Départ de Grenoble avec Stef mercredi soir, on va se poser à Chamonix, dîner, dodo. Jeudi matin on récupère les dossards, puis on mange, un bon tour au salon du trail, on mange, on sieste, on dîne, dodo. La dernière nuit est difficile, entrecoupée d'insomnies de stress, J'hésite encore entre y aller vraiment tranquille juste pour assurer le finish, ou essayer d'y aller plus vite et de faire un bon chrono. J'ai fait un super plan de course en 35 heures qui me paraît impossible à tenir, mais je pense avoir progressé depuis l'an dernier et j'espère faire dans les 37 heures.
Réveil finalement vers 9h pour accueillir Thierry qui sera mon assistant, briefing, déjeûner à la cafet UTMB (des pâtes), sieste dans le camion, goûter, habillage, et direction le départ. Je laisse le sac de décharge qui part pour Courmayeur et on arrive sur la fameuse place du Triangle de l'Amitié déjà bien remplie, on trouve quand même une place pour s'assoir et attendre le départ dans presque 2h.
La pluie est bientôt de la partie, d'abord une petite bruine puis une vraie pluie qui force tout le monde à sortir le kway. Je n'ai pas réussi à retrouver Stef, et Thierry s'est éloigné pour laisser la place aux coureurs, et j'attends donc seule le départ. Le speaker lance la fameuse musique qui va bien, je devrais avoir des frissons mais sur le coup je ne réalise même pas, trop concentrée ou trop stressée peut-être... Enfin en tous cas ça y est, après un petit compte à rebours on est partis pour une grande (et longue) aventure.
Traversée de Chamonix
Pour pas changer, tout le monde part trop vite. J'étais pas mal placée sur la "ligne" de départ, mais j'ai tôt fait de me faire doubler par littéralement des centaines de coureurs surexcités, à la poursuite du copain devant, d'Anton Krupicka encore plus loin devant, ou d'un rêve de plusieurs années qu'ils touchent enfin du doigt (de pied). Ils en oublient que la route est encore bien longue pour revoir Chamonix. De mon côté il me faut de toutes façons pas mal de kilomètres pour m'échauffer et rentrer dans la course, donc j'y vais à la cool, mais je dois parfois surveiller ma montre car on est facilement portés par la vague humaine à des allures peu recommandées.
Le public est venu en foule nous voir partir malgré la pluie. Leurs encouragements nous portent, on se sent comme des héros partant au combat (c'est un peu le cas d'ailleurs). Mais je les imagine dans 10mn, une fois qu'on sera passés, qui vont retourner au sec manger un bon repas, avec peut-être une petite pensée pour nous dans un coin de la tête, mais sans savoir vraiment ce qu'on vivra pendant ce temps. La pluie se calme peu de temps après le départ, et comme on avance bien il fait vite chaud. J'enlève mon kway sans ralentir (passé par dessus mon sac) et le glisse dans la poche extérieure.
Chamonix - Les Houches
Après quelques kilomètres de bitume qui passent très vite, on quitte la ville par un large chemin, celui sur lequel la TDS finit dans l'autre sens. J'y retrouve le couple de l'Aude avec qui on avait discuté en attendant le passage de Xavier Thévenard (en route pour gagner la TDS) mercredi soir. Ils me reconnaissent et m'encouragent à mon passage, dans la foule de coureurs, merci !
Le chemin forestier est assez large pour doubler sans problèmes, et beaucoup en profitent. Je cours bien, je passe la plupart des bosses sans marcher mais sans forcer, et pourtant je me fais doubler encore et encore. J'essaye de penser à boire, déjà, et j'écoute les discussions de quelques coureurs qui font de l'humour pour conjurer le stress de ce qui les attend. Puis le chemin débouche aux Houches, on passe un pont et on remonte sur le bitume de l'autre côté.
Les Houches
Je passe devant le ravito et je manque le rater, il est sur le côté de la route, beaucoup de coureurs passent sans s'y arrêter, et pourtant c'est le bordel, je réussis tant bien que mal à obtenir un gobelet de boisson énergétique et repars avec, il y a des poubelles un peu plus loin. Pour l'instant je suis dans les temps, mais à ce niveau ce qui m'intéresse c'est plutôt de ne pas être en avance que de ne pas être en retard.
Le Délévret
Première montée et déjà on sent ceux qui sont partis trop vite. Je ne m'étonne même plus de me faire doubler ou de doubler des coureurs complètement essoufflés. J'avance à mon rythme sous la pluie qui redouble, je suis trempée et j'hésite à remettre mon kway... De plus en plus de coureurs s'arrêtent sur le côté pour enfiler le leur.
Je profite de passer devant un bar pour m'arrêter dans leurs toilettes, c'est que nous les filles on ne peut pas faire comme tous ces mecs qui s'arrêtent au bord de la route pour pisser, même en pleine ville d'ailleurs... Après ces 2 mn au sec je repars sous la pluie qui redouble, moi qui croyait à une averse passagère je dois me rendre à l'évidence, c'est parti pour durer. Au bout d'un moment j'avise deux spectateurs sous leur parapluie et leur demande un coup de main : l'un me tient mon sac et l'autre m'abrite sous son parapluie pendant que je passe (enfin) ma veste, puis c'est reparti !
Déjà je remarque les nombreux déchets par terre, emballages de gels et de barres énergétiques. L'esprit trail sacrifié à la performance ? pour gagner de dérisoires secondes ? ou bien se disent-ils simplement que de toutes façons quelqu'un le ramassera bien pour eux ?
L'hélico de la télé vole très très près au-dessus des pentes, le bruit est étourdissant. Il fait du surplace juste derrière nous, je m'éloigne vite.
Je n'ai pas encore allumé l'ipod mais une chanson me trotte dans la tête, Avicii "so wake me up when it's all over, when I'm wiser and I'm older": réveille-moi quand tout sera fini... J'avoue que là, sous la pluie drue, c'est plutôt tentant de se réveiller après la course, finisher, plus sage je sais pas, mais l'objectif accompli en zappant la partie souffrance au milieu. Puis je me dis que quand même, j'ai envie de la vivre cette course, ses paysages, le bonheur de courir. Quitte à en baver aussi par moments. J'atteins le sommet à 19h35, la même chanson toujours dans la tête pendant des heures à venir.
Descente sur Saint-GervaisC'est la 3e année que je fais cette descente, dont la 2e fois que c'est un toboggan de gadoue. Mais cette fois pas de chute, pas de blessure (par contre j'y aurai sans doute laissé quelques fibres musculaires...). Beaucoup y vont prudemment / ne savent pas descendre, et je double sans m'en rendre compte. On descend d'abord droit dans la pente, j'essaye de passer sur l'herbe qui glisse moins sur le côté.
Puis on arrive sur ce sentier en lacets, les yeux rivés sur mes pieds je suis en coureur devant moi quand d'un coup il y a 2 files de coureurs qui partent dans 2 directions différentes : en fait on vient de couper un lacet, je comprends aux nombreux "c'est pas bien !" lancés par les coureurs floués, oops... :-( Bon, c'est pas la fin du monde, on a gagné 10m et ça m'a permis de doubler encore quelques parisiens :-) Je continue ma route en doublant tant bien que mal des coureurs pas toujours très motivés pour me faciliter la tache, grrr. Et je réussis à me retordre ma cheville gauche à peine remise de mon entorse lors de la reco il y a 15 jours... Sur le coup j'ai bien mal et surtout bien peur, mais finalement la douleur passe assez vite et je peux recommencer à courir, en redoublant toutefois de prudence. Malgré tout arrivée en bas j'aurai gagné 156 places en 45' de descente.
Encore une fois je n'ai pas ma frontale à portée de main, je comptais la prendre au ravito, mais le ciel assombri de nuages et les passages en sous-bois réduisent déjà la visibilité à néant alors qu'il n'est même pas encore 20h. D'ailleurs plusieurs coureurs ont déjà sorti la lampe, mais malgré tout je préfère attendre le ravito. Je descends donc prudemment jusqu'à arriver sur le bitume éclairé, où les bénévoles ont encore une fois posé un tapis anti-glisse.
Ravito à Saint-Gervais - samedi 20h30
Thierry est à Saint-Gervais, il a vu passer François d'Haene en tête, il y a bien longtemps déjà.
Mais le temps que j'arrive avec le gros du peloton, impossible de se retrouver dans la foule. Impossible de manipuler mon téléphone sous la pluie pour lire mes messages, je ne recevrai sa position qu'après avoir quitté la ville. Le ravito étant une cohue monstre je m'en éclipse le plus vite possible en emportant un gobelet de boisson énergétique et 2 barres pour la route. Je repars d'ailleurs tellement vite dans la ville éclairée que je manque oublier de sortir la frontale... je la sors en marchant vers la sortie, fais un détour par une poubelle de la ville pour laisser mon gobelet, et repars en trottinant.
Remontée aux Contamines
Que de la gadoue, on patine à mort dans les montées, on recule autant qu'on avance, une galère... Je me félicite maintenant que la plupart de mes trails de prépa (et notamment le Grand Duc) aient eu lieu sous la pluie et dans la gadoue, au moins je sais faire ! Et puis miracle, peu avant d'arriver aux Contamines, la pluie s'arrête enfin, pourvu que ça dure ! je sors la go pro pour la première fois. Pour l'instant tout va bien, je mange régulièrement mes bananes séchées et des barres, aucun problème digestif, par contre j'ai déjà les muscles un peu raides, et ça c'est pas tout à fait normal...
La fin de la section, je commence à la connaître, on voit le village de l'autre côté, ils nous font descendre au bord de l'eau pour remonter en face de l'autre côté de la route par un chemin boueux. De nombreux spectateurs des deux côtés du chemin nous encouragent, et je commence à réfléchir à tout ce que je dois faire au ravito avant de repartir : mettre ma chevillère, me changer pour un T-shirt sec, sortir bonnet et gants pour les mettre à portée de main pour la suite, reprendre de l'eau et des barres...
Contamines - premier poste d'assistance - samedi 22h16
Arrivée au ravito, il faut traverser la tente pour ressortir dans la zone d'assistance, j'y tourne en rond en vain pendant quelques minutes sans trouver Thierry, je demande même à un bénévole, avant de me résoudre à repartir sans avoir vu mon assistant. Du coup pas de chevillère, pas de T-shirt sec, et j'oublie tout le reste aussi.
Contamines - Notre Dame de la Gorge
On commence par une montée douce, presque un faux plat, où je peux trottiner en essayant de lire mes messages. Résultats je trébuche, me casse la gueule, m'étale de tout mon long, et m'ouvre le genou gauche. Heureusement rien de grave, par contre je suis couverte de boue maintenant, et mes bâtons aussi, du coup les dragonnes ne se clipsent/déclipsent plus aussi facilement. Je les rince dans une flaque un peu plus loin mais le mécanisme est grippé... Tant pis, je repars en trottinant. J'arrive à Notre-Dame de la Gorge en une petite demi-heure, surprise d'y être déjà ! On longe la route bordée de petites chapelles, on passe devant l'église, on traverse le pont, et c'est parti pour monter enfin dans la vraie montagne !
ND de la Gorge - La Balme
La montée passe comme un charme, je la connais / reconnais de notre week-end reco d'il y a 15 jours. On monte sur des grosses dalles, bordées de nombreux spectateurs. Deux gars m'encouragent à pleine voix quand je passe, puis l'un glisse au 2e "elle est tombée déjà" sur un ton plus bas, comme s'il comptait que je ne l'entende pas. Raté, c'était aussi discret que mes étudiants qui vont sur facebook en TD, leur téléphone caché sous la table en croyant que je ne vois rien :-)
Puis on arrive sur le sentier (boueux) et je me dis que la météo est bien meilleure que le jour de la reco, il ne fait pas du tout froid, il n'y a pas de vent, c'est super. On est juste un peu dans le brouillard. Je ne me fais même pas tellement doubler, et il m'arrive de doubler aussi, mais globalement je reste dans le même groupe de coureurs. Malheureusement je ne peux même pas me divertir de leurs conversations, ils parlent toutes les langues que je ne comprends pas, allemand, japonais...
Assez rapidement j'arrive en vue de "la pleine lune de la Balme", ce gros ballon lumineux qui surmonte le ravito. On le voit de loin, et il me faut encore un petit moment pour effectivement arriver au ravito. Il est alors minuit dans 7mn, je suis quasi pile dans les temps de mon plan "UTMB en 35h" (heure prévue 23h45), mais bon, le début n'était pas le plus difficile à tenir ! Enfin c'est quand même bon pour le moral, parce que je n'ai encore pas du tout forcé !
La Balme - ravito - samedi 23h55
Boisson énergétique et bouillon de pâtes au ravito, 2-3 barres pour la route, et je repars déjà. Mes arrêts sont pour l'instant tous très rapides. Et puis la cohue du début ne commence que maintenant tout juste à se calmer.
Croix du Bonhomme
La montée passe d'abord bien, ça fait du bien de l'avoir vue de jour, et ça fait du bien de réussir à tenir le rythme des autres autour de moi : je me fais beaucoup moins doubler que l'an dernier ! on dirait bien que j'ai un peu progressé en montée quand même, ouf.
Mais au bout d'un moment la montée commence à se faire longue, et je tombe en hypoglycémie, alors que je mange régulièrement, et sans aucun problème digestif ! (ça c'est nouveau et c'est un plaisir). Je ralentis le temps de faire passer une banane séchée, serre les dents, et mon énergie finit par revenir. Puis on entend au loin des cloches à vaches et des cris d'encouragement. Il me faut encore un moment pour arriver à la source : un groupe de jeunes gars qui font une haie d'honneur et lancent une ola à chaque coureur, ça me rebooste bien ! Tellement d'ailleurs que je ne vois même pas passer le Col du Bonhomme.
Quelques minutes plus tard on croise 2 randonneurs qui nous annoncent le sommet dans 25mn, je me dis que c'est pas possible il faut d'abord passer le col... Puis je reconnais la maison de la marmotte repérée le jour de la reco et comprends que j'ai déjà passé le col ! J'ai dû le rater dans le brouillard, ça devait être là que les jeunes nous faisaient la ola. La montée vers le sommet est pleine de passages techniques, escalade sur gros blocs, traversées d'eau, qu'est-ce qu'on fout là...! Mais je ne tarde effectivement pas à arriver à la grosse pyramide de pierre qui marque le sommet. Quelques minutes de descente plus tard on se fait bipper devant le refuge du Bonhomme, il est 1h42 du matin, et je ne suis pas du tout fatiguée.
Descente vers les Chapieux
Une descente détrempée devenue un torrent de gadoue, mais en plus contrairement à celle du Delevret / Col de Voza, elle n'est pas lisse, mais parcourue d'ornières. Avec la vitesse, le brouillard est d'autant plus gênant, il réfléchit le faisceau des frontales et empêche de voir très loin. Heureusement les baliseurs ont carrément tendu de la rubalise des 2 côtés du chemin à certains endroits pour être sûrs qu'on reste dessus. Il faudrait le vouloir pour se perdre ! Heureusement car malgré l'obscurité je devine qu'un pas en dehors du chemin nous plongerait dans un ravin sans fond. Parfois ça devient difficile de trouver son chemin entre les multiples ornières et les dalles rocheuses, et je me retrouve du mauvais côté d'une rubalise qui débute soudain devant moi et que je dois enjamber. J'essaye de suivre un peu les autres coureurs mais personne n'est très à l'aise dans ce labyrinthe. Soudain je dérape, mon tibia passe à ras d'une pierre, je l'écorche un peu mais plus de peur que de mal, comme je le confirme au coureur qui me suit quand il s'enquiert de mon état.
Je me méfie fortement pour ma cheville, je n'ai pas encore mis la chevillère faute d'avoir vu Thierry aux Contamines, et je me rappelle des récits de coureurs dont la cheville n'a pas résisté à cette descente précisément. Je double quand même beaucoup de monde, fais quelques glissades mais sans conséquence. Je repense à ma course de l'an dernier, j'ai l'impression de courir avec Mika vers les Chapieux ! Cette fois je ne m'étonne pas de ne pas voir le village de loin, je sais qu'en fait de village il n'y a guère que 2-3 maisons et la chèvrerie. J'y arrive assez rapidement, et cette fois-ci Thierry me repère facilement ! Ouf, je stressais un peu de ne jamais réussir à le croiser :)
Chapieux - 02h32 - 12 mn d'arrêt
Je traverse la tente du ravito pleine de monde, me faufilant tant bien que mal entre les coureurs, et ressors avec un bol de soupe pour aller me poser sur un banc devant les toilettes. Thierry renverse mon bol de soupe et part m'en chercher un autre, pendant ce temps je nettoie un peu mes jambes couvertes de gadoue et mon genou couvert de sang. Une spectatrice me propose spontanément une lingette pour désinfecter un peu tout ça. Puis j'avale mon bol de soupe épaisse, prends 2 gourdes de caféine avec moi et on repart.
Chapieux - Ville des Glaciers
Thierry m'accompagne un peu sur ce long faux plat par la route. Quel dommage qu'il fasse nuit, on ne peut pas voir le torrent qui coule en contrebas, alimenté par les cascades qui tombent des glaciers alentours. Pour la première fois je discute avec un autre coureur, on parle de l'interdiction d'accompagnement : techniquement au-delà de quelques centaines de mètres des ravitos les coureurs n'ont plus le droit d'être accompagnés. M'enfin va interdire à la famille qui a fait le déplacement de randonner sur des chemins publics... Ou va vérifier qu'il s'agit de quelqu'un de l'entourage du coureur, ou juste d'un spectateur rencontré par hasard, auquel cas ce n'est plus de l'assistance. Bref, interdire aux leaders d'avoir un lièvre, OK, mais pour nous gros du peloton je vois pas l'intérêt. Pour avoir couru avec zéro assistance pendant des années, je sais que ce n'est pas parce que moi je n'ai personne pour m'accompagner que je veux interdire aux autres d'avoir quelqu'un s'ils peuvent avoir cette chance. Si l'organisation veut vraiment être plus équitable ils feraient mieux de nous amener un 2e sac de décharge à Champex, 1 seul sac de décharge sur 170km c'est un peu léger.
Je profite d'être entourée de 2 autres frontales pour éteindre la mienne et regarder un peu le ciel étoilé, c'est de toute beauté ! Puis Thierry s'apprête à faire demi-tour, je me rends compte que j'ai oublié de remplir mon camelback et prends de l'eau dans sa bouteille. J'embarque aussi quelques compotes, je lance la musique, et c'est parti !
Col de la Seigne - le pied en montée !
Après quelques kilomètres de route en faux plat, on passe le refuge des Mottets plongé dans l'obscurité, presque invisible, et on attaque la vraie grosse montée vers le Col de la Seigne. Le serpent de frontales s'étale devant moi jusqu'au sommet, montrant la chemin qui me reste à parcourir, mais surtout derrière moi, matérialisant toute la route déjà parcourue, et tous ces coureurs qui me suivent.
La musique de mon ipod me met en transe. J'écoute les Enfoirés chanter "l'envie" : "qu'on me donne l'envie, l'envie d'avoir envie, qu'on rallume ma vie", et je me dis que ça va, ma vie est toute allumée, allumée de frontales qui s'étirent à l'infini (ou presque, pasque sinon on serait pas rendus !). Si je résume ma situation, j'ai déjà les cuisses en feu, je me suis tordu la cheville, ouvert le genou et rapé le tibia, j'ai raté mon assistance aux deux premiers checkpoints, et je suis en hypoglycémie, mais ça me fait rigoler. Je prends mon pied, et en montée en plus !
Comme pour la Croix du Bonhomme je suis ralentie par une hypoglycémie, la montée devient dure, mais je mange un peu et continue à avancer. Je tiens le rythme, et finalement il n'y a même pas de bouchons pour les petites traversées de ruisseau. On a la chance qu'il n'y ait pas de vent dans la montée et qu'il fasse plutôt bon, en plus j'ai séché sous mon kway donc je suis à température parfaite.
Col de la Seigne - 05h05
Sur la fin c'est moins raide, on voit le col devant nous avec la tente des bénévoles posée là, ils nous attendent, dans le bruit de leur générateur. J'adore le col de la Seigne, quel dommage d'y passer de nuit, il est grandiose. Au col par contre ça souffle bien ! La température en prend un coup, et il ne vaut mieux pas s'attarder. A peine bippée au col par les bénévoles qui vont y passer toute la nuit, je bascule en Italie.
Descente du col de la Seigne
Il y a du brouillard et la visi n'est pas top, j'attend avec impatience de tomber sur la large piste, et j'accélère pour accrocher les coureurs devant moi afin de pouvoir les suivre. La première partie de la descente vers la Casermetta est un peu plus raide, et surtout je me rappelle les marches en planches de bois saillantes en travers, sur lesquels il ne vaut mieux pas trébucher, donc je fais super gaffe ! Puis la descente s'adoucit, on passe sous le refuge Elisabetta, je m'attends à retrouver la piste dont je me rappelle mais non, on reste sur un petit chemin. Ma mémoire me joue-t-elle des tours ? Bon, tout va très bien quand même, à part un petit point de côté, j'ai la super pêche.
En bas de la descente un peu de plat nous attend sur la piste au bord du lac, il y a de nombreuses flaques et ruisseaux alors qu'on longe le lac Combal encore une fois invisible. Je marche gaiement dans l'eau pour me rafraîchir les pieds, ça fait du bien. En plus on commence à voir les toutes premières lueurs du jour à venir, le ciel tourne au bleu sombre et les crêtes des montagnes alentours s'y détachent de plus en plus. Derrière moi il y a toujours tout un serpent de frontales sur le chemin que je viens de descendre.
En bas de la descente un peu de plat nous attend sur la piste au bord du lac, il y a de nombreuses flaques et ruisseaux alors qu'on longe le lac Combal encore une fois invisible. Je marche gaiement dans l'eau pour me rafraîchir les pieds, ça fait du bien. En plus on commence à voir les toutes premières lueurs du jour à venir, le ciel tourne au bleu sombre et les crêtes des montagnes alentours s'y détachent de plus en plus. Derrière moi il y a toujours tout un serpent de frontales sur le chemin que je viens de descendre.
Lac Combal - ravito 65km - 5h47
Le ravito est visible (et audible) de loin, l'éclairage des phares et le bruit du générateur percent la nuit. Je me sens super bien, j'ai l'impression d'avoir gagné du temps sur ma course de l'an dernier, et du coup je commence à penser sérieusement à vraiment tenir mon plan de course en 35 heures, attention je m'emballe. Erreur, c'est beaucoup trop tôt pour se projeter aussi loin, j'essaye de me reconcentrer sur l'instant présent. Il ne faut jamais penser plus loin que la prochaine étape.
Au ravito je m'assied sur un banc avec une assiette de pâtes et un verre de boisson énergétique, et entame la discussion avec un coureur local des Houches qui a participé à 11 éditions sur 12 de l'UTMB. Il avoue à demi-mot qu'il y a des dossards réservés pour les bénévoles très impliqués, je le rassure tout de suite je trouve que c'est la moindre des choses ! A peine le temps de manger mon bol de soupe, je ne traîne pas et repars pour la dernière montée de cette première nuit avec 2 barres dans la poche.
On a quelques kilomètres à faire sur du faux plat vaguement montant, entre cailloux et flaques, qui ne me donne pas trop envie de courir, alors j'en profite pour admirer le ciel qui s'éclaircit de plus en plus. Un autre coureur me demande quand est la barrière horaire à Courmayeur : à midi, on a laaaaargement le temps, on devrait y arriver avec 4 ou 5 heures d'avance, et encore une fois je m'emballe. On est aux heures les plus froides et mes doigts commencent à s'en ressentir, mais mes gants sont trop loin. Puis on arrive au petit sentier qui bifurque et commence à monter vers l'arête du Mont Favre.
Au ravito je m'assied sur un banc avec une assiette de pâtes et un verre de boisson énergétique, et entame la discussion avec un coureur local des Houches qui a participé à 11 éditions sur 12 de l'UTMB. Il avoue à demi-mot qu'il y a des dossards réservés pour les bénévoles très impliqués, je le rassure tout de suite je trouve que c'est la moindre des choses ! A peine le temps de manger mon bol de soupe, je ne traîne pas et repars pour la dernière montée de cette première nuit avec 2 barres dans la poche.
On a quelques kilomètres à faire sur du faux plat vaguement montant, entre cailloux et flaques, qui ne me donne pas trop envie de courir, alors j'en profite pour admirer le ciel qui s'éclaircit de plus en plus. Un autre coureur me demande quand est la barrière horaire à Courmayeur : à midi, on a laaaaargement le temps, on devrait y arriver avec 4 ou 5 heures d'avance, et encore une fois je m'emballe. On est aux heures les plus froides et mes doigts commencent à s'en ressentir, mais mes gants sont trop loin. Puis on arrive au petit sentier qui bifurque et commence à monter vers l'arête du Mont Favre.
Arête du Mont Favre - lever de soleil - 07h10
Comme l'an dernier le soleil se lève sur cette magnifique section, porteur de sentiments mitigés. J'aurais aimé passé ici de nuit, je suis donc en retard, mon plan prévoyait que je passe à la même heure que l'an dernier malgré le départ 1h plus tard, mais malgré un bon début je n'ai pas réussi à rattraper cette heure de décalage. Forcément le fait de ne pas tenir mon plan a un impact sur ma motivation, tout comme le fait de me faire doubler, et je ralentis de plus en plus.
C'est beau mais je commence à fatiguer. C'est la dernière côte de la nuit mais elle me fait souffrir. La nuit blanche passée à courir se fait sentir, le froid du matin aussi, et je fais encore une hypoglycémie, décidément... Du coup je me fais doubler un peu plus par tous ceux que le petit jour réveille et encourage, alors que je regrette presque que la nuit soit déjà terminée. Les rayons du soleil devraient me réveiller, mais c'est justement maintenant que je commence à m'endormir !
C'est beau mais je commence à fatiguer. C'est la dernière côte de la nuit mais elle me fait souffrir. La nuit blanche passée à courir se fait sentir, le froid du matin aussi, et je fais encore une hypoglycémie, décidément... Du coup je me fais doubler un peu plus par tous ceux que le petit jour réveille et encourage, alors que je regrette presque que la nuit soit déjà terminée. Les rayons du soleil devraient me réveiller, mais c'est justement maintenant que je commence à m'endormir !
Enfin voilà le poste de contrôle. Une bénévole enthousiaste m'accueille d'un grand sourire et d'un "bravo la loco !" parce que je suis arrivée suivie de plusieurs gars. En fait j'ai plutôt l'impression que ce sont juste ceux qui n'avaient pas eu le temps de me doubler avant d'arriver au pointage... Elle doit d'ailleurs les retenir "d'abord Carole, elle a fait la loco" pour me bipper en premier. Elle me félicite encore chaudement. Merci à tous ces bénévoles qui gardent leur sourire et leur enthousiasme pendant des nuits en montagne à voir passer des coureurs de plus en plus fatigués et amorphes.
Je suis vraiment cassée, il va falloir que je mange un truc avant de descendre. Pas mal de coureurs se sont arrêtés pour immortaliser le paysage ou pour récupérer, et je les imite, d'autant qu'il ne fait pas trop froid. Je prends le temps de filmer et faire quelques photos, et même demander à un coureur (espagnol) de me prendre avec les montagnes derrière. J'aurai eu l'occasion de pratiquer plusieurs langues pendant la course ! C'est le moment que choisit le soleil pour apparaître soudain derrière une montagne, dardant ses premiers rayons dans le ciel bleu.
Je suis vraiment cassée, il va falloir que je mange un truc avant de descendre. Pas mal de coureurs se sont arrêtés pour immortaliser le paysage ou pour récupérer, et je les imite, d'autant qu'il ne fait pas trop froid. Je prends le temps de filmer et faire quelques photos, et même demander à un coureur (espagnol) de me prendre avec les montagnes derrière. J'aurai eu l'occasion de pratiquer plusieurs langues pendant la course ! C'est le moment que choisit le soleil pour apparaître soudain derrière une montagne, dardant ses premiers rayons dans le ciel bleu.
"Descente" vers Chécrouit
Cette descente me semble bien trop longue, et en plus elle est loin de ne faire que descendre... Le sentier oscille à flanc de montagne, je commence à fatiguer, il fait un peu frais dans les premiers rayons du soleil, et je suis en hypoglycémie, pour pas changer. J'ai du mal à courir, et du coup il me faudra 45 bonnes minutes pour arriver au ravito.
Chécrouit - Maison Vieille - 7h54 - pti dej
Accueillis par une banderole qui annonce 67 km alors que mon GPS donne déjà 75km, c'est frustrant. Mais leur chiffre doit être faux, officiellement il reste 4 km jusqu'à Courmayeur au KM77, je n'en ai donc que 2 de trop. Enfin dans tous les cas je suis à la bourre, j'avais prévu de repartir de Courmayeur à 8h... Je suis même en retard sur mon horaire de l'an dernier, pas cool. Mais tant pis, dans mon état il faut que je mange avant de repartir.
Je me pose sur la terrasse du refuge / restau qui sert de ravito, on est en Italie, l'occasion de pratiquer mes quelques mots d'italien avec les bénévoles. Je prends 2 épaisses tartines de miel et prends le temps de les manger dans le soleil levant, pour me réchauffer aussi un peu. Je range la frontale en vue de la descente, mais n'ose pas encore enlever le kway de peur d'avoir froid.
Descente sur Courmayeur
Le début de la descente est difficile, le temps de me mettre en route, j'ai mal partout, mes muscles sont froids, contractures aux quadris qui couinent, aux bras, même les abdos râlent. Puis je me réchauffe peu à peu, et on arrive sur mon super fire trail, sentier bien souple avec quelques racines, qui serpente en petits lacets entre les arbres. Je me rappelle avoir bien pris mon temps ici l'an dernier pour économiser mes jambes, et j'y vais encore relativement tranquillement, mais je double quand même pas mal de monde, enfin quand c'est possible. A un moment je suis bloquée derrière un coureur, je lui demande de me laisser passer, en vain, puis j'essaye de serrer à la corde pour le doubler dans les virages, rien à faire, il se rabat systématiquement juste devant moi au moment où je vais passer. Je manque plusieurs fois me faire mal à essayer d'éviter de l'emboutir, et il commence à sérieusement m'énerver. Du coup je finis par prendre un petit raccourci qui coupe un lacet, j'atterris devant lui et en 30 secondes je lui ai déjà mis 2 lacets dans la vue, et autant dire qu'il ne me rattrapera plus. Si t'aimes pas te faire doubler par une gonzesse, apprend à descendre !
Courmayeur - 8h39 - 41mn d'arrêt
On arrive dans les rues de Dolonne / Courmayeur, on traverse la ville un petit moment avant d'arriver au grand bâtiment qui sert de ravito.
Cette fois je ne rate pas mon sac de décharge :-) des bénévoles sont au taquet, repèrent notre numéro et décrochent notre sac pour nous le donner quand on passe, "grazzie". Aussitôt j'y cherche mon chargeur, ma montre commence à montrer des signes de faiblesse et le chargeur apporté par Thierry n'a jamais fonctionné.
Je commence par me poser en bas dans la "zone d'assistance", un poil plus grande que l'an dernier, je trouve même une place sur un banc. Je suis juste à côté des chronométreurs et en profite pour leur demander des nouvelles de Stef, dossard 830 : à ma grande tristesse j'apprend qu'il vient d'abandonner au lac Combal... :-( Isma lui me donne de bonnes nouvelles de Nono qui tourne bien, il est dans les 300 premiers. Je rigole en pensant à son interview pré-course où il disait qu'il allait "prendre son temps", j'aimerais bien être dans les 300 premiers en prenant mon temps moi aussi ;-) Même mon papa découvre l'art d'écrire des SMS pour me soutenir ce matin. Je pense aussi à mon filleul Lucien tout juste né la semaine dernière et grâce à qui ma soeur a dû elle aussi passer une nuit peu reposante.
Je déballe ensuite tout mon sac de décharge, sors mes affaires de rechange, me rince les jambes avec une bouteille d'eau à l'extérieur puis me change en tenue de jour. Je refais aussi le plein de nourriture, change la batterie de ma frontale, puis remballe tout et monte dans la salle réservée aux coureurs. Là-haut on trouve les toilettes, des kinés mais pas besoin pour l'instant, et un plat de pâtes chaudes que je mange avec un jeune coureur Jonathan (460) breton et habitant aux Pays-Bas, mauvais combo pour l'entraînement au dénivelé. Il s'inquiète de la raideur des pentes à venir, je crois que je lui fais peur quand je lui dis que pour l'instant ce n'était pas raide par rapport à Bovine et Catogne, c'est pas malin... Mais c'est un peu ma bête noire personnelle Catogne. Il se demande aussi s'il a une chance de voir un névé au Grand Col Ferret, mais je lui explique que c'est une pente sans arbre en plein soleil alors non... Je ressors, rend mon sac de décharge contenant maintenant une paire de chaussures boueuses et des vêtements sales, et repars avec ma montre à la main toujours en train de se charger.
Sortie de Courmayeur
40 minutes de pause au total, ça m'a bien requinquée. Thierry repart avec moi, c'est pratique pour la traversée de la ville, ça me stresse toujours de trouver mon chemin entre maisons et voitures... On traverse la ville dans tous les sens, avant de traverser un pont perché haut au-dessus de l'eau, le paysage est beau, mais l'heure est tardive.
D'abord du bitume, puis une piste forestière qui nous mène au pied de la montée, où Thierry fait demi-tour. Il a pas mal de route à faire pour me rejoindre à Arnuva. Je me sens bien et j'espère gagner un peu de temps sur la section à venir où j'avais traîné l'an dernier.
Montée vers le Refuge Bertone
Il est un peu plus tard que l'an dernier mais je me doutais bien que mon plan de course était (beaucoup) trop optimiste dans la descente vers Courmayeur. Je regarde le panneau de rando au bas de la montée, il indique le refuge Bertone en 3h et 2533m. Je crois qu'il s'agit de l'altitude, alors que je pensais qu'il était bien plus bas, et commence à stresser pour les plus de 1000m de montée qui m'en sépareraient dans ce cas, alors que je m'attendais à 600m max... Chiffre que j'avais d'ailleurs annoncé à un autre coureur.
Je rattrape un Vincent (969), chti, qui repère ma balise UT4M porte-bonheur accrochée à mon sac (elle aura déclenché plusieurs discussions, et j'aurai fait plein de pub à cette magnifique course !) et me demande si je l'ai couru. Lui l'a fait l'an dernier, et on parle un peu du parcours. Alors que je crois qu'il reste encore pas mal de dénivelé avant Bertone, il m'annonce que l'altitude du refuge est juste en-dessous de 2000m, on y est presque ! Ouf...!
Je grimpe un peu plus vite que lui et le laisse derrière moi. On voit bientôt le refuge au-dessus de nous. Derrière moi des coureurs remarquent que "ils rigolent pas avec les montées", alors que celle-ci est plutôt facile, régulière, pas trop raide, elle passe bien, et je me dis qu'il y a toujours pire que moi, après tout j'ai la chance d'avoir un sacré terrain de jeux pour m'entraîner !
Refuge Bertone - samedi 10h48
Refuge Bertone - samedi 10h48
Je suis assez surprise de voir qu'il n'y a rien à manger, pour la première fois c'est juste un ravito en eau (et en boisson énergétique). J'échange quelques mots en baragouinage d'italien avec un bénévole qui ne parle pas français, très sympa, qui m'explique que le prochain ravito en nourriture n'est pas le prochain à Bonatti mais encore plus loin à Arnuva. Cela dit j'ai largement de quoi tenir dans mon sac ! Je repars très vite mais finalement je m'assied sur un banc à l'ombre juste derrière le refuge pour lire mes SMS et envoyer quelques réponses.
Crêtes face au Mont Blanc
On se balade sur un super sentier en balcon, magnifique, à 2000m d'altitude et pourtant juste en face des montagnes nous surplombent de plus de 2000m : le massif du Mont Blanc nous contemple de haut... C'est splendide, une de mes sections préférées de la course.
Je sais que l'an dernier j'avais eu un coup de barre ici et je compte gagner du temps cette année. En plus j'ai l'avantage de ne pas être toute seule, il y a plusieurs gars autour de moi, du coup je m'accroche pour garder ma position et suivre le rythme de ceux de devant, ne pas me faire rattraper par ceux de derrière. Je sème tout le monde à la faveur d'une descente et me retrouve enfin un peu seul, ça fait du bien aussi un peu de tranquillité. Je profite du paysage et je m'éclate.
Mais cette section ne fait que monter et descendre, casse-pattes à souhait, pas étonnant qu'elle m'ait parue bien longue l'an dernier quand je l'avais parcourue toute seule : si tu ne fais que marcher il y en a pour une éternité. Etre entourée de coureurs est un avantage pour ne pas trop ralentir dans toutes ces bosses, et pour se motiver à avancer et à relancer sans cesse à un moment où la fatigue commence mine de rien à se faire sentir ! Je crains d'en faire un peu trop et de me laisser emporter, et je calme un peu le rythme.
J'ai mal à l'épaule gauche et je pousse donc avec un seul bâton pour reposer mon bras gauche en attendant que ça passe. J'alterne marche rapide et trottinage et progresse à un bon rythme. On ne tarde pas à voir le refuge Bonatti au-dessus de nous : eh oui la section se termine par une petite ascension pour atteindre ce 2e refuge.
Mais cette section ne fait que monter et descendre, casse-pattes à souhait, pas étonnant qu'elle m'ait parue bien longue l'an dernier quand je l'avais parcourue toute seule : si tu ne fais que marcher il y en a pour une éternité. Etre entourée de coureurs est un avantage pour ne pas trop ralentir dans toutes ces bosses, et pour se motiver à avancer et à relancer sans cesse à un moment où la fatigue commence mine de rien à se faire sentir ! Je crains d'en faire un peu trop et de me laisser emporter, et je calme un peu le rythme.
J'ai mal à l'épaule gauche et je pousse donc avec un seul bâton pour reposer mon bras gauche en attendant que ça passe. J'alterne marche rapide et trottinage et progresse à un bon rythme. On ne tarde pas à voir le refuge Bonatti au-dessus de nous : eh oui la section se termine par une petite ascension pour atteindre ce 2e refuge.
Refuge Bonatti - 12h09
Accueilli par un enthousiaste "Alors Carole ! ça va ?" lancé par les deux femmes bénévoles qui me bippent à l'entrée de la terrasse pavée. Je commence par un détour à l'intérieur pour les toilettes, en bas des escaliers, une volée de marches en plus... :-/
Puis je fais une pause assise aux tables en terrasse pour manger une soupe de pâtes, puis une 2e.
J'y retrouve Vincent le chti en manque de déniv que j'avais doublé dans la montée vers Bertone, je le salue d'un "à plus tard" en repartant, auquel il répond "à tout de suite même". Je m'étonne qu'il compte me rattraper si vite, mais il me dit qu'il va partir tout de suite aussi. En fait je ne le reverrai pas dans la montée qui suit.
Direction Arnuva
Direction Arnuva
Contrairement à mon souvenir cette montée est vraiment très courte, et s'ensuit immédiatement la descente vers Arnuva. Je m'extasie de la chance qu'on a de courir dans des paysages pareils, c'est sublime, et du coup je m'éclate de nouveau et cours bien dans la descente. Puis alors que je commence à fatiguer et à attendre ce ravito avec impatience (je me ferais bien un petit massage) je vois Thierry qui est monté randonner à ma rencontre.
On est toujours sur ce superbe sentier en balcon, mais ça remonte un peu, je marche et Thierry filme le paysage.
On descend ensemble, il donne d'abord le train mais ça me stresse de suivre le rythme de quelqu'un d'autre en descente, donc je repasse devant. On ne tarde pas à déboucher sur Arnuva, directement direction les kinés.
Arnuva - samedi 13h14 - 31mn d'arrêt
Pendant que je fais la queue pour les kinés, j'envoie Thierry demander des nouvelles de Nono : il est déjà à la Fouly de l'autre côté du col, super ! Après un peu d'attente ça n'avance pas il y a trop de monde aux kinés, on leur demande finalement de l'huile de massage et c'est Thierry qui me masse. J'essaye de me reposer un peu pendant ce temps. J'envoie quelques messages et recharge aussi un peu ma montre. Puis je mange un peu et on repart ensemble vers le Grand Col Ferret.
Grand Col Ferret - loooongue montée sous le soleil
Cette montée va être longue, très longue, vers le point culminant de la course. Heureusement Thierry en fait le bas avec moi avant de bifurquer vers la vallée pour retrouver sa voiture.
Ensuite je m'accroche, je pense à la beauté des paysages et je prends mon mal en patience. Mais j'ai l'impression qu'il n'y a pas grand monde autant en perdition que moi dans cette montée. Forcément, ceux qui me suivent ou me doublent sont évidemment ceux qui vont mieux, et les autres je ne les vois pas. Je me réjouis quand même de ne pas m'être trop fait doubler, et pense à tous ceux qui passeront encore bien plus tard ici, la barrière horaire de l'autre côté à la Fouly étant à 21h30.
Le vent souffle de plus en plus fort, heureusement car il est fait bien chaud, et ça fait du bien d'avoir un peu d'air frais. Par contre de gros nuages commencent à s'amonceler et je repense à certaines prévisions météo qui annonçaient des orages de chaleur l'après-midi : il manquerait plus que ça ! J'espère être redescendue avant. Je progresse en regardant les mètres d'altitude défiler (lentement) sur ma montre. Tant et si bien qu'il faudra qu'un coureur en me doublant m'annonce qu'on est presque arrivés pour que je lève la tête et voie effectivement le col juste au-dessus de nous ! Moi qui croyais qu'il restait encore plus de 300m de déniv, je suis soulagée !
La fin de la montée est en pente toute douce, on voit le col devant nous, et le vent souffle très fort. Mes quadriceps sont en compote, et la perspective de la longue descente qui m'attend juste après et devrait me réjouir a plutôt tendance à m'effrayer. Je ne sais pas comment je vais pouvoir tenir le(s) choc(s).Le vent souffle de plus en plus fort, heureusement car il est fait bien chaud, et ça fait du bien d'avoir un peu d'air frais. Par contre de gros nuages commencent à s'amonceler et je repense à certaines prévisions météo qui annonçaient des orages de chaleur l'après-midi : il manquerait plus que ça ! J'espère être redescendue avant. Je progresse en regardant les mètres d'altitude défiler (lentement) sur ma montre. Tant et si bien qu'il faudra qu'un coureur en me doublant m'annonce qu'on est presque arrivés pour que je lève la tête et voie effectivement le col juste au-dessus de nous ! Moi qui croyais qu'il restait encore plus de 300m de déniv, je suis soulagée !
Grand Col Ferret - sommet - 15h17
Sur la fin en pente douce je me rappelle le gentil randonneur suisse qui m'avait encouragée ici l'an dernier. Personne cette année. En haut ça souffle vraiment et après avoir eu bien chaud et bien transpiré dans la montée, il faut vite redescendre pour ne pas se refroidir. Juste le temps de poser pour une photo souvenir, et c'est reparti dans la descente.
Descente en Suisse - La Peule et La Fouly
Mais ça va s'annoncer plus difficile que prévu. Mes jambes sont complètement tétanisées et refusent catégoriquement de passer en mode descente...
Moi qui espérais gagner un max de temps sur cette section en me forçant à la courir, c'est pas gagné... et ça m'énerve.
Moi qui espérais gagner un max de temps sur cette section en me forçant à la courir, c'est pas gagné... et ça m'énerve.
Du coup je finis par me donner un coup de pied au cul, je mets de la bonne musique qui motive, je chante à tue-tête dessus, j'envoye bouler tous les signaux de douleurs, et je pars en courant, et pas doucement en plus. Après un début difficile, je finis par oublier complètement la douleur, je suis passée en mode "maître du monde", je dévale la pente à toute vitesse sous les applaudissements des spectateurs rassemblés devant un premier refuge. Ils doivent me prendre pour une dingue de passer comme ça à toute vitesse en chantant... :-) mais au moins je m'éclate.
Je double un petit train "eh moi aussi j'aimerais bien courir !" m'engueule un coureur frustré, sans doute bloqué dans ce petit train malgré lui, qui n'avait pas osé doubler avant de me voir passer. "Bah vas-y" je lui répond. "ouais je vais te suivre" il dit. "Essaye toujours" je pense en rigolant, je le dis pas mais j'aurais pu, parce que le temps de doubler les 5 autres coureurs du petit train, je disparais en bondissant dans la pente et il ne me suivra jamais... :-)
Bon, ça ne peut pas durer toujours, repousser la douleur a ses limites. Je dois ralentir de temps en temps, sur les faux plats, pour en garder pour quand ça descend vraiment. Je relance quand je peux, en imaginant comment tous ces coureurs que je double doivent me croire en pleine forme, en fait ils n'ont aucune idée d'à quel point j'ai mal ! On traverse un pont sur un ruisseau, les quelques marches sont bien difficiles à redescendre, mes quadris vont me faire payer cher ces quelques kilomètres de bonheur, c'est sûr. J'admire le paysage autour de moi en espérant arriver bientôt en bas de cette descente.
Je pense à la suite du programme, descendre encore plus bas pour remonter sur Champex, et peut-être attaquer Bovine avant la nuit cette année. Mais la descente s'éternise, et évidemment elle est entrecoupée de remontées, et c'est là que ça se gâte. La transition descente-montée me fait tourner la tête, je titube, je crois que je vais tomber dans les pommes, je dois m'arrêter manger un peu et repartir tout doucement, la moindre bosse et mon coeur bat la chamade, c'est une horreur.
On descend de moins en moins maintenant, et je dois me concentrer sur ma respiration pour l'empêcher de s'emballer dans les bosses. Le ravito de la Fouly commence à vraiment se faire attendre, on enchaîne les bosses et la tente n'est toujours pas en vue.
La Fouly - 16h44 - 4mn d'arrêt - où sont les kinés ?
Enfin on arrive en vue de la tente tant attendue. Je veux une seule chose en arrivant péniblement dans la tente : des kinés. On m'envoie "dehors plus loin", du coup je quitte la tente de ravito aussitôt, en emportant juste quelques morceaux d'une sorte de tarte à la confiture de fruits rouges. Je marche (boitille) dans la rue sur plusieurs centaines de mètres avant d'atteindre le poste de secours installé dans une petite salle en dur (un magasin ?), mais il n'y a que des médecins qui s'occupent de blessés et malades, les prochains kinés sont à Champex, dur...
Descente La Fouly - Praz de Fort - prendre son mal en patience
Descente La Fouly - Praz de Fort - prendre son mal en patience
Du coup je dois repartir dans une descente encore longue avec des jambes comme des bouts de bois... Je prends mon temps et marche, frustrée de ne pas être capable de me botter le cul pour courir, en essayant de me convaincre moi-même que si je me force à courir malgré la douleur maintenant, je risque de le payer plus tard. Du coup j'envoie plein de SMS pour appeler du soutien. C'est là qu'Isma m'annonce que Nono a abandonné, zut... (son récit ici). Il va falloir que je m'accroche pour que le TTT ait son finisher.
Mika me dit lui aussi de prendre mon temps et de gérer, mais je lui répond "je serre les dents et je relance", et c'est reparti, j'essaye de me forcer à trottiner, mais ça fait vraiment mal. Non seulement les jambes tétanisées, mais aussi les bras, les abdos, mon corps entier se rebiffe contre ce que je lui demande. Malgré tout je me force encore à courir de temps en temps, pensant encore à mon chrono et espérant passer Bovine plus tôt que l'an dernier peut-être encore de jour, mais ça ne dure jamais bien longtemps d'affilée. La douleur est complétée par une petite voix dans ma tête qui me dit que je ferais mieux de m'économiser si je veux durer jusqu'au bout. Flemme ou voix de la raison ?
Puis je suis rattrapée par Vincent, le chti de Bonatti, qui me lance un "et alors ? tu ne cours plus ?" un brin moqueur (gentiment). Du coup je le suis dans la descente, ça me remotive, et il ne va bientôt même plus assez vite pour moi. Je le double donc et pars devant, sur un super fire trail qui me rappelle celui de Courmayeur.
Mais cette descente est interminable, toute en faux plat à bosses qui monte autant qu'il descend, et je regarde le dénivelé négatif qui ne passe pas... Je discute avec Hubert, multi-participant et finisher, qui me décrit effectivement la suite comme un long faux plat descendant, puis me double en me disant que je devrais m'économiser en descente. Je ne peux même pas le suivre. Dur dur, alors que d'habitude j'adore les descentes, maintenant j'attends avec impatience que celle-ci se termine...
Mika me dit lui aussi de prendre mon temps et de gérer, mais je lui répond "je serre les dents et je relance", et c'est reparti, j'essaye de me forcer à trottiner, mais ça fait vraiment mal. Non seulement les jambes tétanisées, mais aussi les bras, les abdos, mon corps entier se rebiffe contre ce que je lui demande. Malgré tout je me force encore à courir de temps en temps, pensant encore à mon chrono et espérant passer Bovine plus tôt que l'an dernier peut-être encore de jour, mais ça ne dure jamais bien longtemps d'affilée. La douleur est complétée par une petite voix dans ma tête qui me dit que je ferais mieux de m'économiser si je veux durer jusqu'au bout. Flemme ou voix de la raison ?
Puis je suis rattrapée par Vincent, le chti de Bonatti, qui me lance un "et alors ? tu ne cours plus ?" un brin moqueur (gentiment). Du coup je le suis dans la descente, ça me remotive, et il ne va bientôt même plus assez vite pour moi. Je le double donc et pars devant, sur un super fire trail qui me rappelle celui de Courmayeur.
Mais cette descente est interminable, toute en faux plat à bosses qui monte autant qu'il descend, et je regarde le dénivelé négatif qui ne passe pas... Je discute avec Hubert, multi-participant et finisher, qui me décrit effectivement la suite comme un long faux plat descendant, puis me double en me disant que je devrais m'économiser en descente. Je ne peux même pas le suivre. Dur dur, alors que d'habitude j'adore les descentes, maintenant j'attends avec impatience que celle-ci se termine...
Praz de Fort - 18h++
Après 1h20 de descente à un rythme bien trop lent à mon goût, je débouche sur la route. J'y retrouve Thierry un peu plus loin, je lui prend un comprimé de paracétamol en espérant faire passer un peu les douleurs aux jambes, et on repart ensemble. La route ne fait encore que descendre, j'en ai marre, j'ai vraiment mal.
Un breton trottine alors que je marche, mais me dit qu'en "2 coups de jambes je le rattrape", et c'est pas faux, quand je me mets à courir je vais beaucoup plus vite que lui, mais pas longtemps avant que la douleur me rattrape...
On descend bien bas pour ensuite devoir remonter à 1450m d'altitude à Champex, qu'on voit en haut de sa bosse au-dessus de nous, soit 500m de déniv environ.
Montée vers Champex-Lac
J'arrive seule au pied de la montée, sous les applaudissements de quelques spectateurs au bord de la route. La bosse à venir me fait un peu peur mais finalement je suis plus en état de monter que de descendre. Thierry proposait de redescendre à pieds à ma rencontre une fois garé à Champex, mais j'ai décliné, je veux finir seule ce que j'ai commencé. L'accompagnement sur le plat, aux abords des ravitos, c'est cool, ça permet de discuter un peu, mais là je veux passer seule cette dernière difficulté avant la nuit. Je me mets dans un bon rythme régulier, je pousse sur les bâtons, et j'avance. Il n'y a quasi personne autour de moi. Il me faudra une bonne heure pour passer cette bosse, en rêvant des kinés qui m'attendent en haut.
Ravito de Champex - 19h35 - 20h29 - tombée de la nuit
Direction la tente des kinés avec un bol de pâtes. Thierry me propose aussi de goûter à son assiette saucisse-frites, ça change de ce qu'on a pu manger jusqu'ici ! Je ne comprends qu'après que ça ne fait pas partie du ravito mais qu'il l'a achetée, oups, désolée de t'avoir ôté le pain de la bouche... ^^
La kiné me masse consciencieusement les jambes, devant, derrière, puis me demande si j'ai mal ailleurs, je lui parle de mon épaule gauche même si elle va un peu mieux depuis, et elle s'y attaque, ça fait surtout du bien de rester 2 mn de plus sur la table. Pendant ce temps je demande à une bénévole des nouvelles de Toby, mais son nom est trop compliqué, il faudra plusieurs essais pour l'épeler correctement :-) A ma grande surprise il est encore en course (il pensait arriver en 27 heures maximum, et on en est à 26 heures), attendu bientôt à Catogne. On dirait que je ne suis pas la seule en retard sur mon plan.
Je me pose ensuite dans un coin de la tente pour me changer et finir de manger. Dehors la nuit est en train de tomber, je sais qu'il va faire frais, je passe donc un maillot chaud, et un cycliste compressif en bas en espérant que ça maintienne un peu mes pauvres quadriceps endoloris. Je mets aussi bonnet et gants dans une poche latérale facilement accessible.
Je me pose ensuite dans un coin de la tente pour me changer et finir de manger. Dehors la nuit est en train de tomber, je sais qu'il va faire frais, je passe donc un maillot chaud, et un cycliste compressif en bas en espérant que ça maintienne un peu mes pauvres quadriceps endoloris. Je mets aussi bonnet et gants dans une poche latérale facilement accessible.
Départ de Champex-Lac
Thierry fait quelques centaines de mètres avec moi le long du lac, puis fait demi-tour et le coureur qui nous suivait lui demande en parlant de moi : "il a quel âge votre fils ?!" Thierry me raconte l'anecdote plus tard dans un SMS qui me fait bien rigoler :-D En même temps Julien me téléphone pour m'encourager, il y croit presque plus que moi, me parie un resto que j'améliore mon temps de l'an dernier, me voit déjà dans le top 10... Aucune chance. Je coupe court pour me reconcentrer sur la course, on est encore loin d'en avoir fini. C'est le moment où ça commence à sentir bon la fin, mais pas vraiment, il nous reste la bagatelle d'un marathon.
D'ailleurs c'était bien la peine que je prenne un parcours plastifié avec moi, je ne l'ai même pas regardé, et pour changer je n'ai aucune idée de la distance qui nous attend (une très bonne idée du dénivelé par contre), une dizaine de km peut-être, alors quand j'entends les coureurs autour annoncer 17km, ça me refroidit un peu.
Je suis rejointe par Séverine et son mari, rencontrés sur notre super parking à l'atterrissage des parapentes, vendredi matin alors qu'ils arrivaient tout juste pour aller prendre leur dossard, c'est lui qui me reconnaît et on discute un peu, ils y vont tranquille car Séverine ne peut plus aller vite. De mon côté je me rends compte que tout va bien et je relance en courant dans cette petite descente dans laquelle je me rappelle très bien être restée bloquée en mode marche l'an dernier. C'est super ! La longue pause à Champex aura été utile.
D'ailleurs c'était bien la peine que je prenne un parcours plastifié avec moi, je ne l'ai même pas regardé, et pour changer je n'ai aucune idée de la distance qui nous attend (une très bonne idée du dénivelé par contre), une dizaine de km peut-être, alors quand j'entends les coureurs autour annoncer 17km, ça me refroidit un peu.
Je suis rejointe par Séverine et son mari, rencontrés sur notre super parking à l'atterrissage des parapentes, vendredi matin alors qu'ils arrivaient tout juste pour aller prendre leur dossard, c'est lui qui me reconnaît et on discute un peu, ils y vont tranquille car Séverine ne peut plus aller vite. De mon côté je me rends compte que tout va bien et je relance en courant dans cette petite descente dans laquelle je me rappelle très bien être restée bloquée en mode marche l'an dernier. C'est super ! La longue pause à Champex aura été utile.
Montée de Bovine
Pour pas changer, je l'attaque de nuit. Des personnes ont installé un petit ravito en eau avant la montée, devant leur maison, une petite fille court avec une bouteille entre une fontaine et les gobelets posés sur la table, pour les remplir à mesure que les coureurs les vident en passant. Un bon verre d'eau fraîche qui fait du bien, justement je venais de me rappeler que je n'avais pas rempli mon camel et me demandais si j'en aurai assez pour finir.
Et on attaque le fameux chemin de Bovine, avec des passages d'une raideur absolue, entrecoupés de traversées de torrent à gué mais pas vraiment, le choix entre les pieds dans l'eau ou essayer de traverser au sec sur des pierres plus ou moins émergées et surtout plus ou moins (in)stables. Grâce à l'aide des bâtons je traverse tout au sec, je n'ai plus vraiment envie de me mouiller. Bon, je fais toute la montée en locomotive, c'est rassurant, j'avance encore suffisamment pour que les gars derrière refusent ma proposition de me doubler. Notre petit train se fait doubler de temps en temps mais je traîne quand même pas mal de mecs derrière moi. Mon téléphone bippe régulièrement pour m'annoncer des messages. Je n'ai pas toujours le temps ou l'envie de les lire immédiatement, pour ne pas interrompre mon effort, mais le simple bruit de la sonnerie me rappelle qu'on pense à moi et me rebooste.
Arrivée en haut grosse déception : il n'y a pas de vaches !! Moi qui attendais avec impatience le son de leurs cloches, j'avais même cru l'entendre un peu plus tôt, mais non, nous sommes tous seuls entre humains dans l'obscurité, zut...Et on attaque le fameux chemin de Bovine, avec des passages d'une raideur absolue, entrecoupés de traversées de torrent à gué mais pas vraiment, le choix entre les pieds dans l'eau ou essayer de traverser au sec sur des pierres plus ou moins émergées et surtout plus ou moins (in)stables. Grâce à l'aide des bâtons je traverse tout au sec, je n'ai plus vraiment envie de me mouiller. Bon, je fais toute la montée en locomotive, c'est rassurant, j'avance encore suffisamment pour que les gars derrière refusent ma proposition de me doubler. Notre petit train se fait doubler de temps en temps mais je traîne quand même pas mal de mecs derrière moi. Mon téléphone bippe régulièrement pour m'annoncer des messages. Je n'ai pas toujours le temps ou l'envie de les lire immédiatement, pour ne pas interrompre mon effort, mais le simple bruit de la sonnerie me rappelle qu'on pense à moi et me rebooste.
Poste de contrôle de Bovine - 23h17
On redescend un peu de l'autre côté et enfin on y arrive, la tente illuminée du poste de contrôle ! On a mis près de 3 heures depuis Champex ! A peine scannée mon téléphone sonne pour un message de Mikachu, mon plus fidèle supporter qui me félicite pour ce nouveau checkpoint depuis son exil parisien.
Etant (pour changer) un peu en hypoglycémie (ça fait quoi, la 6 ou 7e fois déjà ? pas grave, ça passera comme les autres), je m'arrête 2mn sur le banc pour manger une barre. Ca va vite mieux, je me sens bien et je prévois 45mn pour les 4km de descente. Thierry en se basant sur Live Trail m'attendait à 00h30-1h, et m'avait demandé de le prévenir si j'arrivais avant, je lui envoie donc un SMS pour lui annoncer mon arrivée à Trient à minuit.
Je repars d'abord derrière quelques gars puis je les double vite, je reconnais mon rocher picnic et pars toute seule devant dans le noir et le brouillard... d'ailleurs je me plante, perds le chemin et pars droit dans le décor, mais je me rends vite compte de mon erreur. Je me sens un peu con de les avoir doublés pour aller me planter juste après, mais on n'y voit vraiment pas grand chose, la lumière de la frontale se réfléchit sur les particules de brouillard, j'oriente les faisceaux beaucoup plus loin devant pour ne pas être éblouie par la réflexion de ma propre lampe...
Je mets un peu plus de temps qu'à la reco pour la première partie de la descente jusqu'au col de la Forclaz. On traverse la route, puis on longe la Bisse (un petit canal) par un large chemin plat et j'en profite pour échanger quelque SMS. Malgré l'heure tardive je reçois encore des messages ! Isma et Julien m'annoncent mon classement, 25e femme (senior en fait), du coup quand j'entends des filles devant moi, dans un groupe d'espagnols, je suis toute contente de les doubler :-) On traverse un pont métallique posé pour nous au-dessus de la route, 2 voitures passent en nous klaxonnant, c'est génial. Je repars toute seule, je m'amuse bien dans cette fin de descente, ravie d'avoir autant d'amis qui pensent à moi même en pleine nuit.
Trient - arrivée 00h17 - départ 00h32
Quand on débouche finalement sur la piste en bas, on part à droite et on arrive peu après dans le village de Trient, il faut remonter vers l'église et la longer vers la gauche pour trouver le ravito. J'ai prévu d'y mettre de la Nok sur mes pieds qui commencent à chauffer (Bovine est plein de traversées de torrent pas vraiment à gué où il est difficile de garder les pieds secs), de prendre des gourdes de caféine, de recharger un peu ma montre, et surtout de siester 10mn pendant un petit massage pour ne pas répéter le coup de barre monumental de l'an dernier dans Catogne.
Il est minuit 15, j'ai finalement mis une petite heure pour descendre. Je m'arrête d'abord aux toilettes installés dehors. Puis manque de bol une fois au ravito impossible de trouver Thierry, qui ne s'est pas réveillé... Je me pose toute seule à une table pour manger un peu de soupe chaude, puis je préfère ne pas trop traîner, si je n'utilise pas ce temps pour dormir ou faire quelque chose d'utile, ça me paraît du temps perdu. Je repars donc vers 00h30 un peu frustrée d'avoir encore raté mon assistance. Dans les rues de ce charmant petit village suisse, malgré l'heure tardive des gens nous applaudissent. Je repense à ce monsieur suisse croisé lors de la reco qui nous avait dit comme une évidence, avec son bel accent, en nous voyant regarder la carte : "quand on est en bas, il faut remonter", oui il n'y a que ça à faire.
Catogne la maudite - montée
J'attaque Catogne avec détermination. Le début de la montée est facile, 10mn de piste pas trop raide, j'y double encore 2 filles (mode compétitrice ON ^^). En arrivant à l'entrée du chemin raide, je descend une gourde de caféine, clipse mes bâtons (dont le mécanisme est miraculeusement comme neuf... mon assistant les aurait-il nettoyés? aurais-je fait un échange involontaire avec les mêmes bâtons d'un autre concurrent plus soigneux?) et j'attaque. Je sais qu'il faut juste serrer les dents et je verrai le haut dans une grosse heure.
Encore une fois je fais loco, mais personne ne parle, tout le monde serre les dents. Peu de monde me double comparé à l'an dernier, j'ai l'impression que malgré le sommeil qui s'empare de moi je gère plutôt pas mal. Mais je m'endors de plus en plus et après avoir longtemps repoussé, je suis obligée de prendre ma 2e et dernière gourde de caféine que je gardais pour la Tête aux Vents. Alors que je ralentis pour la boire, tout le monde me double et je me retrouve toute seule. Dommage, un peu de discussion aurait peut-être pu me tenir éveillée ? En tous cas la caféine ne suffit pas. Tant pis, il faudra que je fasse une sieste en haut !
J'enverrais bien des messages mais j'ai besoin de mes bras pour pousser sur les bâtons, et je ne veux pas interrompre ma concentration sur la montée. En plus il se fait un peu tard pour les messages. Je finis quand même par en envoyer quelques-uns, et on me répond aussitôt. Mika me conseille exactement ça, siester quelque part. Olivier me demande si j'ai vu beaucoup de dinosaures. Et Isma m'annonce que je "ne suis pas seule", et c'est un bonheur de se sentir autant soutenue par tout le monde, merci à tous ! Grâce à tous ces messages je garde bon moral et j'avance bien malgré le sommeil.
Catogne sommet - 2h21
Et enfin je reconnais les chalets des Tseppes, et en plus ici il y a bien des vaches !! Leur cloches résonnent dans la nuit, c'est trop joli.
Il faut encore passer de l'autre côté pour atteindre ceux de Catogne, j'attends le poste de contrôle avec impatience pour y dormir. Il m'aura finalement fallu 1h50 (contre 1h20 à la reco) pour atteindre ces chalets. Quand enfin la tente est en vue j'accélère pour la rejoindre, mais pas de banc pour se poser, alors je me couche par terre près du feu et essaye de dormir, en demandant à l'infirmier de me réveiller dans 10-15mn. Il fait frais, je me rapproche très près du feu, il y fait super bon, mais mon cerveau tourne à l'accéléré, impossible de m'endormir vraiment, je comate 10mn et finis par me lever, pas sûre d'être beaucoup plus reposée...
Catogne descente
Rejointe un peu plus tard par un autre Vincent, je lui propose de repartir ensemble pour se tenir éveillés. En plus sa frontale le lâche. On est vite suivis par tout un paquet de coureurs. On en repêche aussi un arrêté au bord du chemin dans le noir, les 2 frontales en rade... on continue tous ensemble. Je leur décris ce dont je me rappelle de la suite depuis notre reco : le téléphérique, quelques gros blocs, puis un sentier correct. Sauf que le téléphérique, éclairé, est bien visible en dessous de nous mais on s'en éloigne de plus en plus. Puis on longe une paroi rocheuse, on doit se baisser pour passer sous une conduite métallique, et je commence à me dire qu'on n'est pas sur le même chemin. On a reconnu la mauvaise descente ! c'est malin ça... enfin au moins ça explique pourquoi elle ne me rappelait rien...
Après les illusions classiques la nuit, surtout avec ce brouillard qui complique la vision, les nombreux kangourous faits de branches, de rochers, d'arbres ou de feuilles, la racine en forme de 7, maintenant j'ai carrément des hallucinations, je vois des objets apparaître au milieu du chemin. Ce sont d'abord deux petits paniers, qui n'ont rien à faire là, mais alors rien du tout, je veux les dégager du pied mais je passe à travers... Puis des cailloux, blancs, en tout point similaires à ceux qui jonchent le sentier, sauf que ceux là quand j'essaye de shooter dedans ils disparaissent, pfiut, plus rien... C'est très perturbant, j'étais pourtant sûre qu'ils étaient là !
Plus tard je commence à avoir faim, quand je vois une table de picnic et des chaises sur le bord du chemin un peu plus loin. Evidemment le temps d'arriver à leur hauteur, en guise de table et de chaises et n'y a qu'un gros rocher mouillé, et je passe mon chemin...
C'est de pire en pire, je commence à ne plus savoir ce qui est réel et ce qui ne l'est pas. On passe un coureur endormi au bord du chemin, vêtu de rouge et bleu à la superman, je me dis que c'est peut-être dangereux de le laisser dormir là, mais est-il vraiment là ? personne d'autre ne réagit et on a déjà passé notre chemin. Puis on se fait doubler par un(e) coureur bondissant comme un cabri, son sac caché sous son kway rouge, il sautille de rocher en rocher et disparait dans l'obscurité aussi vite qu'il en était sorti. Je suis jalouse, normalement c'est comme ça que je devrais descendre cette pente, c'est moi qui devrais tous les doubler avec facilité. Frustrée de ne pouvoir le suivre, j'essaye de me persuader que lui aussi je l'ai rêvé, ce n'était qu'une hallucination de plus.
Bon je commence à en avoir vraiment marre de cette descente. On avance au ralenti, notre altitude ne descend pas du tout assez vite, chaque pas est une galère sans nom, ça m'énerve !!! mauvais état d'esprit, mais pourquoi faut-il que les organisateurs nous fassent descendre par un chemin aussi pourri alors qu'il y en a un autre tout à fait correct à côté ?! non, franchement, je refuse de refaire l'UTMB un jour, juste pour cette descente ! J'ai envie de pleurer ou de hurler presque autant que de dormir, j'en ai marre marre marre. Qu'est-ce que je viens faire là sérieux ?!
Vallorcine - 4h14 - départ 4h56
Enfin (enfin) on débouche sur cette pente herbeuse où Mika m'attendait l'an dernier. La signaleuse donne les mêmes consignes que l'an dernier à un coureur devant moi "non à gauche", je suis un poil plus lucide et je comprends toute seule comment passer la barrière et me retrouver sur la route où Thierry m'a rejointe. On rallie ensemble le ravito et je me dirige aussi sec vers le poste de secours à nouveau installé dans la gare, où je demande un massage pendant que je dors 15mn.
En fait entre le coureur japonais qui ronfle à ma droite, les essais désespérés d'un infirmier pour communiquer en espagnol et en baragouin d'anglais avec un italien à ma gauche, et les conversations bruyantes des autres secouristes pas du tout attentifs à notre sommeil, je n'arriverai une fois de plus pas à trouver le sommeil. Je me lève donc pas plus reposée mais poussée par l'heure qui avance : je veux partir avant 5h00 pour voir le lever de soleil (à 6h47) en haut de la Tête aux Vents comme l'an dernier. Je descend un gobelet de café sur-sucré, enfile mon kway et repars avec Thierry.
Col des Montets
Thierry m'accompagne sur le sentier pas raide dans l'herbe qui longe la route jusqu'au col des Montets. On part tranquillement, et je me dis déjà que je vais être en retard pour mon lever de soleil, je ne sais plus trop à quelle distance on est encore du col, avant d'attaquer la montée. En tous cas ça fait du bien de discuter un peu, ça réveille. Au col un bénévole remarque que j'ai "une bonne frontale", je m'excuse en comprenant que je viens de l'éblouir violemment de mon double faisceau...
J'attaque le petit sentier sur lequel je me suis fait mon entorse il y a 15 jours, et salue le caillou auquel je dois ça. J'y suis rejointe par cet autre coureur avec qui j'avais descendu Catogne qui avait disparu devant dès que ma lampe ne lui était plus utile. Là il arrive derrière moi en me disant combien il est content de ne pas monter tout seul. ça tombe mal, parce que moi j'ai très envie de monter toute seule, dans ma bulle. J'en ai un peu marre de jouer la loco pour des gars qui ne disent même pas un mot. Du coup j'accélère, je puise des ressources dans ma colère, et je le dépose lui et tous les autres. Au bout de quelques lacets je commence à avoir vraiment trop chaud, je m'arrête pour enlever mon maillot chaud et le ranger dans mon sac, et remets juste le kway sur mon T-shirt. Tout le monde me double pendant ce temps et je me retrouve de nouveau seule mais derrière. Du coup je n'ose pas aller trop vite pour ne pas les rattraper, j'ai vraiment besoin d'un peu de tranquillité. En même temps mon regain d'énergie est passé comme il était venu, je n'ai plus de jus, et je dois déjà me battre pour ne pas me faire rattraper par ceux qui arrivent derrière, alors j'aurais du mal à les rattraper même si je le voulais.
Lever de soleil sur les Aiguilles Rouges - dimanche 6h47
J'arrive bientôt sur le plateau, il fait déjà clair mais on est dans le brouillard total, je sens que le "plus beau lever de soleil du monde" que j'ai promis à tout le monde (et surtout à moi) n'aura pas lieu cette année... Encore passablement énervée, et plus très lucide, je suis persuadée que c'est moi qui ai fait venir ce brouillard juste pour avoir une raison de plus de râler, et je me dis "c'est bon, on a compris, tu peux l'enlever maintenant". A l'heure du lever de soleil, le brouillard s'ouvre un peu pour laisser la place aux nuages qui jouent à saute-mouton avec les montagnes en face. Le spectacle est quand même grandiose, même si on ne voit pas le soleil.
Complètement claquée je me pose sur un caillou et regarde passer le temps et les coureurs, en me disant qu'au point où j'en suis (super en retard sur mon plan de toutes façons) je ne suis plus à 1 ou 2 heures près, je pourrais très bien rester là toute la journée et descendre cet après-midi avec les derniers... Je ne sais pas combien il se passe de minutes, un peu déçue que personne ne me dise le moindre mot en passant. Puis finalement un coureur passe avec un grand sourire et un mot d'encouragement dans ma direction, et je me botte le cul pour repartir.
Je ne vois plus que les points négatifs, tout m'énerve, le parcours qui n'en finit pas, les coureurs qui passent sans un mot. On traverse une réserve naturelle, celle des Aiguilles Rouges, un site protégé et de toute beauté, et je suis sidérée de voir le nombre de déchets jetés par les coureurs qui m'ont précédée.
Il reste encore un peu de montée pour arriver vraiment sur le plateau, puis une traversée en faux plat montant vers la Tête aux Vents. Au moins l'avantage d'être en retard c'est de voir cette section de jour. L'an dernier j'y avais trouvé une ambiance particulière et ludique, de chercher mon chemin dans le noir de gros bloc en gros bloc, en suivant les cairns. Cette année il fait bien jour et je pourrais profiter plus du paysage, mais j'en suis complètement incapable. J'ai l'impression de tourner vraiment au ralenti, je n'ai plus d'énergie, plus de sucre, plus de motivation, plus rien... Arrivée sur le plateau, incapable de me mettre à courir, incapable de profiter du moment, je me mets à pleurer. Deux signaleurs sont installés un peu au-dessus du chemin dans une tente, l'un d'eux me demande si ça va et m'invite à venir boire ou manger quelque chose.
La Tête aux Vents - 7h57
L'avantage de passer plus tard, de jour, c'est de voir des choses que j'avais ratées l'an dernier. On passe devant des petits chalets. Puis un gros bloc de pierre en forme de tête, ou de Bonhomme de Bourail, trône au milieu d'un chaos rocheux, trop cool, ça me donnerait envie de grimper dessus, si j'en avais la force. Là en l'occurrence je n'ai même pas l'énergie de faire une photo. Je concentre tout ce qu'il me reste de ressources vers un seul objectif : avancer et rejoindre Chamonix. Je n'ai même plus l'envie de lire mes SMS, je n'ai plus touché à mon téléphone depuis un moment.
Pas la force non plus de m'habiller plus chaudement, j'ai froid dans le petit matin humide. Il fait vraiment froid maintenant avec le petit jour et la fatigue, et en plus on dirait qu'il va pleuvoir, l'air est humide... J'enfile mes gants mais j'ai vraiment la flemme de m'arrêter sortir mon maillot chaud et le remettre sous mon kway.
Traversée en balcon
Tant que le sentier est plat j'arrive à avancer relativement correctement, mais on arrive au pied d'une enieme bosse bien raide, et je craque, je m'effondre contre un rocher sur le bord, totalement épuisée. Un ou deux coureurs me passent sans un mot, un 3e s'arrête, me demande si ça va, si je suis en hypo, oui, et me file un gel à la caféine en me disant que lui ça l'a bien réveillé. Puis il repart en disant qu'on verra bien si ça marche, si je le double. En fait je ne le reverrai plus, mais merci encore ! Je repars tout doucement en essayant de sucer le gel, ça fait un peu de bien, ce n'est pas magique, à ce stade-là il n'y a plus grand chose à faire à part s'arrêter et dormir, mais ça fait du bien.
J'entend un gars au téléphone avec ses proches leur annoncer qu'un signaleur lui a prédit 1h pour traverser vers la Flégère, et 1h30 pour descendre vers Chamonix ensuite. Pour 2 sections qui font respectivement 3 et 8 km. Je me dis qu'il n'y a pas moyen que j'y passe autant de temps ! Je me dis aussi que j'arrête définitivement l'UTMB, l'ultra-trail, voire le trail. Oui, j'étais pas vraiment bien... :-)
Montée vers la Flégère
Au terme d'une traversée dans laquelle j'aurai finalement peu réussi à trottiner, on arrive en vue du refuge / restau / téléphérique de la Flégère. Il est perché en hauteur en face de nous, le chemin descend avant de mieux y remonter. Mais je me persuade que le ravito sera en-dessous, qu'ils ne peuvent pas nous faire le coup de nous faire remonter encore plus haut maintenant. Aussi quand notre sentier débouche sur la large piste, je prend instinctivement vers la gauche et vers le bas. C'était sans compter sur un passant qui descendait justement du refuge, arrive à ma hauteur et me rappelle "c'est par là" en me désignant la piste qui monte. Je lui jette un long regard, rempli de désespoir (et quelques larmes aussi), totalement désabusé, puis je pars dans la montée sans un mot.
Bon, elle n'est pas si terrible cette montée, c'est juste que je n'en peux plus, je suis encore en train de pleurer, j'en ai marre, il faut vraiment que ça se termine. J'avance les yeux rivés dans le vague, ou vers l'horizon, je passe un photographe, ah non c'était un cameraman, il court pour se replacer devant moi, juste devant moi, et commence à me poser des questions à la con, genre à quoi je pense, et me dit que c'est la dernière montée, je fais de l'humour, je lui dis que je suis sûre qu'ils nous en gardent encore une petite en réserve, et quand finalement il me laisse continuer ça m'a réveillée. Après tout j'ai peu eu l'occasion de parler depuis un moment.
La Flégère - 8h54
Dans la tente qui sert de ravito, je n'ai pas vraiment faim. Il me faudrait de l'énergie mais je ne sais pas sous quelle forme elle pourrait passer. Finalement je me dirige vers les gobelets de thé, ajoute 2 sucres dans un thé déjà sucré, l'avale, m'en refait un 2e avec 3 sucres lui aussi, ça réchauffe au moins. Je suis sûre qu'après ça je ne voudrai plus rien manger pendant des jours, tellement j'en ai marre d'enchaîner les barres énergétiques.
Descente de la Flégère
A peine sortie du ravito on commence par une descente raide à travers l'herbe, ils ont modifié légèrement le parcours pour nous éviter de remonter après le ravito j'ai l'impression. J'échange 3 mots avec 2 autres coureurs et je pars à fond dans la descente ! Je manque me casser la gueule, c'est plus raide et glissant que ça en avait l'air, et mes jambes ne sont plus toutes fraîches. Arrivée en bas du raidillon ça m'a complètement cassée, impossible que je tienne ça jusqu'en bas... Je me revois voler sur cette piste l'an dernier, mais cette fois j'y vais doucement et je souffre de sa raideur... Enfin on débouche sur le sentier forestier couvert de racines. Je lance la musique sur mon téléphone, ma playlist spéciale "fin de l'UTMB", et j'essaye de trottiner, par toutes petites sections. Je me fais doubler, ce qui n'arrange rien à mon humeur. J'ai beau essayer, je n'arrive pas à courir vraiment, à me lâcher, j'ai beaucoup beaucoup trop mal aux jambes, c'est une horreur. Et je m'en veux de ne pas y arriver, tout est dans la tête, non ? il suffit de se forcer un peu ? mais pas moyen... Je me dis qu'à ce rythme il va me falloir une éternité pour arriver en bas...
On traverse la Floria et son jardin fleuri, sous les encouragements, pas mal de randonneurs sur ce chemin. On me félicite, on m'applaudit, mais je me dis que ce n'est pas mérité, je ne cours même pas, je me traîne comme un escargot boiteux, il n'y a vraiment pas de quoi être fier. J'aimerais retourner dans la montagne et la nuit, retrouver la solitude et la tranquillité. Un gars en nous croisant nous annonce qu'il y a plein de monde à Chamonix "pour la fin". Puis Jean-François me double en me demandant ce que je fais à marcher, alors qu'il m'a "vue courir" et bien, il me remotive, je trottine un peu, réussis même à accélérer.
Puis c'est mon releveur droit qui m'arrête net ! Il tire et ça me rappelle la sale déchirure aux 24 heures de Grenoble il y a quelques années, et je ne veux surtout pas refaire la même (un ça fait super mal, et deux j'avais eu droit à 6 semaines d'arrêt), ça m'angoisse un peu. Heureusement je me rends compte qu'en courant sur l'avant-pied plutôt que le talon la douleur disparaît (au profit de douleurs musculaires ailleurs). Ou en marchant... Je passe aussi systématiquement les pieds dans l'eau froide des torrents, ça atténue les douleurs et les échauffements, je commence à avoir 1 ou 2 ampoules à un pied.
Un peu plus bas sur la piste c'est Thierry qui arrive à ma rencontre, je lui avais dit que je voulais finir seule, je le renvoie à Chamonix, il repart et 30 secondes après j'ai l'impression d'avoir rêvé cette rencontre, tellement ça s'est passé vite, un peu honteuse de l'avoir rembarré comme ça. Mais je ne suis plus en état d'avoir la moindre interaction sociale, et de toutes façons j'ai cette manie de vouloir m'enfermer dans ma bulle pour finir seule ce que je commence. On ne tarde plus à déboucher sur la route à l'arrière de Chamonix. Je suis en avance sur les prédictions live trail encore une fois, et du coup je rate Stef arrivé quelques minutes plus tard au niveau du pont pour me voir passer.
Arrivée à Chamonix - 10h09
On arrive dans des petites rues désertes et j'ai l'impression de tourner en rond avant de reconnaître le pont sur l'Arveyron, la salle des dossards, le chemin au bord de l'eau, un autre pont, encore des tours et des détours dans les rues piétonnes, des spectateurs nous applaudissent partout. Un gars monté à rebrousse-course nous avait annoncé qu'il y avait "plein de monde à Chamonix pour la fin", mais je trouve qu'il n'y en a pas plus que l'an dernier à 8h du mat', et en tous cas bien moins que pour les stars qui ont fini hier en plein après-midi.
J'accélère de plus en plus, je me fais quand même doubler par un puis 2 gars qui finissent en sprint. Oubliées mes douleurs aux releveurs, sur le plat je peux retrouver ma foulée avant-pied et ça fait du bien. Je croise Sylvain du TTT qui m'attend à une barrière dans un virage, je ralentis le temps d'un high five, lui a fini la CCC hier, super !
Puis d'un coup au détour d'un virage là voilà, l'arche d'arrivée, les barrières des 2 côtés qui retiennent les spectateurs, j'ai de nouveau envie de pleurer, décidément j'arrête pas,
ça y est j'ai franchi la ligne, impossible d'aller plus loin, l'aire d'arrivée est pleine de monde. Je me retourne pour un high five à Jean-François qui arrive juste après moi et qui m'a bien poussée dans la descente.
Je ne suis pas très lucide, j'ai juste envie de m'écrouler quelque part. Je retrouve Thierry, on fait quelques photos pour immortaliser l'instant, même si sur le coup j'ai du mal à profiter, j'ai trop fini dans la souffrance pour apprécier.
On va s'assoir un peu plus loin mais j'ai vite froid, direction douches, kinés, podologes, repas d'après-course, sieste tout l'aprem, retour à Grenoble avec Stef en dormant, juste le temps de ranger mes affaires et de dîner et je dors.
Et voilà, je suis finisher de l'UTMB, pour la 2e fois sur le vrai parcours, et la 3e fois si on compte le tour de la vallée de la Balme en 2012. Le Taillefer Trail Team a donc son premier finisher, les autres suivront bientôt !
J'en termine finalement en 40h37, 746e au scratch (soit la 1e moitié des 1578 finishers, et le 1e tiers des 2413 partants), 22e dans ma catégorie, 43e sur les quelques 200 filles qui ont pris le départ. La trace GPS est ici. Au final malgré ma promesse de ne jamais y revenir, on dirait que si je veux faire le bon chrono dont je rêvais il va quand même falloir que j'y revienne.
Quelques bons points : j'ai fait des progrès flagrants en montée, et eu zéro problèmes digestifs. Un bon combo qui aurait dû me permettre de gagner pas mal de temps.
Mais aussi quelques mauvais points : problèmes musculaires plutôt rares pour moi, jamais eu les jambes aussi raides (manque de sels minéraux ? chaussures pas adaptées ? transpiration sous le kway au début ? patinage dans la gadoue ? manque de sorties longues à l'entraînement ? trop forcé au début, partie trop vite ? protection inconsciente de ma cheville faible ? pas assez couru les 2 semaines avant la course ?), et surtout gros décrochage mental sur la fin, sommeil + retard sur le plan + colère = grosse frustration. Il m'a fallu une bonne nuit de sommeil pour digérer mon "échec" relatif et me rendre compte que c'était déjà pas si mal de finir. Spéciale dédicace à tous ceux qui n'ont justement pas pu finir leur course en cette fin d'été : Mika et Bernie à l'UT4M, Olivier à la CCC, Stef et Nono à l'UTMB.
Maintenant place à la récup avant la prochaine course dans un mois : les 24 heures de Grenoble, un autre type de défi.
En tous cas pour conclure merci infiniment à vous tous, amis et famille, pour tous vos messages et votre soutien !! (et pour avoir lu ce roman jusqu'au bout ^^)