poser dans le dojo attenant qui sert de salle de repos à une quinzaine de coureurs. Pour l'instant je n'ai encore vu que des mecs. Courte et dure nuit, entre les gars qui ronflent, ceux qui arrivent au compte-goutte pour se coucher pendant tout le début de la nuit, et le stress / l'excitation de la course.
MATIN
Finalement j'ai une place dans le bus que j'avais oublié de réserver (mon organisation est vraiment à l'arrache pour cette course ^^), qui nous dépose à Causse de la Selle. En fait il y a bien un petit déjeûner à base de thé-café-viennoiseries dans une petite salle où on s'entasse pour s'abriter du froid (relatif). J'enfile les manchettes pour pouvoir déposer ma polaire et mon sac de délestage dans le camion qui nous l'apportera à la base de vie de Saint-Jean de Buèges à mi-course, puis à l'arrivée. Puis on se place tous derrière la ligne de départ, le speaker félicite "particulièrement les féminines", et insiste pendant 5mn pour qu'on vienne se mettre tout devant, photo, et on retourne se planquer derrière :-)
5h33 - DEPART
Les hauts-parleurs crient du ACDC (Thunderstruck), et 5, 4, 3, 2, 1, c'est parti ! Je n'ai pas sorti la frontale, pas vraiment besoin, quelques gars autour de moi ont la leur et le lever du jour n'est pas bien loin.
On est au ralenti à la queue leu leu sur des tous petits singles en sous-bois, assez sombre, et j'ai hâte que le jour se lève vraiment, mais tout en redoutant la chaleur qu'il va apporter. Quand on émerger finalement sur une large piste/route, mauvaise surprise, j'étais coincée dans un petit train lent d'à peine 5 ou 6 coureurs, mais le reste du peloton s'est fait la belle... J'accélère pour essayer de recoller, mais redoute en même temps de me retrouver toute seule. Heureusement, 2 gars déboulent à bonne vitesse derrière moi et je m'accroche à eux. On court sur des faux-plats qui montent et descendent, pas sûr que ce soit une bonne idée de trop se crever dès le début, alors je commence à me demander quand on va grimper vraiment, histoire de pouvoir marcher.
MONTHAUT et ROC DE LA VIGNE
Et effectivement on commence à monter, avec pas mal d'escalade de rochers, et je regrette déjà mes bâtons qui me gênent plus qu'autre chose. Le soleil se lève à l'horizon, on voit même la mer, des falaises et de la verdure, et ça sent bon le pin et la garrigue, j'adore ! On passe sous des blocs rocheux, des aiguilles, ça donne trop envie de grimper !
Arrivés en haut du premier sommet (Monthaut), il y a encore du monde autour de moi, je discute avec un gars (du CMI Tullins, le monde est petit) qui l'a déjà fait l'an dernier et qui me rassure que mes bâtons seront bien utiles sur le bon chemin qui montera à partir du ravito à venir, ouf.
Un bénévole sécurise le haut et nous annonce de faire gaffe à un passage "un peu technique" : ça commence par de la désescalade, un autre bénévole attrape mes bâtons et me montre le sol souple en contrebas, "c'est meuble", sous-entendu tu peux sauter, bon allons-y alors. Et là vive douleur au genou droit à la réception, j'ai peur de m'être fait mal mais ça passe rapidement et je continue. Puis vient le passage vraiment technique : la pente s'accentue, et c'est que du gravillon qui roule sous les pieds, faut vraiment faire gaffe à pas tout dévaler jusqu'en bas. Heureusement que j'ai un peu le pied montagnard :-) S'ensuit une 2e petite montée vers le Roc de la Vigne avant de basculer vers le 1e ravito. Je suis complètement seule par moments, c'est dur de trouver le bon rythme quand il n'y a personne autour, difficile de savoir si on va trop vite ou trop lentement. Comme on m'avait annoncé la veille, c'est "moi, le soleil et les cailloux".
On passe 2 points d'eau non annoncés, des bénévoles avec des packs de bouteilles, vers le 10e et le 20e km, et à chaque fois j'accepte volontiers quelques gorgées avant de repartir. Dans la descente vers le fond d'une gorge, je rattrape une coureuse espagnole, au moment où des spectateurs nous annoncent 3e et 4e fille, je la double et suis donc maintenant 3e femme, sur le podium, wouhou, c'est nouveau pour moi, mais j'ai bien l'intention de m'accrocher à ma place. D'ailleurs le mieux serait d'en doubler une de plus pour être sûre :-)
RAVITO 1 - SAINT-GUILHEM LE DESERT - KM24 - 9h10 (3h36 de course, 3' de retard sur la 2e)
Après une descente de petits escaliers de pierre entre les murs du village, dans une fraîcheur déjà bienvenue, j'arrive au ravito à peu près en même temps qu'un gars qui s'est perdu et y arrive à l'envers. Je suis pile dans mon estimation de la veille, 3h30 de course. Au ravito, juste une table sous des arcades, je n'ai pas vraiment faim mais je prends des cacahuètes pour le sel. A l'apéro ça passerait tout seul, mais c'est le paradoxe du trail : plus tu aurais besoin de manger et moins tu as faim... J'en profite aussi pour boire, sans me faire prier ça par contre, et recharge le camel à fond, pas question de lésiner sur l'hydratation avec des températures annoncées dans les 35°C. Il est encore bien tôt mais il fait déjà très chaud, ça ne laisse rien présager de bon pour la suite. Le speaker avait raison de nous dire de nous ménager; il avait même prédit que les premiers à Saint-Guilhem seraient les derniers à l'arrivée, mais pendant la course je ne réalise même pas qu'on y est déjà.
Finalement mon arrêt sera express. On est maintenant tout au fond du trou et il va falloir remonter, d'abord aux Fenestrels.
puis au sommet du Mont Saint-Baudille où le ravito suivant nous attend. Aucun souvenir de cette montée, elle passe à bonne vitesse, et j'y double même la 2e fille, et me voilà donc 2e :-) Un bénévole nous donne nos classements scratch quand on passe, je suis 85e, il me dit que la 1e fille était 80e environ. Je commence à me faire des films... Paradoxe du coureur d'ultra qui doit être capable de s'imaginer passant la ligne d'arrivée, avec moults détails, au point d'en avoir déjà des frissons, mais qui doit en même temps s'empêcher d'imaginer les près de 100km qui restent à parcourir avant... D'autant plus difficile à oublier que pendant quasi toute la course le Pic Saint-Loup nous nargue au loin, voire très loin...
Bon, concentration, pour l'instant le sommet n'est plus très loin et c'est tout ce qui compte. Et j'ai la forme, je cours, j'admire les paysages splendides, le soleil resplendissant, et je me dis que c'est le paradis ici !
RAVITO 2 - sommet du Mont Saint-Baudille - KM35 - 10h50 (14" d'avance sur la 2e, 10' de retard sur la 1e)
On arrive en haut devant un genre de sémaphore qui me rappelle une rando faite avec papa et Vic il y a quelques temps, par grand brouillard, alors qu'aujourd'hui le ciel est d'un bleu pur et sans nuage.
Je demande au coureur qui me suit comment s'appelle cet endroit (j'ai pas vraiment assez bossé mon profil avant la course ^^) mais le nom ne me dit rien. Puis j'entends une voix féminine derrière moi et je crains que la 2e fille revienne déjà sur moi. On aborde un petit passage d'escalade et un bénévole annonce 2e et 3e fille, et le gars derrière moi répond "je suis pas une fille moi !", du coup je sais pas s'il blague ou si on l'a vraiment confondu avec une fille... Mais je ne prends pas le temps de me retourner. On redescend quelques mètres sur un petit chemin jusqu'à la table de ravito posée sur un coin de parking. On m'annonce la 1e fille pas loin devant alors je ne traîne pas. Je descend un ou 2 gobelets d'eau gazeuse, refais le plein du camel moitié à l'eau gazeuse aussi, mange un peu d'un mélange de fruits secs-raisins, embarque une barre céréale et c'est déjà reparti, pour une section de 20km qui commence par une crête avant une grosse descente sur le ravito.
CRETE - PIOCH DE LA BOFFIA - KM 43
ça repart sur une large piste, en plein cagnard, et il n'y a quasi personne autour de moi. J'essaye de suivre un gars avec des boosters vert fluo devant moi, en finissant de manger mes fruits secs. Evidemment j'ai trop bu d'un coup et j'ai des points de côté, mais il faut vraiment courir, c'est très roulant. Je sors la musique pour me booster un peu. Juste quand je crois rattraper "chaussettes vertes", un gars arrive derrière moi avec une casquette saharienne blanche, me double, et ils partent devant tous les 2 et s'éloignent. Après 6 ou 7 km de crête je commence à avoir un peu faim et attaque la barre céréale dans ma poche pour garder la pêche, et je perds de vue les 2 gars. Puis je perds de vue aussi les balises et ça commence à m'inquiéter. Je me force à avancer encore un peu, au cas où, mais le balisage était parfait jusqu'à présent et là il y a vraiment un problème. Demi-tour donc, et je dois remonter la piste que je viens de descendre, sur près d'un km, avant de retrouver les balises : il y avait une fourchette, le bon chemin partait à droite, je n'ai rien vu malgré les 2 rubalises qui l'encadraient... totalement ma faute sur ce coup-là, mais c'est dommage, alors que j'essayais de rattraper la 1e, maintenant je ne sais même pas si je suis encore 2e. J'essaye de ne pas me laisser atteindre le moral et repars de plus belle. Du coup je force vachement dans la descente qui suit, et effectivement je redouble la 2e fille, à son grand étonnement. Devant ses yeux ronds je lui mentionne que je me suis perdue. Je descend vraiment vite, pas sûr que ce soit une bonne idée, je risque de le payer plus tard...
RAVITO 3 - PEGAIROLLES DE BUEGES - KM55 - 13h15, 7h42 de course, 22mn de retard sur la 1e, 49mn d'avance sur la 3e
On arrive dans un petit patelin super mignon, et je crois être à Saint-Guilhem. Je commente aux quelques signaleurs que c'est bien joli chez eux, et arrive au ravito caché à l'ombre comme dans un petit jardin. La chaleur a l'air d'avoir fait une hécatombe, pas mal de coureurs sont assis ou couchés, torse nu, et prennent le frais.
Une fois de plus je remplis le camel, mais entièrement à l'eau gazeuse cette fois (mauvaise idée bien sûr, en courant les bulles d'air ont fait gonfler ma poche à eau dans mon dos, pas très confortable...), mange quelques cacahuètes / fruits secs et repars illico. Le prochain ravito n'est qu'à 7km, officiellement (en fait les ravitos n'étaient pas toujours placés au kilométrage annoncé...). On commence par descendre encore un peu plus bas, avant de remonter, et un Alexandre me rattrape avec un commentaire sur "la musica", alors que je commence à avoir du mal. J'ai trop chaud et j'ai trop donné dans la descente qui a précédé, et comme prévu je le paye cash... Lui par contre me dit qu'il a la pêche depuis 2 heures et qu'il en profite pour "distribuer des bonnes ondes" autour de lui, c'est sympa :) on avance ensemble un petit peu ensemble, on passe dans un village où une dame a installé une table face à sa porte et nous offre des jus de fruit (j'en rêvais !) qu'elle garde au frais tant bien que mal dans un bac de glaçons, mais aussi et surtout des fraises et des cerises de son jardin !! Merci ! On en prend quelques-unes, je me fais aussi un verre de jus d'orange, ça fait trop du bien, et on repart dans la montée, sur route puis piste.
MONTEE DE PEYRE MARTINE
Très vite Alexandre part devant à son rythme en me souhaitant bon courage, il s'éloigne déjà quand je réalise qu'on en a oublié de surveiller le balisage. Je le rappelle, il se posait justement la question aussi, et on fait demi-tour ensemble. Assez vite on tombe sur un coureur qui arrive dans l'autre sens, persuadé d'être sur le bon chemin car il vient de voir une balise. Mais en fait une toute petite trace partait à gauche, on l'avait tous ratée... Bon, cette fois on n'a pas perdu trop de temps, et on repart dans le bon sens avec un autre gars qui arrivait juste derrière. Très vite je les perds de vue et me retrouve toute seule à galérer, "moi le soleil et les cailloux", encore... Je me répète les bonnes paroles de Philippe au Taekwondo : "l'énergie va où va le regard", pour me forcer à regarder devant plutôt que mes pieds. Et je coupe la musique pour me concentrer sur le balisage, et me mets à compter mes pas entre chaque marque. Pas très homogène, parfois seulement quelques pas, parfois une centaine, alternance de points de peinture orange au sol, plus ou moins délavée selon l'ancienneté, et de rubalise. 7 pas, 37 pas, 15 pas, 70 pas, 3 pas, 10 pas, 65 pas.... je suis toujours toute seule et je n'avance pas bien vite. J'avais vu des silhouettes au loin devant moi que j'essayais de rattraper, croyant à des coureurs, en fait c'étaient des randonneurs... et j'ai déjà mis un siècle à les rattraper, alors les autres coureurs, aucune chance que je les revoie... à moins qu'eux me rattrapent.
Je croise un couple de randonneurs qui descendent, je leur demande si on est encore loin, ils me disent "pas vraiment" avec un air de chien battu, tout désolés pour moi. Pas beaucoup plus loin je croise une autre randonneuse qui elle me dit que c'est bientôt fini. Qui croire... Je choisis d'être optimiste, et effectivement, on ne tarde pas à arriver sur un replat, même si la montée n'est pas tout à fait finie. Puis David me rattrape et on commence à discuter, ça fait passer la fin plus vite. D'autant que la montée se termine sur un passage d'escalade qui me rappelle le trail des balcons de l'Obiou, mais là c'est moins drôle...
DESCENTE DE PEYRE MARTINE
Maintenant qu'on est en haut, on descend, ouf, ça fait du bien ! Je suis David, qui marche plutôt que courir mais il va relativement vite et il maintient une vitesse constante, alors que sinon j'aurais tendance à dévaler comme un cabri pour ensuite marcher, etc. On reste donc ensemble et on s'entraîne mutuellement à un bon rythme.
Autre bonne parole de Philippe au Taekwondo, "la pensée tue l'action". Il ne faut mieux pas encore penser qu'on n'en est même pas à la moitié de la course. Mais en même temps il est impossible ici de se mettre trop longtemps dans sa bulle pour avancer en pilote automatique, le terrain hyper-caillouteux aurait tôt fait de nous rappeler à l'ordre. D'ailleurs d'un coup je rate un pas mon pied glisse hors du chemin et hop, une glissade dans le fossé... Je me rattrape bien et rejoins David qui m'attendait. Au bout d'un moment la descente devient plus roulante, sur piste, et me donne bien envie de courir, David moins mais il se force, et on descend comme ça sur Saint-Jean de Buèges et sa base de vie.
SAINT JEAN DE BUEGES - base de vie - KM62 - 16h09, 10h36 de course, 38mn de retard sur la 1e, 13mn d'avance sur la 3e, 25mn de pause.
C'est dans ce village que l'Hérault Trail a démarré ce matin vers 10h, pour nous devancer sur la fin de notre parcours. C'est dommage qu'ils ne courent pas en même temps que nous, pour mettre un peu plus de monde sur un parcours qui devient vraiment désert maintenant que le peloton est complètement étiré. J'arrive vers 16h, alors que mon plan de course fait à l'arrache la veille au soir me voyait en repartir vers 16h, ça va mes prévisions étaient pas loin !
La base de vie est dans un bâtiment en dur, on va pouvoir se mettre un peu au frais. Je récupère mon sac de délestage, et on m'offre une chaise que j'accepte avec plaisir, première fois que je m'assieds depuis ce matin.
Je recharge un peu ma batterie de GPS, remets de la Nok et change de chaussettes, et me fais même du bouillon de champignons puis une assiette de pâtes. Il faut prendre des forces, mais ça me fait un arrêt assez long (25 minutes), du coup je vois la 3e fille arriver puis repartir juste avant moi.
Je reprends une barre céréale avant de partir (j'ai enfin fini de manger la première), m'arrête aux toilettes, puis ne trouve pas le chemin en sortant, je reviens donc dans le ravito pour demander mon chemin et là je vois la 4e fille qui vient d'y arriver, coup de stress ^^. Le bénévole un peu interloqué que je sois perdue me fait un roman "tout droit, puis à gauche, devant le bar, tu longes le canal, puis à droite puis à gauche puis...", je l'arrête, "j'aurai oublié avant d'y être". Et c'est reparti, je suis donc 3e fille, mais j'espère bien rattraper la 2e encore une fois. Effectivement on passe devant le bar, les gens attablés en terrasse m'encouragent alors que je passe en marchant, et je relance en courant.
MONTEE DU ROC BLANC
On commence par se taper un KMV ou presque, droit dans la pente au milieu des vignes, ça monte raide, et il fait toujours aussi chaud, heureusement il y a un peu d'ombre de temps en temps. David ne tarde pas à me rattraper mais cette fois c'est lui qui a du mal, il s'excuse de ne pas pouvoir me relayer en tête, mais ça me va très bien, au moins je monte à mon rythme et pas toute seule. J'essaye de l'encourager de temps en temps mais il plane complètement, il me dit même qu'il a des hallucinations, alors on monte lentement et en silence.
En haut 2 bénévoles sont assis sur les cailloux avec un mini ravito, ça tombe bien j'en peux plus, je commence à plus pouvoir respirer, la crise de panique de la montée, ça promet... Ils me voient arriver en piteux état et me font m'assoir, ils ont de l'Oasis, trop bien ! j'hésite 2 secondes à en laisser pour les suivants mais il n'y en a presque plus (d'oasis, et de suivants non plus d'ailleurs) donc je siffle tout, et prend aussi quelques cranberries. Puis je me force à me relever déjà, ça ne sert à rien de perdre du temps ici, il faut en finir avec cette montée. Par contre on n'est pas encore rendus, ils nous annoncent une crête assez longue, et effectivement quand ils nous montrent le sommet du Roc Blanc, tout là bas, ça n'a pas l'air tout près...
C'est reparti sur une magnifique crête il faut bien le dire, avec du vide des deux côtés par moments, on se balade sur de grandes dalles et des lapiaz, faut faire gaffe à pas mettre le pied dans une faille mais c'est quand même beaucoup plus facile que la montée qui a précédé. Cette fois c'est David qui me tire. Et on finit par arriver aux antennes. De là on avance encore un peu pour trouver le ravito sous une bâche au bord de la piste.
RAVITO DU ROC BLANC et REDESCENTE
Je m'allonge par terre dans la caillasse, on me dit qu'il y a de l'herbe à 200m mais c'est trop loin pour moi... Je pose mes pieds en hauteur sur une chaise et attend que ça arrête de tourner. Toujours pas de jus de fruits au ravito, ni de sirop, ça manque par cette chaleur qui donne plus envie de boire que de manger, alors je bois de l'eau... Après 10 petites minutes de pause, on repart mais en fait je suis complètement en hypoglycémie, David me dit que je suis toute blanche et me file un gel "coup de fouet", ça finit par agir et on descend bien. Un peu plus loin on se fait une sportenine chacun (ça aide d'être pharmacien). Mes genoux commencent à couiner dans la descente, à faire mal, je m'inquiète un peu, et puis finalement ça passera comme c'était venu (à la faveur de la remontée).
Tout ce qu'on monte, il faut le redescendre. Normalement ça devrait me réjouir, mais malheureusement j'ai du mal à profiter de cette descente : on dirait qu'un hélicoptère y a déversé plusieurs tonnes de cailloux de toutes les tailles et toutes les formes. J'avais été bien présomptueuse en affirmant la veille que j'aimais les cailloux... en fait je ne les aime plus du tout. En plus il fait toujours aussi chaud et je commence à fatiguer. Du coup impossible de me mettre dans ma bulle, alors que j'en aurais bien besoin. La descente est (très) longue et on a vraiment l'impression de pas avancer, les kilomètres ne défilent pas bien vite. Je regarde mon GPS tout le temps, mais à chaque fois on n'a pas fait plus de quelques centaines de mètres... David pense à abandonner, mais il me dit que moi j'ai intérêt à aller chercher ce podium. J'en ai bien l'intention, et cette motivation supplémentaire m'empêche aussi d'envisager l'abandon. Mais je n'ai pas non plus l'intention de le laisser abandonner.
On réalise que ça y est le ravito en haut a fermé (barrière horaire à 20h30), il ne doit plus y avoir grand monde derrière nous. On voit le village de Brissac en contrebas, il semble si loin et ne fait que reculer, puis on s'enfonce en sous-bois et il disparaît maintenant carrément derrière les arbres, plus aucun point de repère pour mesurer notre progression. En plus la nuit approche et on aimerait bien atteindre le ravito avant qu'il fasse noir.
BRISSAC - 82km - Samedi soir à presque 21h - 15h21 de course - 1h15 de retard sur la 1e, 15' de retard sur la 2e
Et puis d'un coup on est accueillis par les parents de David montés à sa rencontre, qui nous accompagnent jusqu'au ravito. Je pars devant en trottinant en les laissant marcher ensemble. Et d'un coup le chemin débouche dans le village, on fait le tour d'un petit terrain / parking et on arrive à une table avec quelques chaises. On boit et mange un peu, puis David a droit à un massage par son père (qui est kiné !) qui m'en propose ensuite un aussi, super ! Les parents de David nous assurent que la 2e fille n'est pas loin devant, alors que d'après les bénévoles c'est mort, elle a au moins 20mn d'avance ; mais j'ai bien l'intention d'essayer. David lui veux rester un peu plus longtemps au ravito, mais je décide de ne pas l'attendre, en sachant qu'il me rattrapera facilement à la 1e montée. Je sors ma frontale et repars requinquée, il ne reste que 3 petites bosses (relativement au reste), je compare ça à une fin d'UTMB en miniature.
NOTRE-DAME DU SUC - ISSENSAC
ça monte sur de la route très peu balisée, et moi depuis que je me suis paumée 2 fois je stresse à mort de me perdre encore une fois. Heureusement David m rattrape assez vite, et je suis bien contente d'avoir sa compagnie pour ne pas me perdre. Il m'offre 2 choix : soit on force pour aller chercher la 2e fille, soit on continue comme ça à la cool et on voit. Pour moi ça sera la 2e option, la montée du Roc Blanc m'a bien cassée et je ne veux pas forcer avant de me sentir mieux, alors on verra bien déjà si on se rapproche d'elle à ce rythme là. D'ailleurs je me descends un gel à la cafféine et c'est là que je réalise que j'ai oublié de remplir mon camel à Brissac : je n'ai plus une goutte d'eau. Du coup David me passe son bidon (qu'il a en plus de sa poche à eau).
La 1e bosse (Notre-Dame du Suc) passe l'air de rien, pas mal de passages sur route, pas de grosse pente.
On est déjà redescendus quand je demande à David si on est bientôt en haut... :-) Au fond c'est Issensac et un petit ravito. A la sortie du ravito Julien nous demande s'il peut se joindre à nous et on repart à trois. Il était tout seul depuis un moment, ce n'est pas drôle et la nuit encore moins, à plusieurs le temps passe plus vite.
Il nous reste une autre bosse pour atteindre le ravin des Arcs. Dire que je voulais y arriver de jour (Silvan m'en avait parlé comme d'un endroit où il valait mieux passer de jour) ... aucune chance. Mais je suis repassée en mode "je suis contente d'être là", j'admire la pleine lune, le ciel étoilé bien que voilé (maintenant qu'on n'en a plus besoin, les nuages sont arrivés...), et je profite à fond.
Il nous reste une autre bosse pour atteindre le ravin des Arcs. Dire que je voulais y arriver de jour (Silvan m'en avait parlé comme d'un endroit où il valait mieux passer de jour) ... aucune chance. Mais je suis repassée en mode "je suis contente d'être là", j'admire la pleine lune, le ciel étoilé bien que voilé (maintenant qu'on n'en a plus besoin, les nuages sont arrivés...), et je profite à fond.
RAVIN DES ARCS - 94km - ravito de la Guichette - 26' de retard sur la 2e, 1h17' de retard sur la 1e
On entend de la musique au loin, on espère que c'est le ravito, on passe pas loin de grandes tentes qui ont plutôt l'air d'être une rave party. Philippe nous rattrape et se joint à notre petit groupe. On croise des jeunes en voiture en route pour faire la fête, incompréhension mutuelle :-) On arrive bientôt à notre fête à nous, le ravito de la Guichette, minuscule tente tenue par un seul bénévole. Je lui demande le résultat du rugby, c'est Castres qui a battu Montpellier après prolongation et ira retrouver Toulon en finale du Top14. On retrouve là Hakim, que j'avais perdu dès le départ, il abandonne son collègue qui veut dormir un peu et repart avec nous. Notre petite équipe s'agrandit !
Le bénévole nous fait traverser la route en sécurité, il nous dit aussi qu'on ne va plus tout au fond du Ravin des Arcs cette année, mais on descend encore pas mal, jusqu'à traverser un pont de pierre. On forme maintenant une petite équipe, plus forts ensemble pour affronter la nuit. On discute de tout et rien, des barrières horaires mais globalement on a quand même vachement d'avance, des abandons sur d'autres courses, des prochaines courses des uns et des autres... Il y en a qui préparent la Diagonale des Fous, ils viennent manger du caillou :-) on me dit même que les podiums homme et femme gagnent un dossard pour la Diagonale, je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle, j'ai bien envie de retenter ma chance avec un peu plus d'expérience maintenant, mais peut-être pas cette année. Et puis on discute de doubler la 2e fille.
Mais pour l'instant ça monte et je me retrouve à la traîne avec Julien, pendant que Hakim entraîne David devant à un bon rythme. Ils nous attendent de temps en temps. On les rejoins en courant à la faveur du moindre bout de descente ou de plat, mais dans le même temps on sème Philippe qui ne court plus. David me demande si j'ai toujours son bidon, je l'avais oublié, du coup j'en profite pour le lui rendre, en m'en faisant une excuse pour ma lenteur :) Puis Julien demande si ça y est on a passé les 100 km au fait ? Un coup d'oeil à mon GPS : 100.00 km ! Pour une fois je n'aurai pas à jouer les rabats-joie ou les pessimistes de service en annonçant que non on n'a pas avancé, il reste toujours plein de kilomètres...
BASE VIE n°2 - SAINT-MARTIN DE LONDRES - dernier ravito - 103km - 21' derrière la 2e, 1h11' derrière la 1e
Et on arrive comme ça à la 2e et dernière base vie, à 20km, pardon 17km de l'arrivée, ça change tout.
Hakim et David sont arrivés un peu avant nous, Hakim est au kiné. On s'assied tous sur des chaises dans cette grande salle bien vide. Ils n'attendent plus grand monde derrière nous. Il y a des gâteaux faits maison, et apparemment il y avait aussi des crêpes plus tôt dans l'aprem. Alors que je mange un 2e bout de gâteau maison fait par les bénévoles (trop bon) j'aperçois d'un coup la 2e fille qu'on chassait désespérément depuis la base vie précédente ! Elle a fait un arrêt kiné et s'apprête à quitter le ravito, et aussitôt je suis sur pieds avec un super regain de motivation qui amuse bien les gars :) David me dit d'y aller et je repars toute seule à sa suite.
Je poursuis sa silhouette, je la vois tout juste au bout de la route, c'est bon ! je cours le temps de la rattraper, essaye d'entamer une discussion avec elle mais elle n'a pas l'air d'humeur bavarde. Alors que j'apprécie le bitume, elle me dit que ça va pas durer, on va attaquer le Pic Saint-Loup avec plus de cailloux que tout ce qu'on s'est déjà tapé. Pas rassurant... Pour l'instant je la suis, elle marche très vite en poussant très régulièrement sur ses bâtons, moi le bruit de mes bâtons sur le bitume ou les cailloux qui rompt la tranquillité de la nuit me saoûle, ou bien ça ne colle pas à mon image du félin qui pourchasse silencieusement sa proie dans l'obscurité avant de surgir par surprise pour l'av... la dépasser. Du coup je m'en sers beaucoup moins... je suis obligée de courir quelques pas régulièrement juste pour rester au contact. Mon GPS montre des signes de faiblesse donc je lance tout de suite runkeeper sur mon téléphone pour avoir la trace jusqu'à l'arrivée.
Puis on arrive sur une descente sur route, et après une petite hésitation entre le confort de suivre quelqu'un et l'esprit de compétition, je décolle, la double, et accélère dans la descente. Je fais bien, car on descend assez longtemps et sur terrain bien roulant. Je la perds déjà de vue, mais continue à craindre qu'elle me rattrape. Il n'y a plus personne d'autre autour.
Puis arrive le début de la montée. J'ai une forme et une motivation du tonnerre. Je me fais mon 2e et dernier gel à la caféine histoire d'être vraiment sûre :-) et je monte, je monte, et je monte aussi vite que je peux. Je ne sens même pas la pente, et déjà c'est le haut de cette première montée, mais je sais qu'il en reste encore. Mais pour l'instant c'est plat ou ça descend, et en plus c'est toujours plutôt roulant, je commence à me demander où sont tous les cailloux qu'elle m'annonçait.
CAZEVIEILLE - 111km - déjà 12mn d'avance sur la 3e, 34mn de retard sur la 1e - section avalée en 1h30 contre plus de 2h pour les 2 autres filles :)
Puis j'entend du bruit derrière moi et je me dis qu'elle me rattrape parce que j'ai ralenti, alors j'accélère, quand j'entend crier "tu croyais que tu allais me semer comme ça ?" : c'est Hakim ! Il m'a couru après, il voulait me servir de lièvre. Je suis contente de le voir, mais en guise de lièvre, il a tellement forcé pour me rattraper que maintenant il est malade :-) de pause pipi en pause vomi en pause glouglou, on a plutôt ralenti qu'accéléré :-) D'ailleurs c'est ensuite Philippe qui nous rejoint bientôt, la frontale en rade, et je pars devant avec lui, j'éclaire assez pour 2. Puis c'est David qui nous rejoint, Julien lui est resté un peu plus longtemps au ravito. L'équipe est presque au complet !
On attaque la dernière montée pour passer juste sous le Pic Saint-Loup, on voit les panneaux de rando qui pointent le sommet, et un autre panneau qui annonce Saint-Matthieu à 3,8km. Mais commence alors un putain de sentier caillouteux affreux. Bon, on n'est plus très loin, on n'a jamais été aussi près, il n'y a plus qu'à s'accrocher, et c'est ce qu'on fait. C'est là que je commence à vraiment saturer des cailloux, il y en a partout, je trébuche dès que j'accélère, d'ailleurs je n'essaye plus vraiment d'accélérer. Autant dire qu'on est vraiment soulagés quand on arrive enfin sur de la route. Un peu moins quand l'un de nous annonce qu'un bénévole lui a dit qu'il y avait 3km de route pour finir, alors que je pensais qu'il n'y en avait plus qu'un... En plus mon GPS s'est éteint. Bon, je relance la musique et décide de courir ce qu'il reste ! Aussitôt Hakim et Philippe m'emboîtent le pas puis me doublent et me sèment :) Je crois les voir partir sur le mauvais chemin à un croisement, je n'arrive pas à les rappeler, mais en fait un signaleur 100m plus loin me confirme qu'ils sont bien passés "mais ils couraient bien". Pas de problème, je n'avais pas l'intention de les rattraper :-)
SAINT-MATTHIEU de TREVIERS - arrivée - 120km - plus que 22mn de retard sur la 1e - 27mn d'avance sur la 3e
David n'est pas loin derrière moi, et me rappelle quand je manque tourner au mauvais endroit... Et d'un coup je reconnais l'arrière de la salle du Galion, l'arrivée approche, les frissons montent, j'accélère. On fait le tour de la salle, je prends le mauvais côté des barrières, demi-tour, m'engage dans l'allée finale, éteins ma frontale et sprinte pour terminer ! J'ai gardé ma 2e place, et cerise sur le gâteau on a terminé en moins de 24 heures alors que certains doutaient que c'était possible 3h plus tôt. On reste là tous les 4 un bon moment, jusqu'à accueillir Julien une demi-heure plus tard.
APRES
On récupère nos polos finishers, et direction l'intérieur de la salle pour une douche avant de s'endormir sur l'estrade :-)
Puis les uns et les autres doivent s'en aller, je bois un verre d'eau sucrée quand je commence à sentir l'hypoglycémie arriver, et vais enfin me coucher dans le dojo vers 7 ou 8h du matin. Puis picnic au soleil avec les Castrais Stéphane et Dominique, re dodo, podium à 13h30. Sur le podium je retrouve Virginie, la 3e fille, mais pas trace de la 1e... On ne l'aura pas vue de toute la course, et même sur le podium, je ne sais toujours pas à quoi elle ressemble... Je retrouve aussi un gars du PAC avec le polo des 24 heures du Confluent, de bons souvenirs ! Les photos ici, et les résultats là. Une vidéo d'un coureur pour profiter des paysages de l'intérieur.
Un coureur du 42 km zappe sa douche pour me prendre en stop et me déposer à la gare de Montpellier juste à temps pour mon train, merci ! De retour chez moi en début de soirée, de retour au sport dès le lendemain, avec juste quelques courbatures aux fessiers, en pleine forme depuis ! :-D
En résumé, un super week-end où les organisateurs ont réussi à caser 2 ultras de 73 et 120km, un marathon en solo ou en relais, un tour du Pic en 18km avec une version by night et une version de jour le lendemain, une rando marche nordique, une course féminine, trois mini trails pour les enfants, et même un handi trail avec 3 joélettes ! Il y en avait vraiment pour tous les goûts, avec des cailloux et du soleil à volonté pour tout le monde ! Alors pourquoi pas à l'an prochain ;-)