vendredi 20 novembre 2015

Grand Raid des Cathares 2015 - 172km et quelques (grosses) poussières


Jeudi 15 octobre, c'est le grand jour, la première édition du Grand Raid des Cathares depuis la Cité Médiévale de Carcassonne. J'ai pu arriver la veille et dormir chez mon père, grasse matinée, un plat de pâtes vers 11h, puis direction la salle du Dôme à Carcassonne pour le retrait des dossards, un brunch, et une sieste sur un lit de camp en attendant le départ. Vers 14h ça commence à s'agiter et je suis d'autres coureurs, deux québécois, en direction de la Cité Médiévale pour le départ qui a lieu à 15h. Pas grand monde que je connais, mais j'ai la bonne surprise de tomber sur Arthur, un ancien étudiant de Grenoble venu courir le 40km samedi. On a la chance d'attendre en plein soleil sous un grand ciel bleu.

Ambassadeur Ut4M !! J'ai retrouvé un finisher Ut4M 2014

L'animateur nous annonce environ 150 à 180 coureurs, et 20 filles, mises à l'honneur au départ pour une photo, on sera d'ailleurs dans le journal dès le lendemain.


Il a confondu Ut4M et UTMB... :-/
Carcassonne, jeudi 15/10, 15h
Pas même de compte à rebours que d'un coup c'est déjà parti ! D'abord sur du bitume, de la large piste, très roulant et facile. J'arrive ainsi très vite au lac de Cavayère, que je connais bien pour m'y être baignée avec mes neveux and co : à peine 35mn de course, contre 45 prévues à mon "plan" pourtant déjà très optimiste. Un mini arrêt au ravito le temps de me sustenter (eau gazeuse et quelques abricots secs pour la route) et c'est déjà reparti, encouragés par une section de militaires. On longe le lac avant de s'enfoncer en sous-bois.

Les 2 sections suivantes passent toutes seules, de petites bosses en coups de cul. J'ai l'impression de reconnaître les sentiers de mes entraînements entre Pennautier et Villemoustaussou, je m'attendrai presque à déboucher près du cimetière où je m'arrêtais boire cet été en pleine canicule... mais non, les petits singles sont à la fois semblables et différents. Mais toujours très joueurs :-)



Pour l'instant tout va bien, je m'amuse bien, malgré déjà une pointe au psoas gauche qui ne présage rien de bon...


Molières sur l'Alberte, jeudi 15/10, 17h34
J'arrive au ravito 2 (Molière sur l'Alberte) vers 17h30, je continue à prendre de l'avance sur mon plan. Une table installée dans un petit village en vieilles pierres, la classe. On traverse ensuite un petit ruisseau, on longe des vieilles bâtisses et on continue notre route, toujours en trottinant principalement, sur un parcours encore très roulant.

Alors que le jour perd du terrain, je discute avec un autre coureur qui m'explique qu'il a préféré me suivre moi car l'autre coureur avec qui il était avant dégageait des ondes négatives. On est encore bien regroupés en ce début de course, et on discute avec les uns et les autres. Je n'ai pas encore sorti la musique. Je profite de l'ambiance et des paysages aux couleurs de l'automne, à l'horizon pas de hauts sommets mais des collines à parte de vue, où s'accrochent vignes et villages de vieilles pierres.

Clermont sur Lauquet, jeudi 15/10, 19h24
Il commence à faire sombre, et on nous arrête à un point de contrôle un peu avant le ravito pour vérifier nos 2 frontales. J'en profite pour m'assoir 2mn et mon binôme du moment se fait déjà la malle, mes ondes ne devaient pas être assez positives :-). Je le retrouve juste après au ravito 3 (Clermont sur Lauquet), une tente sur la gauche de la route un peu plus loin, ainsi que la plupart des filles contre qui je suis en course (on m'a annoncée 4e peu de temps auparavant) : la québécoise Sandrine, mais aussi Murielle, et d'autres que je ne connais pas.

Je ne m'attarde pas et repars à l'attaque de la suite. il est 19h30, et je suis encore pile dans mon plan. Mais c'est là que s'arrête ma préparation du profil : je n'ai aucune idée du temps prévu dans mon plan pour les sections suivantes, je sais juste que je dois passer à la première base vie au Château d'Arques (km 47) vers 23h, et que c'est environ tout pile l'heure à laquelle Hélène venue de Grenoble faire l'assistance pourra elle aussi y arriver. Faudrait donc pas que je sois en avance ! Mais de toutes façons la nuit est bien tombée maintenant (ça tombe très vite en cette saison !) et l'obscurité ralentit forcément nos pas. En plus le chemin devient bien moins roulant, un single en dévers qui semble vouloir nous verser en contrebas, dans un ravin dont on ne peut que deviner la profondeur non négligeable au bruit lointain du torrent qui y coule.

Un passage fort rigolo à travers champs (on nous a annoncé 40km de propriétés privées) sans vrai chemin à suivre, mais avec des dizaines de balises fluo qui scintillent dans nos frontales, dessinant un slalom lumineux, un vrai jeu vidéo pour les suivre entre arbres et buissons. Buissons pas tout à fait inoffensifs d'ailleurs, hérissés de piquants, mais ils sont partout et je dois vite renoncer à les éviter. Mes jambes semblent donc vite avoir été attaquées par une armée de chats en furie.
Balisage du GRC
Plus tard je fais un bout de route avec Christophe, qui me montrera un renard sur le côté du chemin : le premier que je vois ! La bestiole se balade dans les buissons à notre droite, puis traverse juste devant nous, et disparaît dans les fourrés sur notre gauche, le bout de sa queue blanche luisant dans le faisceau de ma frontale. Puis ce sont les hululements d'un hibou qui nous accompagnent. Tout un groupe d'autres coureurs nous rattrapent alors qu'on était seuls depuis un moment. Dans la foule soudaine, je perds Christophe, croyant qu'il était devant alors qu'il était resté en arrière pour réparer un bâton cassé. Il me rejoint alors que je ralentis un peu, puis disparaît devant. On descend sur un single cabossé, creusé d'ornières et semé d'embûches, où j'aimerais autant que possible ne pas me faire une cheville ni m'étaler de tout mon long. Quand on arrive enfin en bas, un petit bout de route nous mène à une trace à travers l'herbe où on croise les coureurs qui repartent de la base vie dans l'autre sens. Aucun signaleur pour marquer la bifurcation...

Château d'Arques, jeudi 15/10, 22:39
J'arrive au Château d'Arques vers 22h45, encore une fois pile dans les temps d'un plan de course dont je commence à espérer / m'illusionner qu'il ne soit pas si irréaliste que ça ? En rajoutant un peu de mou pour ralentir sur la fin, je devrais pouvoir raisonnablement arriver pour minuit - 1h à Carcassonne vendredi soir et avoir droit à mon comité d'accueil. Mais bon, bref, trêve de plans sur la comète, la route est encore longue (et même bien plus longue que je croyais, si j'avais su...). Je m'arrête pour la seule photo que je m'autoriserai : le château illuminé de nuit.


Puis je fais le tour du château pour trouver l'entrée, en envoyant un SMS à Hélène pour lui annoncer mon arrivée... quand je tombe sur elle dans la cour du château ! Finalement elle est arrivée à temps. Pour moi c'est direction le kiné, installé dans une salle voûtée de toute beauté : mon psoas gauche est en vrac, j'ai trop mal depuis un bon moment déjà... Je m'allonge sur un des lits de camp super bas, au ras du sol, dur dur de s'y allonger, et ça sera sûrement encore plus dur de s'en relever. J'admire le plafond voûté haut au-dessus de ma tête pendant qu'on me masse, Hélène m'a aussi apporté mon sac de décharge : charge de la montre, change de chaussettes / chaussures, Nok... Un coureur me demande si je repars, oui oui bien sûr, et me dit que de toutes façons avec le t-shirt Ut4M et le gilet UTMB, je peux pas m'arrêter là, ah non j'en ai pas l'intention :-)

Après le massage express, direction le ravito pour un bol de soupe (on me dit qu'il n'y a pas de pâtes, alors qu'en fait si...). Puis je repars du château après avoir pointé (23h12 en sortie), et Hélène me raccompagne un bout en direction de sa voiture. C'est à mon tour de croiser les quelques coureurs qui arrivent à la base vie, très espacés maintenant (on était quand même assez peu nombreux au départ). Puis il faut traverser tout le village pour continuer la boucle qui reviendra à ce même château demain au km 120 environ. Ambiance étrange de passer dans les rues endormies en pleine nuit, les habitants dormant derrière leurs volets fermés sans se douter de ces fous qui passent sous leurs fenêtres. Une ambiance de calme avant la tempête, car il va bien falloir quitter la civilisation, aussi endormie soit-elle, pour attaquer une longue nuit solitaire dans la montagne. Hélène retourne à sa voiture où elle aura le temps de dormir un peu avant de me retrouver au château de Peyrepertuse vers 4h (d'après mon plan), et je monte seule à l'assaut des chemins.

Et là je commence à stresser. Je suis toute seule et j'ai l'impression de reconnaître tous les sentiers par lesquels on est descendus tout à l'heure. Serais-je repartie à l'envers ? Pourtant je sais bien que j'ai traversé le village comme indiqué par le bénévole à la sortie du château, je sais qu'Hélène m'a accompagnée et a donc dû me mettre sur le bon chemin, mais malgré tout je ne peux pas m'empêcher de stresser. Je sors la carte du parcours sur ma montre pour vérifier qu'on va bien vers le sud, mais évidemment à ce moment-là ce n'est pas le cas... Finalement je ralentis un peu et attends de me faire rattraper : un gars me rattrape et me rassure, pas de problème, on est bons, on discute un peu et on fait route ensemble : c'est Bernard, venu du nord, et qui a fait l'Ut4M l'an dernier !


Fourtou Le Paregot, vendredi 16/10, 01:00 du matin
Finalement on reste ensemble un bon moment, et on arrive ensemble au petit ravito de Fourtou le Parego vers 1h du matin. J'y retrouve Murielle la 3e fille, arrivée avant nous, elle aussi a trouvé un compagnon de route. Je ne m'attarde pas, le temps de boire encore une soupe chaude et de faire le plein de provisions pour la suite (je tourne surtout avec mon bidon dans lequel je mets à chaque fois une pastille Isostar). On sors du ravito tous les 4 ensemble, quand ce qui ne devait pas arriver arriva quand même : bam. J'ai pas compris tout de suite, mais je venais de rater une marche (cassée) à la sortie de la vieille mairie de Fourtou qui nous accueillait... Grrrr... Tout de suite les autres s'inquiètent pour moi, ça va ? "je me suis ouvert la main". Le genou a tapé aussi mais moins grave, par contre mon gant est tout rouge. On me raccompagne aussitôt à l'intérieur où les secouristes s'occupent de désinfecter et panser la (pas belle) plaie pendant que Bernard plaisante sur l'état des locaux auprès de monsieur le maire lui-même, qui est là en personne en pleine nuit pour nous voir passer, bel effort !

Bon, Murielle et son binôme repartent, mais heureusement Bernard m'attend, merci. Quelques minutes plus tard on repart nous aussi, bien refroidie, et surtout ma main me lance énormément, heureusement je n'ai pas besoin de mes bâtons tout de suite, mais je redoute d'avoir à les sortir : la dragonne appuie juste sur la plaie. Et le moment arrive bientôt, où il faut monter à l'attaque du château de Peyrepertuse. C'est la première vraie grosse montée, et elle fait pas rigoler. Je sais pas si c'est parce qu'il est 4h du matin et qu'on commence à fatiguer, ou bien la douleur, mais elle me semble vraiment très très raide. Je pousse sur les bâtons et m'acharne, mais en plus la section s'éternise, on a déjà quelques kilomètres de trop à nos montres et toujours pas trace du château. On voit des lumières très loin et très haut au-dessus de nous, mais on ne veut pas croire qu'il s'agisse du château. En arrivant en hauteur, on commence à être exposés aux rafales de vent froid. On traverse la route des touristes (déserte) et on monte maintenant par un escalier. Quel dommage d'y passer en pleine nuit...! Et puis le chemin redescend, tout aussi raide : mais où est donc ce p... de château ?!
Le château de Peyrepertuse, de jour, c'est ça (photo GRC)
Chateau Peyrepertuse, vendredi 16/10, 05:29:37On y arrive finalement enfin à 5h30 du matin. Hélène après une courte sieste s'attendait à ce que j'arrive encore en avance, et commençait à s'inquiéter puisque là au contraire je commence à être bien en retard. Je m'assied sur une chaise au milieu des bénévoles, il y a apparemment une salle de repos mais je n'ai pas envie de me mettre au chaud au risque d'avoir du mal à ressortir dans le froid. Je mange donc ma soupe dehors, et on m'annonce que la 2e fille a abandonné, j'espère que ce n'est pas Murielle (qu'on n'a jamais réussi à rattraper dans cette montée), mais je ne rentre pas voir qui c'est. Les bénévoles m'annoncent aussi 11km de descente vers le ravito suivant, cool. Je ne me rappelle absolument plus du profil maintenant alors je les crois : mauvaise idée.

Je repars sur la route, qui effectivement descend, et pas qu'un peu. Je me lâche un peu, pente parfaite, aucun risque de trébucher, j'ai aussi sorti la musique, tout va bien. Hélène me double en voiture quelques minutes plus tard, je lui donne en rigolant rendez-vous dans 1h, 1h15 en bas. Si ça descend comme ça jusqu'au bout, c'est tout à fait faisable. Mais évidemment on ne tarde pas à bifurquer sur un petit sentier. Lequel ne tarde pas à remonter. C'est en fait une section très vallonnée qui m'attend dans ce petit matin frais. La bonne nouvelle, c'est que je n'ai pas du tout sommeil, pas le moindre signe d'endormissement, au contraire. Je profite de me retrouver seule pour chanter. Je débouche comme ça sur la route, dans les premières lueurs du petit jour, en mode seule au mode. Dans mon iPod, Goldman chante "puisque tu pars", et je l'accompagne à tue tête sur le refrain, quand je tombe sur un être humain planté là au milieu de nulle part, quelle idée, on peut jamais chanter tranquille ! Ah, en fait c'est Hélène, venue à ma rencontre sur la route.

Cubières sur Cinoble Entrée 16/10 entrée 07:33, sortie 7:50
Elle m'accompagne jusqu'au ravito un peu plus loin, une tente où passe un vieil album de Renaud, les bénévoles reprennent le refrain (les charognards, puis Germaine) et je chante en mangeant ma soupe de ramens, elle fait du bien celle-là ! Puis je demande à Hélène des news de la fille devant moi: "elle est juste derrière". Ah, Murielle est là, ce n'est donc pas elle qui a abandonné là-haut, ouf. Elle me propose de repartir ensemble, OK. Elle part finalement juste devant pendant que je prends des provisions pour la longue section qui nous attend (montée et descente du Bugarach, j'avais prévu d'y passer bien 5h). Je la rejoins vite et l'attend un peu sur le début assez plat en bord de torrent.

Dans les pâturages du Bugarach, elle monte bien mieux que moi, Bernard la suit, je m'accroche tant que je peux. Ce début m'est familier, il me rappelle une rando en famille sur le tour du Bugarach, par un jour d'été sous un grand soleil. Mais aujourd'hui il fait un temps très couvert et venteux, on se réchauffe en montant mais le vent nous congèle à chaque rafale, et je perds du temps à enlever et remettre ma veste, ne sachant plus très bien comment m'habiller. Les deux autres avancent mieux et ne m'attendent pas, impossible de les suivre, je me retrouve donc toute seule pour affronter le sommet, personne en vue derrière moi non plus pour me tenir compagnie. Et en plus le balisage qui était parfait jusqu'à présent commence à sérieusement manquer. On dirait qu'on est dans la section qui a été "débalisée 3 fois" par des aigris, et finalement de guerre lasse re-balisée à la peinture, et même là ils sont allés l'effacer. Effectivement il y a quelques flèches de peinture, et quelques trop rares petits fanions, pour nous orienter dans le pierrier alors qu'on monte droit dans la pente après avoir quitté le GR.
Le Bugarach quand il fait beau

Après quelques passages bien raides, difficiles à négocier avec les bâtons à la main, je débouche sur le single sur les crêtes, très exposé au vent glacial. La question ne se pose à présent plus, j'ai enfilé tout ce que j'avais de chaud, veste, bonnet, gants, et mon buff me sert de cache-nez. J'arrive devant une fenêtre ronde dans la roche qui barre le sentier, un fanion planté dedans semblant m'inviter à passer à travers. Plus très lucide sans doute, je commence à escalader pour atteindre la fenêtre, mais le passage n'est pas évident. Je m'interroge sur la meilleure voie, m'imaginant déjà devoir attendre le coureur suivant pour m'aider, quand heureusement j'entends des voix de l'autre côté du rocher, mais on ne peut pas se voir. Je retire mes bâtons pour les passer à travers la fenêtre, à la fois pour me libérer et attirer l'attention des randonneurs, et je les entends alors "non, pas par là ! fais le tour !". Ils attrapent mes bâtons pendant que je redescends et contourne la fenêtre : effectivement le "sentier" passait autour. Heureusement qu'ils étaient là ! On enlève le fanion de la fenêtre pour le positionner mieux et éviter la même mésaventure aux suivants qui n'auront peut-être pas la chance de croiser quelqu'un.
La fenêtre dans la roche que j'ai voulu traverser
Je continue mais avec un arrière-goût amer : il me semble assez irresponsable de n'avoir aucun bénévole ou secouriste positionné sur une section aussi compliquée où des coureurs fatigués vont passer de nuit ou dans le brouillard, complètement seuls. Si l'un se met dans le ravin, il n'y aura personne pour le secourir avant un bon moment. La première fille racontera d'ailleurs sur le podium comment elle s'est perdue (passée de nuit quelques heures avant moi), s'est retrouvée en bord de ravin et a manqué se tuer, avant de redescendre au ravito suivant tellement choquée qu'elle aurait abandonné sans les bénévoles qui l'y ont remotivée. Bernard me dira aussi plus tard qu'ils s'étaient inquiétés de me perdre dans cette ascension.

Enfin, je continue à ruminer ces idées noires, d'autant que le vent toujours plus violent semble maintenant vouloir me balancer dans le vide, soufflant mes bâtons ou mes jambes, dérobant mes appuis déjà pas bien assurés en ce petit matin après une nuit entière passée à crapahuter. Cette fois, j'en veux même à l'organisation de simplement nous avoir fait passer par ce sommet, alors qu'il vaut largement le détour ! :-) En plus la montée semble s'éterniser, on arrive à un premier col, mais il faut encore monter un peu vers la crête finale. Quant à la vue, dommage, mais ce n'est pas aujourd'hui qu'on en profitera. De toutes façons mon état mental du moment n'était pas vraiment compatible avec l'admiration du paysage.
Le sommet du Bugarach, sommet des Corbières (1230m)

La descente ne se passe pas mieux, sentier très raide et glissant par endroits. Toujours pas plus lucide, je vise une balise en contrebas et tente de descendre droit dans un talus très raide, glissade, et je comprends trop tard qu'en fait il fallait prendre le lacet... je galère pour remonter sur le sentier, ça s'effrite sous mes pieds, je pourrais faire du toboggan jusqu'en bas. En plus je me suis rouvert la main, mon gant est de nouveau rougi de sang, j'ai mal et envie de pleurer. Pas au top la fille. Pourquoi je suis là à me geler les miches déjà ? Je continue tant bien que mal quand je croise un trailer qui monte, et je lui demande si on a bientôt des "sentiers fréquentables". Il me répond d'un air désolé qu'il va falloir arriver "en bas", ce qui ne m'avance pas beaucoup en fait, mais dit comme ça ça a l'air loin.
Bon, de toutes façons une seule chose à faire : descendre.

En fait le sentier s'améliore peu à peu, et plus bas je croise même des randonneurs ! Beaucoup plus encourageants, ils m'annoncent le ravito dans 20 mn. Ah bon ? d'après le profil sur mon dossard je me voyais devoir encore faire 2 belles bosses, certes plus petites que le Bugarach, mais dans mon état ça ferait quand même plus de 20mn. Du coup je me mets à espérer que j'ai passé une bosse sans m'en rendre compte, ou qu'ils ont raccourci cette section pour compenser les km en trop qu'on a déjà faits, ou qu'ils ont rajouté un ravito parce que cette section était décidément trop longue (25km avec la plus grosse bosse à ce stade de la course, c'est 6h tous seuls...), ou je sais pas. Mais au final j'arrive au col de Linas annoncé, mais qui n'est en fait rien de plus qu'un parking au bord de la route où débouche le sentier. D'autres coureurs seront d'ailleurs déçus, comme quoi il ne faut jamais se fier aux indications des randonneurs.

Mais pour moi, heureusement Hélène s'y est garée avec un ravito sauvage improvisé à base de jus de mangue et de barres céréales qui me sauve. Vu mon état, j'avais vraiment besoin de voir du monde ici, et aussi de manger enfin un truc : les doigts bien trop gelés là-haut pour ouvrir un quelconque emballage, j'ai rien avalé depuis mes ramens à Cubière et mon bidon de boisson énergétique sur la montée. Je m'assied 2mn dans la voiture pour me refaire une santé, un coureur passe pendant ce temps, puis je repars derrière lui en mangeant une deuxième barre. Il nous reste encore deux bosses jusqu'au ravito officiel. On est maintenant sur la piste vers le village de Bugarach, je reconnais un peu pour avoir déjà randonné dans le coin. Je re-croise le traileur de tout à l'heure, qui redescend déjà et me demande si les sentiers sont "plus fréquentables" maintenant, oui oui, par contre je marchais, un peu honte de ne pas lui montrer mieux. Un peu plus loin je retrouve le gars aux cheveux longs qui m'avait passée au col, il est en panique à cause des flèches roses à l'envers. Il me demande si je suis sûre du chemin, je lui répond sans douter une seconde "c'est pas pour nous ça", et continue avec une assurance dont je ne sais pas d'où elle vient, le laissant au téléphone avec le PC course qui lui conseille de faire demi-tour.

Je ne vais pas bien vite, un peu secouée par la section précédente, quand je reçois un SMS de Jean-Marc qui dit m'attendre dans la descente vers Sougraignes. Je cours à nouveau un peu dans cette descente, mais de le voir me requinque aussi pas mal. J'essaye de suivre le rythme qu'il impose devant et on finit ensemble la descente, un peu plus vite puis de plus en plus vite :-) Tout est dans la tête.
En arrivant à Sougraignes avec Jean-Marc


Sougraignes, vendredi 16/10 13:20
Au ravito, je demande de la soupe de pâtes, on me dit qu'il n'y en a pas. Par contre ils ont de la soupe, et ils ont des pâtes... Je réussis donc à obtenir un bol de soupe "avec des pâtes dedans", trop bon en plus, une bonne soupe de légumes bien épaisse, et des vraies pâtes, miam ! Je mange ça tranquillement sur ma chaise quand je vois arriver la 4e fille, arg, je passe en mode compét' slash panique, je suis pressée de repartir tout de suite. Mais j'ai eu la bonne idée de retirer mon collant (c'est qu'il commence à faire chaud au soleil) et la femme pompier veut absolument me désinfecter le genou (je savais que j'aurais pas dû me mettre en short...), sans compter mes griffures de ronces, etc, j'ai pas envie, ça sert à rien...! J'essaye de me barrer en douce mais la bénévole au pointage blague qu'elle ne me repointe pas, je crois qu'elle veut que je me fasse soigner avant de repartir, mais elle finit par me dire qu'en fait pas besoin de pointer à la sortie ici. Sauf qu'entre temps ma secouriste est revenue avec désinfectant et même un pansement...! :-o (que je perdrai en route sans m'en rendre compte, avec la transpiration il s'est bien sûr décollé, je lui avais dit...) Je prends mon mal en patience 5mn avant de pouvoir enfin repartir, en laissant instruction à Hélène de me tenir au courant quand la 4e quitte le ravito.

Hélène m'a aussi annoncé le temps qu'ont mis les précédents pour courir cette section, et je me mets au défi de faire mieux que les 1h45 du 8e :-) Et comme ça de rattraper un peu des 30 ou 35mn que j'ai perdue sur Muriel dans la section Bugarach.

Je monte toute seule sur un chemin très (très) peu balisé, je compte parfois 3-400m sans balisage,  et en plus les balises (des touts petits fanions) sont parfois mal orientés et très peu visibles (en fait on les voit mieux la nuit quand ils brillent dans le faisceau de la frontale). Je veux absolument rattraper du monde et je ne prends pas le temps de m'inquiéter du balisage, ça ne peut être que tout droit sur la large piste. Je monte vraiment à un bon rythme, en marchant vite, sur du peu pentu, puis descente. Je ne vois personne personne, alors je reste super concentrée pour ne pas me perdre, ça serait vraiment dommage.

On retourne vers le Château d'Arques, on finit par une large piste où je cours cours cours, j'ai hâte d'y être et d'y voir peut-être papa et Thérèse qui étaient dans le coin. Je leur annonce mon arrivée pour "avant 16h" (réussi pour 15h30++). Notre large piste longe une falaise à droite et un ravin à gauche, où j'illusionne le château ?? ça devait être un pilier rocheux, un moment je le voyais, tout près, le moment suivant plus rien, j'ai pas compris... Puis je suis rejointe par Jean-Marc et Malika qui courent avec moi, on tient un bon rythme, mais le château est encore bien loin... Comme d'habitude la section fait quelques kilomètres de trop, je ne compte plus... Puis c'est finalement Hélène qui arrive à notre rencontre sur le chemin juste sous le château, quand je craque et me remets à marcher. C'est que j'ai quand même bien couru sur toute cette section ! J'arrive au château vers 15h30, et j'ai repris 5 ou 10mn à Murielle sur cette section, elle a bien envoyé aussi on dirait !


Château d'Arques retour - vendredi 16/10 entrée 15:26:21, sortie 15:43
Je me pose dans l'herbe avec les autres pour manger des pâtes, et je retrouve aussi Bernard que j'avais perdu avec Muriel depuis le Bugarach, elle l'a semé. Je rechange de chaussures (retour aux Asics plus souples, ouf, je commençais à avoir mal aux pieds) et de chaussettes sur une bonne couche de Nok. Et c'est là que je vois arriver papa et Thérèse, super ! ça me fait bien plaisir qu'ils soient passés ! On discute un peu pendant que je finis de manger, puis je ne traîne pas. Je vais repointer et on repart tous ensemble, papa fait un bout de chemin avec nous, Jean-Marc et Malika décident aussi de monter un peu plus haut avec nous.



On a encore un peu de temps avant la nuit, et c'est toujours à peu près jouable d'arriver pour minuit-1h et avoir papa à l'arrivée, ça me ferait bien plaisir, j'arrête pas d'en parler à Bernard qui a l'air moins optimiste que moi. Même Murielle tout à l'heure a bien dit qu'elle n'envisageait pas d'arriver "avant samedi" donc avant minuit. Et elle est toujours devant nous, mais j'espère bien finir par la rattraper. On avance bien, sur une large piste en faux plat montant, on marche, on trottine de temps en temps, quand d'un coup on arrive à un croisement avec du balisage tout droit ET du balisage qui descend à droite... What the ?? En plus 2 coureurs arrivent face à nous, ils sont sur le 90km. Ils s'arrêtent un peu pour essayer de nous aiguiller, mais n'en savent pas plus. J'appelle le PC course (numéro sur le dossard, malin), qui me disent qu'ils me rappelleront. Finalement en attendant toujours leur appel, on prend la décision de faire demi-tour, ils finissent par me rappeler pendant qu'on court en sens inverse, pour ne rien m'apprendre de plus, le gars n'a pas l'air de comprendre ce que je lui dis, et moi je suis à deux doigts de m'énerver, alors que c'est surtout à moi-même que j'en veux... Juste quand je jouais la compétition, il fallait que je me perde... On trouve finalement enfin la bifurcation qu'on avait ratée, c'est vrai qu'en faisant un peu plus gaffe on aurait dû voir la balise sur le petit sentier à gauche, mais une flèche ou une croix de peinture au sol aurait pas été de trop, à un moment auquel on regarde plus nos pieds que le paysage, il faut bien l'avouer...

Bref, j'estime qu'on a perdu environ 2km et 25mn, et c'est à peu près à ce moment que je renonce à rattraper Murielle. Nos vitesses sont trop proches pour pouvoir rattraper 1 heure sur la fin de parcours (encore une cinquantaine de km jusqu'à Carcassonne. Et le premier qui dit "il ne te reste plus QUE un marathon", je le... @#$* ! Par contre je suis en panique au sujet de la 4e dont je ne sais pas si elle m'a rattrapée pendant ce temps.

Après ce détour, la perte de la motivation à aller chercher la 2e place, et avec les kilomètres en trop qu'on se paye déjà, j'ai le moral dans les chaussettes (le pauvre...). Je rumine les kilomètres de trop, les organisateurs qui ne savent pas mesurer un parcours, etc puis Bernard finit par me dire d'arrêter de regarder ma montre, et il a bien raison. Et ça commence à aller mieux du moment où j'oublie les kilomètres. Après tout, on sait où on va, de toutes façons on y va, alors tais-toi et avance.

La section est assez pénible avec de multiples escalades de clôtures via des échelles loin d'être petites ! Plus on avance et plus ça devient difficile de lever les jambes pour les franchir. Bernard me porte mes bâtons à chaque fois le temps que je grimpe, puis me les rend de l'autre côté. On traverse des champs et encore des champs, en discutant ou en écoutant de la musique. D'ailleurs une fois que j'ai oublié la montre, je me suis remise à chanter, et j'arrive au ravito en chantant à tue-tête "7 seconds", presque déçue de déjà retrouver du monde...

Villardebelle - 16/10 18:50:28
C'est juste un point de contrôle, il n'y a pas de pâtes. Du coup je ressors assez vite du ravito en me faisant un sandwich, et m'apprête à repartir, comptant sur Bernard pour me rattraper vite. Je dis à Hélène de dire à "mon binôme" que je repars, mais en fait il était juste là :-) Je l'attends le temps qu'il se fasse le même sandwich, le mien lui a donné envie. C'est sûr que ça fait plaisir de manger un truc salé et consistant de temps en temps. Les ravitos sont super bien fournis partout, avec toujours des soupes chaudes et plein de choix, et en plus des bénévoles au top pour nous encourager.

On repart donc ensemble, mais je prends encore un coup au moral, quand je réfléchis qu'il me reste encore un marathon à faire alors qu'à ma montre j'ai 15 ou 20km de trop... c'est long un marathon ! en temps normal c'est déjà l'affaire de 4 petites heures, alors en version trail, nocturne, et avec déjà 150 bornes dans les jambes, on est bons pour y passer la nuit. En plus je rumine que si je n'arrive pas à Carcassonne à temps, papa ne sera plus là pour m'accueillir à l'arrivée, et c'est quand même dommage... Je n'arrive pas à me détacher de ça, et je rabâche les oreilles du pauvre Bernard avec mes calculs d'heure d'arrivée possible. Lui est déjà bien conscient que c'est irréaliste d'arriver pour 1h ou même 2h du matin...

La nuit retombe déjà, les hiboux nous accompagnent à nouveau, et un croissant de lune minuscule veille sur nous, ainsi que plein d'étoiles. C'est quand même assez magnifique et je profite de la vue. Par contre la nuit apporte aussi le froid.

Greffeil - 16/10 21:21:37
Ici c'est un vrai ravito, et ils ont installé un feu de joie bienvenu pour se réchauffer, surtout pour les accompagnants qui attendent immobiles, souvent pendant des heures. Pour ma part je ne m'y arrête même pas, surtout pas, je vais direct à la table de ravito pour manger (de la soupe chaude dès que possible) et prendre des réserves à emporter, et je repars le plus vite possible. C'est déjà bien suffisant pour se refroidir, la température extérieure frôle le 0 (en tous cas subjectivement) et malgré le collant, les manches longues, le k-way, le bonnet et les gants, on se gèle (très objectivement). Après chaque ravito, je passe un moment à claquer des dents le temps de me réchauffer en bougeant.

Villefloure 17/10 00:51:57
C'est l'avant-dernier ravito, on est obligés de rentrer dans la salle bondée de monde et de se frayer un chemin pour se faire pointer, les bénévoles étant installés à une table au fond de la salle où s'entassent des coureurs frigorifiés et affamés... C'est chiant, mais tant qu'à y être rentrée, au passage je demande un efferalgan, pour faire passer la douleur au psoas (et à la main écorchée), l'infirmière/secouriste met une plombe à en trouver et j'ai déjà froid, du coup je repars vite avec le verre à la main, Hélène m'accompagne le temps que le truc effervesce dans un fond de boisson énergétique puis récupère le gobelet.

Il n'y a plus grand monde sur les chemins. On n'était déjà pas nombreux au départ, mais maintenant le peloton est carrément étiré, il y en a déjà quelques-uns qui ont terminé ou abandonné, et les autres sont dispersés en petits groupes. On est bien contents de se tenir compagnie avec Bernard, en discutant de plein de trucs, ou même sans rien dire, c'est rassurant de ne pas être tout seul dans la nuit, d'autant que le balisage commence à laisser sérieusement à désirer par endroits, et avec la fatigue monte aussi la parano de se perdre.

Montjausse-Palaja 17/10 02:42:52
Voilà enfin le dernier ravito, celui qui fait du bien au moral ! Je passe à travers sans même m'arrêter, désolée pour mon team de soutien qui m'y attendait, mais là j'en ai marre, je n'ai qu'une envie c'est d'en terminer, pas une minute à perdre.

En plus la fatigue commence à sérieusement monter. Je n'ai pas les yeux qui se ferment tous seuls, je ne m'endors pas en marchant, rien de tout ça, je tiens quand même remarquablement éveillée pour une fin de 2e nuit blanche. Par contre ma lucidité a pris un sacré coup, et il ne faudrait pas me demander de faire des maths ou de résoudre un quelconque problème de logique. Je sens que mes pensées se perdent dans des méandres brumeux de mon cerveau. A défaut de balisage, je me crois dans une chasse au trésor où il faudrait trouver un maximum de balises, mais je ne m'inquiète même plus de ne pas en voir, j'ai l'impression de savoir où je vais, les balises ne sont que des options, des bonus, si j'en trouve je gagne des points, si je n'en trouve pas ce n'est pas grave. Je me mélange complètement, j'ai les neurones embrouillés, heureusement que je ne suis pas toute seule, mais on ne parle plus guère, je crois que de toutes façons j'aurais du mal à tenir une conversation cohérente. Je n'arrive déjà même pas à comprendre mes propres pensées.

Avec tout ça, on finit par arriver à proximité de Carcassonne, et je me mets à guetter la cité, qui devrait être illuminée, mais impossible de la voir. Puis enfin, j'en ai un aperçu rapide, avant qu'on repasse derrière une haie qui nous bouche la vue (et nous abrite du vent). Pas de grand frisson, on est encore loin, mais un petit moment d'euphorie, je lance la playlist Raphaël sur mon iPod, je me vois déjà à l'arrivée. Puis je réalise qu'on ne se rapproche pas beaucoup de la cité. Puis qu'on s'en éloigne.... On la voit très bien maintenant, mais on part à l'opposé ! Pfff, faut que j'arrête de réfléchir et que j'avance. On est quelques-uns maintenant, certains se mettent à courir, appelés par l'objectif qui se rapproche. Je les suivrais bien, mais je crois que Bernard préfère marcher, ou bien c'est moi, ou les 2... de toutes façons on n'est plus à quelques minutes près. C'est un peu frustrant comme fin de course, se traîner comme des escargots vers un objectif qui n'en finit pas de ne pas s'approcher.

En plus on sait comment ça se termine : il faut encore faire tout le tour de la cité par les douves. Le tour d'honneur dont je me faisais une joie, et qui a dû être magnifique pour les finishers de jour, au milieu des acclamations de la foule des touristes (soyons optimistes ! ^^) se transforme en lent calvaire. Bon, j'exagère un peu, on est encore en bon état, je pourrais même courir, mais à quoi ça servirait. Donc j'attends Bernard, on admire les murailles illuminées vieilles de plusieurs siècles qui nous surplombent, et on avance. On n'a jamais été aussi proches, pas vrai ? Enfin sauf au départ :-)

Et puis enfin, voilà le pont-levis, on ressort de la cité en direction de la petite place et de l'arche d'arrivée. Je l'entraîne dans un "sprint" final, j'entends les encouragements de mon équipe venue m'accueillir : Hélène est là avec Malika et Jean-Marc qui sont restés toute la nuit. Merci !

Le sprint final filmé par Malika
On a droit à une médaille et une rose, et Malika me laisse aussi un plaid polaire bien utile : je suis littéralement frigorifiée ! Je l'enlève quand même le temps de la photo finish :-)

Deux finishers contents à l'arrivée



Et voilà, une bonne chose de faite ! Arrivée à 5h du matin (ça devient une habitude ?) soit 38h de course, un peu plus que prévu... Mais à ma montre j'ai quand même 192km, le plus loin que j'aie jamais couru. Record à battre sur mon prochain 24 heures ? ;-)

Le lendemain c'est podiums (3e femme) et repos ! Murielle m'a quand même mis 2h au final, et la 4e n'était plus qu'à une petite heure derrière moi.

Quand la 1e femme nous explique comment elle a failli mourir dans le Bugarach...
Les résultats complets ici, l'article sur le blog du TTT , et le tableau de passages (dossard 48) ici.
Au final une course sympathique, sur laquelle j'aurais pu mettre moins de temps, mais que j'ai pris plaisir à partager en bonne compagnie ! Et puis l'avantage de courir le jeudi, c'est qu'il me restait tout le week-end pour profiter de ma famille à Carcassonne :-D

lundi 5 octobre 2015

Gap'en Cimes 2015 - 55km avec le TTT

Un bon week-end avec le TTT : Pierre qui nous héberge chez lui à Gap la veille au soir, Romain, et Aurélie. Du coup on a le luxe de la pasta party maison le samedi soir en regardant l'orage se déchaîner à l'extérieur, avec une pensée pour les coureurs du petit parcours qui sont peut-être encore dessous, et de se lever pas trop tôt le dimanche matin pour un petit déj "comme à la maison". Direction le départ en voiture, on se gare pas loin et on rejoint la ligne un peu au dernier moment, à moitié congelés : la météo annonce un petit 5-6°C au départ, j'ai bien fait de prévoir la polaire et les manchettes.

Je pars avec le dossard 1015. Il fait encore sombre, mais le départ ayant été retardé d'une demi-heure, on n'a vraiment pas besoin de frontale (de toutes façons je ne l'ai pas prise) pour le peu de nuit qu'il nous reste à traverser. Le départ se fait sur bitume, j'y perds vite Romain (qui avait pourtant encore dit qu'il ferait la course avec moi pour préserver son genou :-p enfin je me faisais pas d'illusions quand même ^^ ) et Pierre qui filent ensemble, mais je suis Aurélie un peu plus longtemps. Pas trop non plus, dès que le chemin commence à monter, elle file elle aussi. Je peste intérieurement contre tous ces coureurs qui manquent m'éborgner avec leurs bâtons pourtant interdits par le règlement jusqu'au 8e km. Puis je finis par sortir les miens aussi, après tout ça grimpe bien maintenant. On passe une zone sans doute touristique, avec un étang qu'on contourne, puis on continue à monter vers le premier sommet. Pour l'instant je me sens bien, des bonnes jambes, je prends mon temps sans trop traîner non plus, j'ai encore froid. On admire le lever de soleil, je prends des photos, et j'arrive en haut tranquillement, accueillie par le photographe officiel.



De là, forcément, ça redescend, sur un sentier rendu humide par l'orage de la veille. Et là, c'est le drame. Après à peine quelques minutes de descente, et alors que je me sentais plutôt pas mal, je m'étale de tout mon long, à plat ventre, mais surtout le tibia droit contre un rocher. Le genou prend aussi un coup, mais j'ai surtout un gros hématome et oedème dans la jambe droite... je me relève en boitillant et continue la descente en marchant, grosse douleur au releveur, je crains une déchirure, et puis la chute m'a bien refroidie. En plus du coup tout le monde me double en descente, c'est pas bon pour le moral ni pour le chrono.

Au ravito en bas je ne vois pas de secouristes alors je passe mon chemin mais j'ai de plus en plus mal. Heureusement au suivant je trouve des pompiers, qui me passent un coup de bombe à froid et me rassurent : la douleur c'est juste parce que le sang dans l'oedème a coulé dans la cheville, question de gravité... Bon, une fois rassurée je serre les dents et repars (un peu) plus vite. Le parcours est très humide avec de nombreuses traversées de torrents, de l'eau jusqu'aux genoux. Sur la première, on essaye encore de traverser au sec sur les rochers, au risque de glisser et tomber dedans. Je me fais doubler là par un finisher Ut4M parti sur le relais.



Pour les torrents suivants, on renonce à passer au sec, souvent impossible, et puis au moins ça fait cryo sur mon tibia et ça calme un peu la douleur... Par contre le parcours a dû être modifier pour éviter le sentier des Bans, le clou annoncé de la course, noyé sous 1m d'eau après les orages de la veille. 
On passe quand même dans un superbe balcon rocheux sécurisé avec des cordes, le top ! Pile ce que j'aime !


Une deuxième bosse et on redescend sur le ravito du 30e++ km, où les bénévoles discutent de la tête de course qui est déjà quasi arrivée. Ils se moquent un peu de nous d'ailleurs, à coup de "même en coupant par là vous les rattraperiez pas". Certes... Je serais presque pas contre l'idée de couper j'avoue, j'ai tellement mal que j'ai longtemps hésiter à ne pas aller au bout. Ce qui aurait aussi éviter aux autres TTT de m'attendre à Gap. Mais bon, je tombe la polaire à la faveur du soleil de l'après-midi qui commence enfin à me réchauffer un peu, et en vue de la dernière grimpette qui s'annonce.

Cette dernière montée est vraiment dure dure, j'ai plus de jus, je suis en pilote automatique, mais sers quand même de loco à 2 ou 3 gars encore plus cassés que moi. Arrivée en haut, c'est beau, je prends le temps d'une photo prise par mon wagon, puis continue sur les crêtes. C'est magnifique, avec du vide des deux côtés, superbe ! Je m'arrête tout en haut où deux pompiers sont positionnés, je m'assied pour me refaire une santé à coup de barres (j'atteins la fin de mes réserves, il est temps que ça se termine) et leur demande à tout hasard s'ils n'auraient pas de la bombe à froid : eh si, lucky ! J'en profite pour jeter un oeil à mon téléphone, mais pas trop de réseau sur le parcours.



Un peu requinquée par la pause, je me lâche un peu dans la descente qui suit malgré la douleur tenace. Un randonneur au détour d'un lacet me dit "attention à la barrière horaire", je lui demande l'heure de la dite barrière, il reste 40mn pour envion 5-6km que je crois tout en descente, je lui répond "ça va", il a l'air surpris, mais du coup je m'active quand même un peu plus, et profite de la large piste au pied des lacets pour vraiment lâcher les chevaux. Mais malheureusement le sentier recommence à monter, et ne s'arrête plus de monter, et je commence à stresser sérieusement. M'enfin au moins ça a le mérite de me remotiver. Le temps passe et les gars que je double (même en montée) ne se font plus trop d'illusions sur leur passage de la barrière. Moi je m'en fais encore, alors je double double double et vais aussi vite que je peux. Et enfin ça redescend, enfin. J'ai encore une chance. Là je lâche tout, au risque de me faire mal et que la course s'arrête, mais guère le choix, si je lâche pas, c'est la barrière qui va m'arrêter... donc go à fond ! Et enfin je vois la route, j'y déboule en mode avion, les bénévoles se marrent et me calment "c'est bon tu passes, ralentis !" ^^ 

En vrai j'ai une minute de retard, pfiou ça a été juste ! Au ravito il ne reste quasi plus rien, et les bénévoles nous en jettent sans ménagement, ils vont fermer, faut qu'on bouge. J'enfourne pêle-mêle cacahuètes et abricots secs et repars sans avoir eu le temps de faire le plein d'eau. Tant pis, les restes devraient suffire. Et puis ça aurait été con de se faire arrêter ici alors qu'il reste plus que 7km de descente. Ou 10 en fait... Bon, je continue sur ma lancée, à descendre en profitant de mon second souffle. On se tire la bourre avec quelques gars qui descendent bien aussi un T-shirt jaune qui fait un bon lièvre. On descend même un moment sur de la route, je lâche carrément les chevaux et je double, ça fait plaisir. Il n'y a plus grand monde en course cela dit. 

Puis on arrive en ville et là c'est dur dur, du plat, du bitume à n'en plus finir, qui a franchement l'air de tourner en rond. Je suis un vieux du coin qui connait tout le monde et s'arrête même discuter avec les signaleurs (avec une pensée pour Béné qui m'attendait sur la fin de l'Ut4M), mais je finis par le perdre quand j'arrive plus à courir. Je me relance quand même pour la fin, on voit l'arche, mais on longe le ruisseau en la dépassant pour aller traverser le pont plus loin et revenir, l'arnaque ! Et enfin, arrivée. 10h++ soit 1 bonne heure de plus que prévu, et sûrement bcp plus que les 3 autres TTTistes.
La photo finish qui donne une idée de mon état à l'arrivée

De là c'est illico direction l'infirmerie, où le docteur regarde mon bel hématome, et je SMS tout le monde qui commençait à s'inquiéter et/ou à se geler.... Désolée... Bon, il va falloir compter quelques jours pour que l'hématome dégonfle, mais sinon ça va. Je récupère mon repas de fin de course en mode plateau à emporter, et on rentre vite chez Pierre pour une douche chaude bienvenue.

Bref, si c'était pour me rassurer avant les Cathares, c'est un peu raté, mais bon, c'était joli quand même !

lundi 28 septembre 2015

Pyramides et Bastilles

Un petit week-end triple sortie, parce que je sais pas faire des choix :-)

Samedi matin, c'est sortie pyramides avec les samedis du jogging du GUC. 
Comprendre une des sorties fractionnées les plus dures qu'on pouvait faire, ça tombe pas top : un bon échauffement, suivi d'intervalles de longueur variable et donc à vitesse variable. 1mn, 30s récup, 2mn, 1mn récup, 3mn, 1'30 récup, 2mn, 1 mn récup, 1mn, 30" récup. Ça, c'est la première pyramide. Et bien on en fait une 2e direct, soit au total 17mn de travail (plus la moitié de récup). Comme j'ai prévu (et annoncé) la course de la Bastille cet aprem, coach Eric me répète d'y aller tranquille, et je ne vais donc pas à fond sur les intervalles, quai dernière du groupe. Puis forcément après tout ça on s'est quand même bien éloignés sur les berges de l'Isère et il faut encore rentrer jusqu'au parc Mistral. Où nous attendent les gâteaux de Christelle et un bon thé chaud. Et en plus on est dans le Gre News :-)


Samedi après midi c'est la course de la Montée de la Bastille, organisée tous les ans par le Spiridon, cette année au profit de l'asso Sakado. On part de la piscine du campus pour 7km de plat sur les berges avant les 3km de montée. Je vois Sae au départ mais je la laisse partir devant. Ma stratégie "perf minimale / sauver les meubles" (c'est ça de s'inscrire à 2 courses sur le même week-end quand on n'est déjà pas en forme) consiste à faire les 7km de plat à minimum 12 km/h, vitesse que je peux tenir assez facilement sur cette distance, soit 35mn max, puis la montée en moins de 25mn, pour boucler le tout en moins d'une heure, comme la dernière fois. Départ rapide, et même à 12 ou 13 je me fais largement doubler. En plus mes mollets ont bien servi ce matin et sont loin d'être frais... On traverse le pont pour aller faire un tour dans le parc de l'île d'amour où c'est déjà à mon tour de doubler, puis on retraverse et c'est parti pour les berges. J'ai les yeux rivés sur ma montre pour être sûre de tenir le bon tempo. Je gère les douleurs aux mollets. Je reste à proximité d'une fille qui n'a pas de montre et doit demander autour d'elle où on en est. Un gamin nos tend des verres d'eau au pied de la montée, je marche deux pas pour pouvoir lui rendre le gobelet, qu'il me réclamait mais qu'il s'étonne que je n'ai pas vidé :-) et c'est parti... Le plat, c'était la partie facile, maintenant il va falloir monter. Mais bizarrement c'est là que je double, tous les routards ou pistards qui n'ont pas l'habitude des montées. Il faut faire honneur à mon tshirt d'ambassadeur ut4m rose :-) Dans le tunnel on m'annonce 11e femme, puis j'en dépasse 2, je sème aussi celle qu'il me suivait sur le plat, et 1 me double. Escaliers en marchant, relance sur le plat, dur dur sur le finish vers la terrasse, puis j'envoie bien dans la descente avant de gérer la remontée dans l'herbe et le sprint final. 56' ou 57', moins d'une heure, c'est bon ! Par contre cette année pas de ticket pour redescendre en bulles, on repart à pieds avec Sae qui était sur le podium, bravo !


Et le dimanche matin, c'est reparti pour la Wider Classic du Rachais
Heureusement que pour celle-là j'étais inscrire à l'avance, parce qu'il fallait se motiver à sortir du lit avec des mollets en vrac dans le petit matin gris... Direction le jardin de ville pour le retrait des dossards et y retrouver plein de monde de l'Ut4M, ambassadeurs, finishers et big boss en personne :-)
Le départ se fait par vagues selon l'ordre d'inscription (en tous cas je n'ai donné aucune info sur mon temps prévu), je suis dans la 4e. Cette fois aucun plan de course à part "gérer ". Je suis claquée, j'ai froid, et je n'ai plus de mollets: tout est donc réuni pour ne pas faire une perf. Faire moins d'une heure me paraît donc peu jouable, éventuellement 1h10.
On part d'abord à plat (aïe) juste le temps de traverser L'Isère et d'arriver au pied de la montée du Rabot. Une montée que je ne connais pas et que je découvre du coup avec plaisir, en alternance marche course, en doublant et dédoublant toujours les mêmes. Quelques marches d'escalier, la vieille cité u du rabot, le parking. On rejoint finalement le sentier normal assez tard, c'est déjà ça de gagné. A la Bastille ils sont en train d'installer les tentes pour après la course, nous on continue, pas de ravito ni rien. Direction le mémorial du Jalla, droit dans la pente avec des bouchons pénibles. Puis arrivée sur la piste où c'est facile de doubler, et là je me retrouve vite quasi seule. Pas fâchée d'être un peu tranquille, mais sans lièvre je m'endors un peu dans un faux rythme. A Bec Aigu en une heure pile, des militaires nous annoncent 5mn pour le sommet, mouais, j'y crois moyen, et finalement je mettrai encore 10 ou 15 mn.
Au sommet il n'y a rien de plus qu'un pointage, il faut continuer sur les crêtes puis descendre dans les prairies pour trouver le ravito, qui n'est pas tout près... Et en plus il fait toujours gris et frais. Je discute avec deux filles arrivées en même temps que moi, et découvre que l'une me suit sur Strava: Quadrophenia alias Sophie. Je retrouve le reste de la bande ut4m au ravito, on a tous mis nos kway ut4m. On récupère notre gobelet souvenir puis il faut encore redescendre à la Bastille. C'est le chaos, on a droit à un ticket de bulles mais trop de queue donc je redescends tant bien que mal par les escaliers avec mes mollets raides comme du béton, mais au moins le soleil se montre enfin.

Conclusion, un bon petit week-end, du fractionné, des intervalles, 3 sorties pour une quarantaine de kilomètres au total. Semaine prochaine la Gap'en Cimes avec le TTT, et puis direction les Châteaux Cathares !

jeudi 3 septembre 2015

Ut4M 2015 - Massif 4 - Chartreuse

Il est donc 18h et quelques en ce samedi après-midi, quand je récupère un ipod en état de marche en haut de Saint-Nazaire grâce à mes super supporters. Le gros de la chaleur est passé, et j'avance à un bon rythme (et en musique ^^) sur ce début de montée tranquille à travers champs, en envoyant encore quelques SMS à mes supporters plus lointains. On passe sur la piste du Manival, devant le parking où on s'était garés pour la reco, mais on redescend ensuite vers le haut de Saint-Ismier. Je profite pour me relancer tranquillement avant la vraie montée que je sais longue. Je reçois un SMS d'Hélène qui m'annonce que Marion, la fille suivante, que j'avais laissée au refuge de La Pra, vient tout juste d'arriver à la base vie de SNE : je lui ai donc pris plus d'une heure dans la descente de Belledonne, mais aussitôt re "perdue" au ravito. Enfin je pense qu'elle va elle aussi s'arrêter un moment, mais maintenant la vraie "course" commence, ça serait dommage de se faire doubler à ce stade (je suis 3e senior à ce moment, d'après mes suiveurs livetrail, et j'ai bien envie de faire un podium sur cette course que j'apprécie beaucoup). 

Puis on attaque la vraie montée dans les bois, l'ombre des arbres est bienvenue même si la température du four a baissé depuis tout à l'heure. Ce n'est au début pas le même chemin que la reco avec le TTT, ou en tous cas je ne reconnais pas. Pour attaquer la montée proprement dite, je me fais un de mes 2 shots de caféine restants (je garde l'autre pour Chamechaude), et quand je tombe sur LA chanson qui va bien, je la mets en boucle et je tiens le rythme, je me surprends moi-même ! Au point que je colle aux basques d'un coureur du 90 km qui venait de me doubler, je le suis pendant longtemps avant qu'il disparaisse très progressivement.

Je me retrouve alors encore une fois seule, et cette fois je reconnais bien la montée faite au TTT, dans un tout autre état (j'avais explosé avant d'atteindre le sommet...). Je monte, je monte, toujours à un bon rythme, c'est super. Je me concentre à maintenir une bonne cadence pieds et bâtons et à ne surtout pas m'endormir dans un faux rythme, n'ayant personne à suivre. Je finis par m'inquiéter quand même du manque de balisage (Yves me dira après que cette montée avait été intégralement débalisée, de bas en haut, et rebalisée en urgence par les ouvreurs...) : je me dis bien que je n'ai pas pu me tromper sur ce single, mais il suffit de rater une intersection, et là ça fait vraiment longtemps que je n'ai rien vu. Ils nous ont bien dit, si vous ne voyez pas de balise en 30m, faites demi-tour, vous êtes sur le mauvais chemin. Mais ça serait vraiment dur mentalement de redescendre après avoir si bien grimpé, alors j'insiste encore un peu, et je suis sur le point de me résoudre à faire demi tour quand heureusement j'entends un klaxon au dessus de moi ! C'est Franck Lemasson qui descend à notre rencontre. Ouf ! Il m'annonce que je ne suis plus très loin.

Je continue donc à grimper encore un peu, rassurée sur le chemin. Heureusement que je suis en forme car cette montée est vraiment interminable. Puis d'un coup, enfin, voilà le sommet, le col de la Faïta ! J'ai mis à peine 1h30 depuis le bas de la montée, tellement fière de moi que j'envoie un SMS avec mon chrono B-) Un gars tout seul avec son vélo nous y attend et m'indique la suite du parcours. Mais par ici, je connais bien :-) Un peu plus loin je profite d'une crête avec une belle vue pour admirer le coucher de soleil, la Dent de Crolles toute rose, et Belledonne bien loin derrière nous déjà, où j'étais cet après-midi. Quelle belle balade quand même !

Je continue sur la crête, et j'y croise un autre bénévole qui me décrit minutieusement le parcours jusqu'à l'Emeindra : plat, montée, descente dans les champs sur 2km, remontée avec un gros déniv sur 1km5. Pff, ça monte encore, moi qui croyait à du plat... Surtout que j'ai hâte d'arriver au Habert, avant la nuit, pour pouvoir y sortir tranquillement ma frontale. En plus, le bénévole me dit aussi qu'on m'y attend avec les panneaux wanted (avec les photos des ambassadeurs, une idée de notre super équipe de comm' ça). Yay, j'imagine déjà l'arrivée triomphale au Habert, le fameux ravito vanté comme le meilleur de toute la course, avec la ola vue sur les vidéos, et les panneaux wanted, ça va faire du bien ! Il est un peu plus de 20h, il doit me rester une petite heure de jour pour faire ces quelques kilomètres vallonnés. 

Je commence par monter sur une petite crête, où j'intercepte des randonneurs (un couple avec leur ado "waouh !"), passablement impressionnés, qui me complimentent à qui mieux mieux, et acceptent volontiers de me prendre en photo, "vous le méritez". 
Je tiens toujours la pose :-)
On discute un peu (ah, j'étais pressée d'arriver avant la nuit ? oops, j'avais oublié... ^^). Je leur dis qu'il nous reste 30 ou 35 bornes (à vue de nez, sachant qu'il nous reste à faire Chamechaude et le Saint-Eynard, c'est ce que j'évalue, mais en vrai j'en ai aucune idée). Ils me disent que meuh noooon, moins que ça, Chamechaude c'est juste là. (Bon, en vrai, c'est moi qui avais raison sur ce coup-là.) Et je me rends compte que 1) j'ai pas la moindre idée de la distance déjà couverte ou encore à couvrir, ni du déniv (par contre je sais par coeur où on va), et 2) j'ai toujours pas une seule fois de toute la course imaginé l'arrivée, eu des frissons en me voyant finir, rien de rien, je me suis juste baladée de point en point au jour le jour. Ah et 3) en fait, j'ai même pas hâte d'en finir, d'arriver, pour la première fois ce que je veux ce n'est pas "l'avoir fait" mais "le faire". Je m'éclate ici et maintenant, pas pressée de retourner à la vie normale.

Je fais donc la descente sur l'Emeindra en mode paradis sur terre, musique dans les oreilles (heal the world), dans un couloir de balises, traversé par les vaches, au milieu d'un paysage bucolique au coucher du soleil, avec Chamechaude dans toute sa splendeur qui surplombe le tout : nous petits microbes, la bergerie, les vaches... C'que c'est beau...
Arrivée sur l'Emeindra
Je prends quelques photos encore (décidément je sais pas me dépêcher) et suis rattrapée par Jean-Luc. Premier réflexe, j'accélère, zut, moi qui voulais profiter de ma solitude dans MA Chartreuse ! Mais on finit par discuter, c'est sympa aussi :-) On descend un peu sur une piste au fond du champ, puis on remonte derrière vers le col, tout ça pour contourner un champ qu'on n'avait pas le droit de traverser. La montée sèche annoncée dure un peu, et la nuit tombe vite... J'essaye d'avancer vite, pour éviter de devoir sortir la frontale (j'ai oublié de la mettre à portée de main à SNE, il me faudra enlever mon sac pour la chercher), et puis je me réjouis depuis un moment déjà de l'animation et de l'ambiance qu'on est sensés retrouver au Habert et de l'accueil spécial promis aux ambassadeurs. 


Enfin on arrive sur un replat, on y croise 2 bénévoles (dont Romain Lapastek, je comprendrai plus tard) qui cherchent un gars déshydraté, mais on ne l'a pas vu, et ils continuent. Pour nous ça redescend un peu en sous bois, il fait vraiment trop sombre, je décide de sortir la frontale et Jean-Luc m'imite. On commence à entendre du bruit et des voix provenant du ravito, quand on émerge des bois juste au-dessus, mais pas de haie d'honneur, pas de ola, pas d'accueil spécial...  Je suis déçue du coup ... :-( En plus je demande le fameux Romain Lapastek qui m'a promis un massage au Habert, mais il n'a pas l'air d'être là (et ne le connaissant pas, je ne savais pas que je venais de le croiser dans l'autre sens). Bon, tant pis pour le massage, de toutes façons j'ai déjà assez perdu de temps aux bases vie, il va falloir finir un jour. 

Déçue donc, je m'assieds sur un banc dehors, pas envie de rentrer ni de passer trop de temps ici (bon à part ça, je précise, le ravito était très bien, c'est juste que des fois on se fait des films et avec la fatigue on est facilement déçus). 
A l'intérieur du Habert, ça ressemble un peu à ça... (photo 2014)
Une bénévole me demande si j'ai vu son mari dans la descente : 
"Franck 
- c'est qui ? je sais pas   
- un chauve avec un klaxon  
- aaah ! oui !"
Je mange de la soupe et de la pastèque (chapeau aux bénévoles qui ont monté des pastèques ici, alors que c'est inaccessible par la route, certaines courses peuvent en prendre des leçons). Bernie est monté depuis le Sappey et me livre mes autres ipods rechargés, ainsi qu'une batterie pour ma montre. Il tente de me faire un massage mais réussit juste à me détruire les quadris en bourrinant, j'arrête les frais et repars, le laissant avec un bénévole prêt à l'engager comme kiné. 

Déçue et/ou fatiguée, je repars très et trop vite : je n'ai pas fait le plein d'eau, et je réalise quelques mètres plus loin que mon camel est vide... C'est malin... Le demi-remplissage à SNE (où j'avais renvoyé Bernie le vider 3 fois) a finalement tenu pile la montée, mais après il fallait le recharger, banane... je n'ai même pas rempli non plus mon bidon. Heureusement je connais, il y a la fontaine à Bachasson, alors je continue. C'est quand même mon 3e faux départ : les bâtons au Versoud, mon iPod à SNE, l'eau au Habert, qu'est-ce que je vais oublier la prochaine fois ?

Jean-Luc devait sans doute m'attendre car il me suit aussitôt. Pas mal de coureurs ne veulent pas être seuls, moi c'est le contraire, en général ça me dérange pas voire même par moments je préfère. Autant j'aime bien les rencontres éphémères, les discussions, autant je veux faire ma propre course, sans dépendre de l'aide ou la compagnie de quelqu'un. Chacun sa galère mais chacun sa victoire, que ce soit sur le temps, sur les autres, ou sur soi-même, avec ses démons et ses douleurs, c'est quelque chose de très personnel. Mais de toutes façons après cette pause ratée, mon allure n'est plus du tout la même, ce stop m'a plus coupée dans mon élan qu'autre chose. Du coup Jean-Luc disparaît très vite devant, pas décidé non plus à s'encombrer d'un boulet ;-)  Je prépare une pastille isostar dans mon bidon vide, rattrapée ensuite par un Joel des Antilles, martiniquais habitant le nord. Je le laisse filer lui aussi pendant que je remplis mon bidon à la fontaine de Bachasson. 

Puis j'attaque la montée du pierrier qui me semble interminable, je vois les frontales loin au-dessus de moi, c'est beau et impressionnant à la fois. Je sais qu'on ne va pas tout en haut et j'ai dans la tête ce chiffre de 400m de dénivelé, va savoir pourquoi... Depuis la cabane à 1400m d'altitude, il y a bien plus, on va quasiment sur la crête, à 2000m. En début de montée on croise les coureurs qui redescendent, pas très nombreux, une dizaine peut-être ? Parmi eux un autre ambassadeur, Rafion, que je vois galérer et glisser dans la pente, me disant qu'il a bien du mal (attends d'y être toi-même, pour voir...). On échange à chaque fois quelques mots d'encouragement ou de félicitations en se croisant. Puis la montée et la descente se dissocient, on ne croise plus personne, plus besoin de s'écarter, je peux me rendormir dans ma lente progression. Réveillée cependant par l'air qui fraîchit à vue d'oeil et le vent piquant, ça fait longtemps que j'ai remonté mes manchettes mais j'ai la flemme de sortir la veste.

Enfin voilà un bénévole, debout tout seul près d'un arbre, dans le vent, merci à lui. Je m'assieds 2 mn avec lui, mange un peu, discute, admire le paysage, Grenoble brille de mille feux là-bas tout au fond de sa vallée 1800m plus bas. Magnifique, j'ai même plus envie de descendre... Je resterais vraiment bien des heures assise là à contempler, mais il paraît que je porte un dossard..  Bon, ça, ça fait longtemps que je l'ai oublié, si je l'avais même jamais réalisé. Le chrono de 40h, c'était tout à fait aussi trop optimiste que je le pensais, j'ai abandonné l'idée depuis le Taillefer, mais ça ne m'a pas démotivée le moins du monde. Par contre il fait froid et surtout on m'attend au Sappey. Toutes ces retrouvailles avec mon équipe sont comme autant d'îlots de lumière dans la nuit, de points de chaleur et de réconfort après des heures de solitude. Et encore, aujourd'hui tout allait bien, mais quand les choses se gâtent c'est vital. Bref, j'ai hâte de les rejoindre ! Donc je me lève et repars. 

Je discute avec Jean-Michel qui vient d'arriver au sommet lui aussi mais ne s'y arrête pas, accompagné d'un pote-suiveur venu lui tenir compagnie dans la nuit. Mais je n'arrive même pas à les suivre, je galère dans la descente, en marchant, stressée à mort, je me revois annoncer que je commencerai à envoyer au sommet de Chamechaude mais j'en suis incapable, et c'est encore plus stressant, arg. J'entends d'ici Pat me dire de me relâcher, mais je suis claquée j'y arrive plus, je suis dans MA descente et je peux même pas courir... Mes quadris chauffent et mes pieds aussi mais c'est surtout la tête qui lâche : j'ai la trouille. J'ai peur de tomber... J'ai plus assez confiance en mes appuis pour me lâcher... Et d'ailleurs je tombe une ou 2 fois sur les fesses, j'ai de la terre partout. On descend d'abord sur la crête le long de la brèche Arnaud (même pas vue dans le noir) puis très raide droit dans la pente des moutons, puis on retombe enfin sur le sentier de la montée vers le champignon de la Folatiere. A notre tour de croiser et d'encourager les coureurs qui montent après nous, peu nombreux et très étalés. Sous la cabane, je rassure un coureur perdu, j'entends des histoires de coureurs montés 2 fois... 

Ca ne risque pas de m'arriver, je connais le coin par coeur, je ne compte plus le nombre de montées nocturnes pour admirer le lever de soleil, ou diurnes pour admirer le coucher de soleil, etc. Je reconnais aussi l'odeur de carcasse de mouton puante en-dessous de la cabane, elle était déjà là une semaine plus tôt lors de mon dernier lever de soleil à Chamechaude. Aujourd'hui j'étais sensée y voir le coucher de soleil mais il est fini depuis longtemps !

C'est dans cet état de délabrement que j'arrive au-dessus du Col de Porte, où une frontale vient à ma rencontre, puis s'arrête, puis me parle : c'est Stef ! Il devait me retrouver au Sappey, et étant en avance il est monté à ma rencontre !! Trop bien ! On descend ensemble au col de Porte. Je lui demande s'il n'aurait pas de la Nok, mais non, dommage pasqu'avec toute la terre que je me suis prise dans le short, j'ai les fesses qui chauffent ! :-) Il va falloir que je pense à emporter un tube la prochaine fois. On continue à descendre à un faible rythme, j'ai tellement mal aux jambes que pour la première fois je comprends tous ces autres coureurs : moi aussi j'en ai marre de descendre ! Je rêve de montée, tout en la redoutant. Je sais qu'il y a quelques belles bosses avant d'arriver au Sappey, et effectivement, ça n'a pas plus tôt cessé de descendre que ça monte à m'en faire regretter la descente. Décidément, jamais contents ces trailers !

Puis en haut du Sappey, on croise enfin la route, son bitume et ses pentes légères, et en plus on y trouve Hélène et Romain ! Je leur dis en passant que je suis cuite, et on continue vers le ravito situé dans le bas du village. J'en avais marre de descendre ? ça tombe bien on remonte ! Ah, en fait j'en ai aussi marre de monter, mince, on est bien là, je crois pas que l'Ut4M soit réputé pour sa plateté... :-)

On rattrape alors 2 coureurs du 90km, un gars de Toulouse dont le frère est à Grenoble (tout l'inverse de moi, rigolo) et une fille (que je recroiserai à Chamonix plus tard, venue de la Réunion elle a trouvé la course magnifique !) qui galère sans bâtons et emprunte ceux de Stef pour monter la (belle) bosse. Puis on arrive au croisement que je connais par coeur, j'y étais montée à la rencontre de Mikachu en 2013, j'y passe très souvent pour monter à Chamechaude, j'adore le chemin (Tétris ^^) qui suit.  Alors je lance à Stef un "ok, on passe en mode 'j'ai même pas mal' et on court", et je pars aussi sec en courant, on a scotché les 2 autres sur place, je sais même pas s'ils ont essayé de nous suivre, j'ai pas réfléchi j'ai plongé dans la pente. Et la magie se produit, j'ai pas mal, la tête commande encore au corps, je dévale, juste ralentie par le manque de luminosité, ma frontale montrant quelques signes de faiblesse. D'ailleurs Stef prend le large pour aller chercher la Nok dans son camion, et je continue toute seule avec ma musique. Résultat quand je débouche sur la route où Hélène et Romain m'attendent, je leur dis que ça y est c'est revenu ! ça doit pas faire un quart d'heure qu'ils m'avaient laissée en perdition, ça peut revenir aussi vite que ça repart (et vice versa). 

Le ravito est dans un petit bâtiment, je me pose sur un banc à une petite table avec mes supporters, pour avaler bol de soupe après bol de soupe, c'est trop bon. Je ne suis vraiment plus en mode compet (bon, je l'ai jamais vraiment été au final, vu qu'avant ça j'ai fait le Vercors à l'économie, le Taillefer en hypoglycémie, et Belledonne en touriste). Je tourne à l'économie, je prends trop de temps aux ravitos, je discute, mais ça me fait trop plaisir d'être là avec mon équipe et de partager tout ça. Bernie est là aussi après sa rando au Habert, il me laisse le chargeur pour ma montre au cas où, me fait les poches du sac pour vider mes déchets accumulés depuis plusieurs ravitos que j'oublie, recharge le camel tout vide. Puis je me force à repartir sans trop traîner, en plus Stef m'accompagne vers le Saint-Eynard, et Hélène m'annonce qu'elle va y monter en voiture pour nous voir passer ! :-D

On commence par descendre un peu tout au fond du village pour mieux remonter ensuite, je m'accroche, c'est dur mais sans commune mesure avec le genre de passages à vide que j'ai déjà pu avoir sur d'autres courses. J'ai quand même l'impression d'avoir énormément progressé, même si ça ne se ressent pas forcément sur mon temps de parcours un peu décevant. En même temps, là tout de suite je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est, tout ce que je sais c'est où il faut aller, le temps lui filera bien tout seul. Entre discussion avec Stef et musique, on fait passer la montée sèche dans la forêt, avec enjambage de troncs énormes, pas très cool le parcours d'obstacles à ce stade de la course. On passe un signaleur qui nous annonce qu'on n'est plus très loin, il parle d'un km 5, d'un talus, je capte la moitié des mots, en fait le sommeil se fait sentir. Un peu normal, on atteint le moment où je craque toujours sur l'UTMB, le milieu de 2e nuit. Je commence à devoir lutter pour ne pas m'endormir, je rêve d'un café. Et puis d'un coup Stef me dit de ne pas aller plus loin, regarde on est sur la crête ! Ah oui ! toute occupée à regarder mes pieds, j'avais même pas vu qu'au-dessus de nous, la pente s'interrompt net pour plonger en falaises abruptes vers la vallée : on est sur la crête, et les lumières oranges de Grenoble percent l'obscurité. On suit la crête, et le sentier retombe sur la route. Stef : "tu pars pas à gauche prendre des photos" (ou sous-entendu faire le clown au bord du vide pour la photo), moi "c'est le lieu de suicide préféré des Grenoblois". 

Trêve de rigolade, on arrive au poste de contrôle, en fait 2 secouristes, et Hélène ! Ils me demandent si j'ai besoin de rien, je suggère de me donner de nouvelles jambes et pieds, ils n'ont pas (ou plus ^^) mais ils m'offrent un massage. Allez, je suis plus à ça près, et surtout j'ai besoin de dormir un peu. Je m'assieds sur leur chaise de camp, Hélène se propose comme appuie-tête, et j'essaye de fermer l'oeil mais tout le monde me parle. Je finis par dire qu'il faut que j'arrête de parler si je veux réussir à dormir, et du coup ils se mettent tous à chuchoter. Un peu gênée mais trop crevée, je ferme les yeux, refuse la couverture, et profite du massage à 4 mains pendant que je ne dors pas vraiment mais me repose un peu. Je fais vraiment trop de pauses sur cette course, ça m'embête. Quelques petites minutes plus tard, je me force à repartir sans trop traîner. Hélène sera au col de Vence, Romain lui est rentré se coucher, le pauvre après ses 2 courses en 2 jours il a déjà bien tenu ! ;-) Toujours aucune idée de l'heure, il était déjà minuit passé au Sappey je crois.

On repart avec Stef, il me conseille de mettre ma veste pour le vent qu'il y aura là-haut, et il fait bien ! D'abord la descente sur les remparts, avant de remonter le petit raidillon en face, dur, parfois je titube un peu. Puis d'un coup je me rappelle que Denis doit être au Saint-Eynard depuis minuit ! Dire que j'avais peur d'y passer trop tôt ;-) et Béné a pris à minuit son poste de signaleuse dans les rues de Grenoble, dire que je m'inquiétais d'y passer trop tôt là aussi... On arrive donc difficilement en haut des marches du Saint-Eynard, y a personne, je m'inquiète d'avoir raté Denis ? et s'il était de l'autre côté avec les secouristes ? Mais Stef me dit qu'il doit être à l'abri du vent (qui souffle bien !), et effectivement, on le trouve juste sous les marches !
Descente des escaliers du Saint-Eynard de jour pour Rachid El Morabity 2e du 90km
Je l'appelle d'en haut, car c'est dur pour lui de voir qui se cache derrière les frontales éblouissantes (même si la mienne faiblit). Du coup il lance la musique, la même chanson de San Severino que j'avais bien aimée à l'Arselle. Je lui demande si par hasard il aurait pas du café, et oui! ! Il en a ! Il me dit qu'il est un peu fort mais ça me va très bien ! Je descends cul sec un gobelet de son thermos, Stef en boit un aussi. Deux gars nous rattrapent pendant ce temps, c'est Jean-Michel et son suiveur déjà vus à Chamechaude, et en fait c'est un copain d'isma, le monde est petit (bis). On prend encore le temps de poser pour une photo puis on abandonne Denis et son café magique dans la nuit, et on attaque la descente sur le col de Vence. 


On se réchauffe à mesure qu'on descend, et les lumières de la ville se rapprochent à chaque lacet. 


La descente n'est pas bien difficile, j'essaye même de descendre sans bâtons, Stef me les porte 5mn pour un essai. Toute à ma joie de descendre librement, je m'emballe un peu, trébuche une fois, deux fois, me fais peur, et décide de calmer le jeu. Je reprends les bâtons et descends plus cool, Jean-Michel +1 toujours sur nos talons, puis qui prennent le large. C'est frustrant mais ça serait bête de se faire mal maintenant. Un peu parano, je vérifie quand même qu'aucune fille du 160km ne me double, je tiens à garder mon podium. On finit la descente par le sentier normal, un signaleur nous fait traverser la route, et il faut remonter dans le champ en face pour arriver sur le parking en sécurité, à l'abri des voitures qui arrivent souvent très vite ici (il serait temps d'y mettre une passerelle ou quelque chose...). Le micro coup de cul fait mal après cette descente, puis on trottine dans l'herbe jusqu'au parking et au ravito, illuminé de guirlandes de Noël. On y retrouve Hélène, dont Stef m'a annoncé qu'elle allait nous accompagner un petit peu plus haut. Il y a aussi Anthony le chef informaticien qui se fait photographe pour immortaliser mon sourire toujours bien présent (on est là pour s'amuser ou bien ?) 


Je trouve une chaise, et pour changer je me fais une soupe chaude. Je tombe la veste, on s'est bien réchauffés en trottinant dans la descente, et on arrive dans les profondeurs de la vallée, abritées du vent. Et je sors aussi la 2e frontale pour remplacer la première qui faiblit et finir dans de meilleures conditions.
La soupe magique
Et puis c'est reparti pour la dernière étape, déjà ! Stef et Hélène montent avec moi à Bec Aigu. J'avais reconnu cette traversée (outre que je la connais déjà par coeur) exprès un soir, fatiguée, après un coucher de soleil au Saint-Eynard, pour tester cette "dernière montée", et vérifier qu'elle montait bien aussi peu qu'il me semblait. Aujourd'hui, je la sens passer quand même un tout petit peu mais on monte bien tranquillement, alors que ça pourrait se trottiner facilement ! Quand on sort des arbres on a une vue plongeante sur Grenoble, on pourrait voir le Palais des Sports en cherchant un peu.
Grenoble by night avec toutes les luminosités, make your choice

Montée, descente, montée, descente, et hop, au détour d'un virage voilà le gros cairn de Bec Aigu, au pied de la montée du Rachais, le point haut de cette dernière bosse de la course. Un gars arrive en sens inverse, il remonte la course pour aller chercher un pote à lui en haut et l'accompagner sur la fin. Grenoble nous tend les bras, on pourrait voir l'arrivée, je suis heureuse d'être là et on fait encore quelques photos (je devrais compter le temps passé en photos sur la course, ça doit être assez édifiant...). A défaut de finir avant minuit, je blague qu'il faudrait que je finisse avant qu'il fasse jour.

Puis je me décide à repartir, tiraillée entre d'un côté l'envie de prolonger le moment, profiter de la nuit dans la montagne et de cette parenthèse hors du temps qu'est l'ultra, avant de redescendre sur terre et dans la vie réelle, et de l'autre l'envie de faire un bon chrono, une bonne perf, d'être fière de ma course à l'arrivée. Au final je ne fais bien ni l'un ni l'autre, un milieu pas très satisfaisant, je ne me donne pas à fond tout en regrettant de ne pas me donner plus à fond, je ne sais pas ce que je veux...

Ils m'encouragent et je m'élance dans la descente, dans la bonne humeur et en musique, avec un cri de "Grenoble is mine!", bien décidée à profiter de cette dernière descente toute seule pour chanter à tue-tête dans le noir, du bon fun. Les autres repartent vers le col de Vence en trottinant, Hélène vers sa voiture, pour ramener Stef à son van au Sappey, puis redescendre à l'arrivée avant moi. Tellement concentrée sur ma musique et sur mes pieds que d'un coup je me retrouve nez à nez avec deux randonneurs (mais qu'est-ce qu'ils foutaient là ?!) écartés sur le côté du chemin pour me laisser passer, heureusement car je les vois au dernier moment et m'arrête net de chanter. Moment de solitude... :) A peine éloignée je recommence à chanter, c'est trop bon, cette descente devrait durer des heures. D'un coup une pointe d'humidité me pique le bras : une goutte de pluie ? nooon, pas possible, il ne doit pas pleuvoir avant ce soir, ça doit être la rosée des arbres. 

Je continue et débouche bientôt sur la piste qui descend du Jalla vers la Bastille. Je relance un peu plus, quand je me prends deux autres gouttes, puis d'autres, ah oui, il pleut vraiment :-) oups, c'est pas ma faute ! Au début ça me fait rigoler, j'aime bien courir sous la pluie, c'est fun. Puis je pense à tous ceux qui sont encore très loin de l'arrivée, ils doivent trouver ça moins drôle. En plus la pluie s'intensifie, heureusement qu'il ne me reste plus grand chose avant de trouver abri dans le Palais des Sports. J'imagine bien l'abri, mais toujours pas la ligne d'arrivée, c'est comme si je revenais de balade. Je passe un groupe de 3 ou 4 gars arrêtés sur le bord de la piste pour passer leur veste, de mon côté j'ai la flemme de la sortir, et je ne pense pas en avoir besoin pour ce qu'il tombe et le temps qu'il reste. Je regrette juste de ne pas avoir une casquette pour protéger mes yeux des gouttes. Je les laisse donc là et continue ma route, qui ne tarde pas à déboucher sur le glacis derrière la Bastille. Le parking, un petit bout de route qui remonte un peu (allez, je marche), le portail d'entrée, la terrasse déserte où est garé le camion des secouristes (ils dorment peut-être), les bulles ont fini de tourner depuis longtemps (1h du mat', et dire que je voulais passer avant).

Sur le muret est accrochée une banderole "Arrivée à 5km", chouette. Allez, encore une photo, on est plus à ça près : je tente le selfie mais je suis pas douée. 

comment ça elles sont floues mes photos ? :-p

Et hop, j'attaque la dernière descente, celle que je me suis promis de courir à un bon rythme. En fait je commence par traîner le temps de choisir la musique qui va bien sur mon iPod. Puis je ralentis pour envoyer un message à Valérie pour lui demander la musique d'arrivée (en fait elle dormait... et puis les hauts parleurs au milieu de la nuit...). Résultat quand je lève les yeux de mon écran, retour à l'obscurité, l'air humide de pluie me renvoie le faisceau de ma frontale dans la figure et je ne reconnais rien, je ne comprends plus où je suis : ah mince, sortie de piste, là il fallait tourner, ça s'appelle un lacet. Bon, assez perdu de temps, je range le téléphone, en plus j'entends un gars qui arrive derrière moi, je vais quand même pas me faire doubler en descente ! :-) et je repars en trottinant tranquillement. Passage dans les escaliers, j'y vois mieux que d'habitude, avec une frontale pour changer. Le balisage à la peinture orange et laque réfléchissante illumine un chemin que je connais par coeur, je dévale les séries de marches et débouche sur la dernière descente, plus que quelques lacets et je serai à Grenoble, il serait peut-être temps d'en profiter un peu avant d'être en bas, alors j'accélère un peu. 

Et voilà le tunnel du musée, le dernier virage, et le quai Saint-Laurent. Une bonne chose que j'ai les yeux rivés au sol car là, une série de petites flèches rouges font converger le regard vers une jolie ligne jaune. On ne nous en a pas parlé au briefing, un signaleur serait bienvenu ici pour nous accueillir à Grenoble et nous expliquer, enfin dans le doute j'ai bien deviné qu'il fallait la suivre. Alors c'est parti pour une partie de jeu vidéo dans la nuit ! Les yeux rivés sur la ligne jaune, la frontale braquée dessus (sinon elle disparaît dans la semi-pénombre à peine percée par l'éclairage des lampadaires), j'avance avec des oeillères, et décide de courir sans m'arrêter jusqu'à l'arrivée. On remonte la petite rue en légère montée vers les quais, il y a plein de restaurants, ça devait être sympa d'arriver ici de jour avec toute l'animation. Ou alors dans l'indifférence de passants interloqués, qui sait. Pour l'instant les seuls regards interloqués me viennent de jeunes qui sortent tout juste d'une boîte de nuit sur le côté de la route, choc des mondes (deuxième). 

Puis cette petite rue débouche sur les quais, la petite place avec la fontaine du lion, on traverse le pont piéton pour se diriger vers les rues piétonnes du centre de Grenoble, ça c'est top ! Un bien meilleur finish que les interminables 3km de plat sur les berges de l'Isère les 2 premières années, certes plus compliqué à organiser, mais tellement plus sympa pour les coureurs. Ceux qui sont passés de jour ont peut-être eu leur quart d'heure de gloire, ça fait toujours plaisir.
Un finisher diurne traverse le pont piéton

Pour moi, il fait nuit, et les rues sont désertes à part les paires de signaleurs installés ici et là pour nous faire traverser certaines routes. Je guette pour ne pas rater Bénédicte qui a dit qu'elle m'attendrait (elle a fini son poste à 4h, et je ne sais même pas/plus dans quelle rue elle était, ni quelle heure il est). On tournicote, on monte sur le parvis de Notre-Dame pour en redescendre par les escaliers, virage à gauche, virage à droite, rapidement je n'ai plus la moindre idée d'où on est. Je suis scrupuleusement la ligne jaune de peur de la perdre. Je tombe d'ailleurs nez à nez avec un coureur qui l'avait perdue, du coup il me suit, zut, je préfère finir toute seule comme j'ai commencé, et voilà que j'accélère pour le semer. Puis d'un coup encore des signaleurs, et cette fois Béné est là, je la salue sans m'arrêter, je suis complètement dans ma bulle, plus rien n'existe autour de moi. Ma chanson spéciale finish a commencé, "ce que j'fais là, moi je sais pas, je voulais juste marcher tout droit", c'est à propos n'est-ce pas ? Je tripe plus à l'idée de finir à fond les yeux rivés sur cette ligne jaune, que de tout le parcours qui a précédé, trop lent sans doute, et comme déjà oublié.
Signaleurs dans Grenoble, by Bénédicte

On continue à tourner dans les petites rues, finalement on ne passe pas saluer Eulalie l'éléphant du jardin des plantes (je croyais que le parcours passait par là), mais on débarque en face du parc au niveau de la passerelle qui traverse le boulevard. Signaleurs encore, qui m'envoient dans les escaliers. Obstacle final : des escaliers tournants, virages serrés qui semblent n'en plus finir, j'ai la tête qui tourne avec, je marche le temps d'être en haut, et hop je relance sur la passerelle, traversée, redescente dans le parc. Bénédicte est là à nouveau, elle a pris un raccourci. 2 ou 3 personnes accoudées aux barrières dans le parc m'indiquent le chemin, je suis paumée, je ne sais même pas vraiment où est l'arche, je leur demande si on finit dans le stade, je voulais dire le palais des sports, et puis je la vois, juste là, la fameuse arche d'arrivée. J'accélère encore un petit coup, et voilà, c'est fini...

Presque déçue, pas de gros frisson ni grand soulagement, mais cette impression insistante que j'aurais pu aller soit beaucoup plus vite, soit beaucoup plus loin... Un coup d'oeil au chrono qui tourne sur la ligne me dit que j'ai finalement mis un peu plus de 45h (si j'avais su, j'aurais au moins pu me dépêcher un peu plus dans cette dernière descente pour gagner quelques minutes), soit 5h de plus que prévu, en traînant beaucoup en route et aux ravitos, surtout sur la fin. Je n'ai certainement pas tout donné et la joie d'avoir fini ce parcours difficile se mêle non seulement à la tristesse de la fin d'une aventure, mais aussi à la déception ou aux regrets du "peut mieux faire". Ou alors je suis complètement accro et 170km ne me suffisent plus pour arriver sur un nuage. 

Je plane un peu pendant qu'une bénévole me reprend ma puce, je me demande où est mon lot finisher (en fait il faut aller le chercher au fond du palais des sports, pas top, ce serait mieux sur la ligne), je ne réalise pas vraiment que je ne reviens pas d'une grosse balade mais d'une course que seul un gros tiers des partants va finalement boucler. Peut-être aussi le fait d'avoir couru à domicile sur mes terrains d'entraînement ?

 

Puis je retrouve avec plaisir mes supporters à l'arrivée, enfin celles qui ont survécu à la nuit plus longue que prévue, merci d'être restées jusqu'au bout. Marc l'avion est lui arrivé tranquillement hier soir, 9e de la course en 34h.
Même pas fatigué le gars ! :-) chapeau !

Devancé pourtant par la 1e fille qui finit 6e au scratch en 33h et quelques, avec son compagnon en lièvre de luxe (vainqueur de la 1e édition). Enfin j'aurai l'honneur d'être à côté d'elle sur le podium senior (je finis bien 3e SEF, merci livetrail, car il n'y a rien ni personne sur la ligne d'arrivée pour me le dire, il faudrait un écran pour que chacun puisse voir son classement en arrivant)Après avoir récupéré mon T-shirt finisher, fait les photos finish (en haut des escaliers), pris une bonne douche (en bas des escaliers), fait une brève sieste sur mon canapé (ah le bonheur d'habiter à 300m), c'est déjà le retour au Palais des Sports pour accueillir les derniers et assister aux podiums. J'ai aussi le plaisir d'y croiser Françoise venue exprès pour me féliciter. Les presque derniers coureurs (dont une lapine runneuse qui a finalement troqué ses minimalistes pour de vraies chaussures) arrivent vers midi devant une foule de spectateurs. Puis les tout derniers sont accueillis en héros sur l'estrade, escortés comme l'an dernier par Olivier le bénévole coureur multi-rôle, ouvreur sur Belledonne, responsable du 90km, et maintenant serre-file final (et j'en oublie sûrement). 

Puis c'est l'heure des podiums, interminable cérémonie pour toutes les courses et toutes les catégories, pendant laquelle je manque tomber dans les pommes (faudrait peut-être penser à refaire les stocks de sucre), et enfin le buffet (voilà qui devrait y aider).
Podium SEF. La 1e, Fanny Coyne, nous a mis plus de 10h dans la vue...

TTT dreamteam

Après ça c'est comatage en règle pour le reste de la journée. Bizarrement les jambes vont plutôt bien (je me suis fait masser 3 fois pendant la course et 2 fois depuis l'arrivée aussi) par contre il me manque quand même 2 nuits de sommeil, et ça se sent.
cadrage par Romain 
cadrage par Hélène

Un petit tour en vélo sous la pluie le lendemain pour délier tout ça, une journée de récup mardi, et dès mercredi c'était le retour du footing à Chamonix. Jeudi matin je fais la fin de la TDS avec Stef, 16km en aller-retour entre Chamonix et les Houches pour aller le chercher au dernier ravito, un sourire éclatant jusqu'aux oreilles : finisher ! Quelques jours plus tard Pat finit l'Echappée Belle en une quarantaine d'heures, et le team Caroux boucle l'UTMB. Et voilà, l'été est (déjà) fini... :-( 

Je n'ai qu'une hâte c'est de repartir à l'assaut des sentiers. Prochaine échéance le Grand Raid des Cathares à Carcassonne. En attendant, bonne rentrée à tous !