Dimanche 5 juin, un des premiers dossards de la saison sur un trail local, grâce au covoiturage avec Daniel. Direction Voiron où je retrouve Olivier, notre ambassadeur Ut4M local.
Départ au pied du château, on part pour faire la course ensemble à mon rythme de tortue.
La première section passe vite et bien, une dizaine de kilomètres vallonnés, avec de jolis passages en crêtes de collines, et déjà des descentes casse-gueule toboggan dans l'herbe mouillée (3 glissades coup sur coup, le coureur qui me suit finit par me ramasser et me dire de ralentir), jusqu'au premier ravito.
De là on attaque la montée vers les cascades du voile de la mariée.
Traversée de torrent sécurisée, puis montée droit dans la pente, avec douche gratuite, ça rafraîchit !
Olivier qui est bien plus rapide m'attend au-dessus en faisant des photos.
C'est ensuite que ça se complique. On arrive sur une large piste forestière qui a visiblement servi récemment pour le débardage. Avec les récents orages et pluies diluviennes, c'est le paradis de la gadoue, mais bon, en faux plat montant, ça passe. On croise un coureur passablement énervé qui a fait demi-tour, râlant et maugréant quelque chose comme "c'est pas du trail ça, j'ai autre chose à faire", nous menaçant d'un "vous allez comprendre". Effectivement on n'a pas tardé à comprendre. C'est de plus en plus gadouilleux, de la glaise bien collante, glissante, qui essaye de succionner nos pieds à chaque pas, de plus en plus profondément, et au bout d'un moment c'est même tellement profond que je n'arrive plus à en ressortir mon pied. Forcément, à essayer de me dégager, j'y enfonce le 2e qui reste coincé aussi, puis c'est au tour d'Olivier et un autre gars d'essayer de me tirer pour me sortir de là, en vain. En désespoir de cause, je finis par m'assoir dedans et aller creuser la gadoue à pleines mains autour de mes pieds pour les dégager. Heureusement que j'avais bien accroché mes chaussures !
Après 10 bonnes minutes d'embourbage, victoire, je suis dégagée, mais pas contente du tout. Et il reste 40 km... Il faut bien continuer pour espérer ressortir de ce bourbier par l'autre côté, on essaye le fossé sur le côté, tout est défoncé, c'est une horreur. Et quand on sort enfin de la piste forestière, c'est pour un single (boueux lui aussi) qui monte dans la forêt. Pas d'eau pour me rincer, autant dire que je monte avec des jambes lestées de 2 kgs de boue chacune, pneus lisse en prime, et les mains encore dégueus aussi, je ne rêve que d'une douche, ou ne serait-ce qu'une flaque d'eau, mais rien en vue. Olivier monte devant comme un chamois, et m'attend de temps en temps, m'annonçant à chaque fois qu'on est presque arrivés à la clairière, mais je n'en vois pas le bout.
Puis enfin, on débouche dans l'alpage, un petit refuge, une bénévole qui avait apparemment entendu parler de moi à l'avance et qui m'accueille d'un "venez, on va s'occuper de vous", et m'offre une bouteille d'eau salvatrice pour essayer de me laver au moins les mains. Puis on continue, et il faut redescendre ce qu'on a monté. Bonne nouvelle ? Même pas. Les dizaines de coureurs passés avant nous sur les pentes gadouilleuses les ont transformées en toboggan ciré huilé, une piste de danse sur glace sans les patins. J'avance, je tombe, j'avance plus doucement, je re-tombe, j'avance encore plus doucement, je re-re-tombe, j'avance plus, sauf qu'Olivier avance lui, il va bien falloir le rattraper... Un autre trailer me double en lançant un "on sait pas si on préfère monter ou descendre". Je lui répond que je préférerais être dans mon lit. C'est rare, d'habitude j'arrive toujours à me dire qu'on est quand même tellement veinards d'être là dehors en montagne dans les beaux paysages plutôt qu'enfermés sur un canapé, mais là bof. A la 3 ou 4e fois que je tombe je finis par me faire mal : chute sur les fesses, caillou 1 - Carole 0. 1 mois après j'ai encore mal au coccyx... Olivier vérifie que tout va bien, oui oui mais je commence à parler d'en finir avant la fin. Le parcours prévoit des "portes horaires" un peu comme aux Aravis (mais pas exactement comme je découvrirai plus tard) : des raccourcis pour les coureurs qui rateraient les barrières horaires, permettant de finir la boucle quand même.
Un peu plus bas on arrive enfin au premier croisement offrant cette option. On a encore un peu d'avance sur la barrière horaire, mais plus beaucoup, et ça pourrait ne pas durer à mon rythme d'escargot boueux. Olivier a déjà discuté avec le bénévole en m'attendant. Maintenant que le choix devient concret, j'hésite à renoncer, mais je me vois mal faire 55 bornes dans cet état, et je retarde trop Olivier. Je le laisse donc partir tout droit sur la Cheminée du Lorzier, et je coupe sur la gauche pour rejoindre directement la cabane au pied de la Grande Sure. Dans la montée qui suit, je crois Catherine et Bruno de l'Ut4M venus faire l'assistance de Nico Moyroud. Ils me reconnaissent, s'arrêtent quelques minutes pour discuter, m'offrent un mini-sandwich et quelques carreaux de chocolat qui font du bien, d'autant qu'avec mon raccourci je skippe un sommet mais aussi le ravito...
Assez vite je débouche sur la file de coureurs, informe la bénévole au croisement que j'ai coupé, et attaque la montée de la Grande Sure. J'y retrouve quelques duos qui m'avaient déjà doublée et s'étonnent de me retrouver là. Le soleil fait quelques timides apparitions entre les nuages, laissant entrevoir des bouts de montagne, on serait presque bien là !
Je monte mieux, j'ai un peu récupéré de ma mésaventure de tout à l'heure, et le sentier est enfin rocailleux, bye bye la gadoue, je retrouve mes appuis, ouf ! Pas fâchée d'arriver au sommet de la Grande Sure, et de repartir dans la descente.
Sur les lieux d'un entraînement TTT du printemps dernier, descente dans les alpages.
Puis je retrouve le parcours de mon premier Grand Duc en 2012, la fameuse descente du Cul de Lampe, déjà raide et dangereuse en soi, mais alors aujourd'hui, ça va promettre. D'ailleurs un peu plus bas j'entend des échanges entre une bénévole, postée sur le chemin, et quelqu'un qui lui répond depuis le fossé en contrebas. Je comprendrai plus tard qu'il s'agissait d'un coureur qui venait de faire une chute d'une dizaine de mètres...
De mon côté j'avance pas mal, je termine le sentier en single dans les bois, traversées de cascades, j'y plonge joyeusement les pieds pour me délester d'un peu de gadoue à chaque fois.
Puis je débouche sur la piste et commence à bien accélérer, jusqu'à tomber sur Anthony monté là en VTT pour nous voir passer. J'en profite pour faire un détour et carrément enlever et rincer mes chaussures l'une après l'autre dans la cascade un peu plus bas, pendant qu'il guette qu'Olivier ne passe pas pendant ce temps. Et effectivement c'est pile à ce moment qu'il arrive.
On repart dans la descente, laissant Anthony rentrer à Grenoble. Je perds vite Olivier que je retrouve au ravito de Saint-Joseph de Rivière tout en bas. Il me dit qu'il a remonté plein de places depuis qu'il m'a laissée et qu'il va continuer comme ça à son rythme. Je prends le temps de manger un peu (premier ravito depuis un moment) puis repars pour quelques centaines de mètres de bitume, comme sur le Grand Duc il y a 4 ans. Il ne reste "plus que" quelques petites bosses, à terminer par la Vouise, on a fait le plus dur.
Je me pense dernière ou presque et j'avance tranquillement à mon rythme, en mode balade.
Au dernier ravito, installé dans la pente d'un petit village, je suis accueillie en star par les bénévoles et Pierre, l'orga des 24h de Saint-Laurent du Pont, qui se demandait ce qu'une coureuse de 24 heures venait faire sur un "petit" trail comme ça : galérer apparemment ! :-) Ils m'annoncent d'abord 3e femme, je leur dis que non, sûrement pas, je dois être dernière, mais ils s'en foutent, ils sont contents quand même. C'est cool les bénévoles heureux d'être là. Puis ils me disent que je suis peut-être dernière femme mais qu'il doit rester quelques gars derrière moi. Je laisse à regret ce ravito si sympathique, et repars bien requinquée pour la dernière bosse !
Le dernier ravito vu d'au-dessus
Un gars me rattrape, un relayeur du "team Marcieux", surmotivé pour rattraper le retard pris par son relayeur précédent, qui a fait une chute dans la descente du cul de lampe : c'est le gars que j'avais passé ! Il avait tenu à reprendre la course pour ne pas disqualifier son équipe : le relayeur 1 est venu à sa rencontre pour l'accompagner et marcher ensemble la fin de la descente sur Saint-Joseph, qu'ils ont atteint pile à temps pour passer la barrière horaire, et permettre au dernier relayeur de partir. Chapeau bas ! Et le voilà donc bien décidé à mener son équipe au bout, qui trottine un faux plat en bitume. Je m'accroche à lui le temps de discuter, il s'étonne que j'aie encore tellement de jambes, mais je finis par devoir le laisser partir quand le chemin part plus raide dans les bois.
Le sommet de la Vouise, je reconnais ce sommet que j'avais atteint difficilement en 2012 :-) aujourd'hui ça va pas mal, je prends le temps d'une pause photo avec les 2 bénévoles postés là, puis attaque la descente finale. Il est temps d'en finir.
Dans la dernière descente, je commence à envoyer pas mal, emportée par ma musique, et je cale un peu avant l'arrivée. Il faut longer le petit canal et aller le traverser à l'autre bout sur un petit pont, avant de revenir sur l'arrivée. On m'y offre une rose (c'est que pour les filles ^^ on n'était vraiment pas nombreuses aujourd'hui) et le ravito propose des cannelés et autres bonnes choses.
Pierre et Daniel
J'y retrouve les autres arrivés depuis bien longtemps, puis direction une bonne douche dans laquelle je laisse 3 kgs de boue. On a encore eu le temps de prendre le plateau repas en terrasse au soleil et de s'installer dans la voiture, avant que l'orage pète sur le chemin du retour : joli timing !
Conclusion, la Chartreuse c'est mieux quand c'est sec...!
Samedi 21 mai, c'est le Festa Trail du Pic Saint-Loup, pour la 3e année d'affilée. Une course dont je suis tombée amoureuse en 2014 après avoir gagné mon dossard. Cette année j'hésitais longtemps à m'inscrire à cause de mon manque d'entraînement spécifique (les tours de hamsters c'est bien mais ça manque de déniv : 1800km mais seulement 12000m de D+ depuis janvier), jusqu'à voir mon nom cité parmi les favorites du "plateau féminin". Bon, on va aller défendre ma 2e place 2014 et ma 3e place 2015 alors. Il y a 2 suites logiques possibles : la place manquante du podium, ou descendre encore d'une place... L'avenir nous dira laquelle est la bonne.
Départ de Grenoble vendredi aprem avec Hélène, 3h de route (ça va plus vite qu'en train !), retrait des dossards qui a changé un peu, on voit que la course grossit et qu'il faut gérer plus de monde. J'y retrouve avec plaisir Christophe (rencontré là l'an dernier et revu sur Riquet l'été dernier) qui m'accueille d'un "t'as pas grossi", bah oui c'est sûr Brive a laissé des traces. Je retrouve aussi Christian et Domi facilement repérables en jaune fluo, eux aussi enchaînent après Brive. Malheureusement pas le temps de rester à la pasta party, on va au camping récupérer les clés des mobile home pour le reste du TTT qui arriveront pour la plupart très tard. Je préfère manger et me coucher de bonne heure, ça va piquer demain matin.
En passant par la ligne d'arrivée le matin
Réveil à 3h, Hélène m'emmène à Saint-Matthieu prendre le bus avant de rentrer se coucher. Je me rendors à côté d'un voisin pas causant ni souriant pour un sou. Le bus nous pose à Causse de la Selle 45mn plus tard, il ne fait pas chaud. On se réfugie tous dans la toute petite salle où tout le monde se marche dessus, les bénévoles nous servent café et viennoiseries, les mecs jalousent nos toilettes vides pendant qu'ils doivent faire la queue. Puis il faut enlever les manches longues pour les laisser dans le sac de délestage (non marqué, heureusement qu'on n'est pas bien nombreux) qui part en camion vers la 1e base vie, j'enfile les manchettes à la place et direction la ligne de départ. On est un peu plus nombreuses en filles, dont une canadienne qui fait des raids multi-sports, et une autre coureuse qui a fait Brive il y a 15 jours (qui ne finira pas aujourd'hui).
Les filles devant sur la ligne de départ.
Départ 5h30 - Montée Roc de la Vigne et Montaud
Un peu de musique motivante, le speech du maire du village levé pour nous de si bon matin, Ludo qui fait monter l'ambiance, et c'est parti. Je pars juste derrière Christophe, ça part très vite sur les sentiers de sangliers (on n'en verra aucun cette annéee ^^), pour changer, à la queue leu leu sur single étroit et encore sombre, difficile de doubler alors chacun essaye de tenir sa position, ça serpente dans tous les sens et ça monte légèrement. Je trébuche 2 ou 3 fois sans conséquence, ma cheville part déjà aussi, ça promet pour la suite, mais plus de peur que de mal. Jusqu'à en tordre une pour de bon sur un caillou et tomber, Christophe se retourne en me demandant si ça va puis continue, au moins 5 ou 6 autres gars en profitent pour doubler sans un mot, et je ne le rattraperai plus jamais. Je dois marcher quelques mètres pour faire passer la douleur et relancer. Ensuite c'est la traditionnelle montée au lever du jour dans la bruyère, toujours sur un bon rythme malgré les passages d'escalade en haut sur les crêtes.
Je suis la canadienne et son binôme qui discutent, je les comprends quand ils parlent français ou anglais, et des fois je ne comprends plus rien à ce qu'ils disent :-) On est quelques-uns à les suivre quand ils s'arrêtent soudainement en nous demandant si on a vu une balise : ah non. On est descendus de la crête et on a perdu le chemin, on n'a heureusement que quelques mètres à remonter pour retrouver notre place dans le flot encore serré de coureurs. Nathalie râle de "se tromper de chemin à 7km...". Je repars devant eux, mais ils me doublent sur la crête alors que je m'arrête 30 secondes pour récupérer de la montée (rapide) et faire une photo.
Comme d'habitude cette première (double) montée passe comme un charme, passage de crêtes, remontée vers le 2e sommet, descente d'abord technique, puis descente un peu de sous-bois, chemin qui serpente dans tous les sens, on est plus étalé, et je regrette de n'avoir déjà plus de lièvre pour me guider dans ce dédale. Mais il y a encore du monde autour de moi, et à chaque fois que je manque me tromper de chemin, on en profite pour me doubler. Ils vont tous super vite, ils ont conscience qu'il nous reste 110 bornes ?
Descente sur Saint-Guilhem
Descente vers Saint-Guilhem, je me revois la survoler l'an dernier dans les traces de Marc. Mais aujourd'hui je descend moins bien, un peu d'appréhension peut-être, j'ai changé ma pose de pied pour éviter à ma cheville de partir trop souvent. Et puis le manque d'habitude cette année aussi, j'ai très peu de déniv dans les jambes grâce à mon "entraînement de hamster" :-p Bon, j'assure suffisamment pour ne pas me faire doubler, et j'en double un ou 2 qui marchent déjà. Plus on descend et plus ça chauffe, et ce n'est encore que le petit matin !
Les photographes sont placés au même endroit que chaque année, un bon spot photo avec cette vieille porte en arrière-plan.
On descend une piste plus ou moins pavée vers le village encore endormi. Je me demande si le TTT se sera levé pour venir le visiter.
8h42 - Saint-Guilhem le désert - 23km
C'est vraiment un magnifique village, dommage qu'on ne le visite pas plus :-)
Je fais un arrêt express au ravito sous les arches, une bénévole m'aide à faire le plein du camel avec un gros bidon d'eau, et je me rends compte que je l'ai déjà complètement vidé (il faut dire que cette première section fait 23km). Il est encore tôt mais on sent déjà la chaleur monter inexorablement.
Je repars en marchant puis trottinant le long du petit canal, traverse le petit pont, puis passe la barrière de bois qui marque le début de la montée vers le Mont Sainte-Baudille. Le soleil brille déjà bien, illuminant les montagnes autour de nous d'une belle lumière matinale.
Montée du Mont Sainte-Baudille
Dès le début de la montée au-dessus de Saint-Guilhem, je fais la connaissance de Gilles de Paris, puis de Benoit de Castelnaudary qui se remet juste d'un accident de vélo. On profite de la montée tranquille pour discuter, elle est assez peu pentue, le genre de montées où se pose le dilemme de marcher (perdre du temps) ou courir (perdre de l'énergie). Pour le coup, on choisit de marcher vite, on n'est encore pas rendus. D'ailleurs pendant la montée on voit le triangle caractéristique du Pic Saint-Loup se détacher au loin sur l'horizon. Ouais, vraiiiment pas rendus.
Les deux canadiens aux nous passent en trottinant, on commente qu'ils partent trop vite, Nathalie me dit qu'elle a déjà trop chaud, et ça ne va faire qu'empirer... Gilles dit qu'il peut prédire les perfs de chacun en voyant comment ils courent, alors je lui demande ce qu'il me prédit, curieuse. Il me répond qu'avec mon rythme super régulier il ne se fait pas de souci pour moi, ouf :-)
Le chemin fait un peu de redescente vers Fenestrel, Benoit connaît bien le parcours. On croise Cyrille Quintard posé là pour faire des photos, je lui dis que je serai pas rentrée à 18h pour les photos TTT :-)
(C) Cyrille Quintard - http://www.alpephoto.com/
Puis on attaque la longue remontée vers le Mont Sainte-Baudille, très facile, de la piste, même une redescente de bitume où on se fait un plaisir de courir. Une bénévole m'annonce 6e femme, et m'encourage d'un "allez les filles". Pas de bol pour les mecs. On a perdu Benoit, et Gilles me demande "toi qui est toute jeune", comment motiver ses 2 ados à courir. C'est vrai ça, qu'est-ce qui me fait courir ? En rond, en montagne, de nuit, de jour, sur bitume, dans les cailloux, sur circuit... Ah si je savais...! :-)
Ravito 2 - Sainte-Baudille - 10h41 - 34km
On passe enfin juste sous l'antenne radio, certains se remettent à courir, je prends encore mon temps.
Mais où ils ont mis les nuages ?
Puis je reconnais le petit single qui débouche sur le ravito posé à sa place habituelle sur le parking. J'y rejoins Nathalie la canadienne qui n'y traîne pas. Moi non plus, j'y laisse Gilles qui veut prendre plus de temps et je repars déjà dans la descente sur la piste en emportant des barres. Il dit qu'il me rejoindra plus tard, je ne sais pas s'il y arrivera. La descente est courte (9km jusqu'au ravito) alors je ne refais pas encore le plein d'eau.
Descente du Mont Sainte-Baudille vers Pégairolles
Je double rapidement le binôme de canadiens (me voilà donc 5e), Nathalie me dit qu'il y a une autre fille pas loin devant qui a quitté le ravito quand elle y est arrivée, je répond qu'on va aller la chercher alors. Pour l'instant c'est une large piste qui monte et descend tranquillement, puis c'est le single dans la bruyère où on s'était perdus l'an dernier avec Laurence et plusieurs autres, pour cause de rebalisage à l'envers. Cette année j'y suis seule au monde, personne à l'horizon, je vais à mon rythme en gérant la chaleur qui monte encore d'un cran.
Puis arrive enfin la vraie descente, je reconnais la piste où je m'étais trompée la 1e année, puis le petit sentier technique, le taux de cailloux monte aussi d'un cran, yes, je me fais plaisir, et je double la fille annoncée par Nathalie, elle était pas si près que ça ! Me voilà 4e femme. J'y vais en mode économie, un peu déçue de ne pas avoir plus de monde à doubler, je suis sûre que ça me ferait aller plus vite ;-)
J'économise aussi l'eau, la section de 9km prend quand même un peu de temps avec tout ce parcours de crêtes et bruyères en haut. Je passe un 4x4 / ambulance de pompiers garé à un croisement de piste, on se salue, puis je m'arrête net en entendant leur musique alors que je repartais "mais c'est I Muvrini ?! - ouaip !" Trop bien :) Je repars remotivée. Un gars m'indique le chemin et le temps restant un peu plus bas, ce n'est plus très loin, je me réjouis à haute voix d'y refaire le plein d'eau fraîche, du coup il m'en propose de sa bouteille. J'en bois une bonne rasade avec plaisir, je me rationne depuis tout à l'heure pour éviter la panne sèche.
Ravito 3 - Pégairolles sur Buèges - 50 km - 12h56
Et voilà enfin le magnifique village de Pégairolles sur Buèges, on traverse le village, on monte un escalier sur lequel je bois la dernière gorgée de mon camel, la panne tombe au bon moment ! Puis on redescend une petite rue pavée vers le ravito.
J'entends des encouragements à mon nom, je me dis qu'on a lu mon dossard, avant de voir Hélène, Juliette et Cyril postés là à m'attendre ! Cool :-) "Salut ! mais bon je vais boire un coup moi", je rentre dans le petit jardin et me sert un verre d'eau gazeuse avant de refaire le plein du camel, la bouteille entière y passe. Puis on me suggère la douche installée sous l'arbre un peu plus loin, bonne idée !
Puis je descends d'une traite une fiole isostar apportée par Hélène (quand je pense qu'à Brive j'avais mis un tour entier sans réussir à la finir), mange un peu de pain avec du gruyère et m'apprête déjà à repartir. Je suis déjà en mode compet pour ne pas me faire remonter par les 2 filles que je viens de doubler, et éventuellement aller chercher les 3 filles de devant (même si le plateau était assez relevé, et elles doivent être bien loin déjà). Ils me demandent combien de temps je prévois pour les 11km à venir avec 600m+, je calcule à la louche 2h, descente assez technique. Ils vont essayer de venir m'y voir aussi, cool. Je mange mon mini sandwich en marchant dans les quelques escaliers pavés, puis repars.
Montée de Peyre Martine
On commence par redescendre pour sortir du village, puis prendre un petit sentier perdu dans la verdure. On longe un petit cimetière qui semble abandonné, et je pense à Falk qui m'a fait découvrir le beauté et la tranquillité de celui de Grenoble, un endroit hors du temps. Puis on remonte dans le village voisin où se trouve le meilleur ravito du parcours, le "Regalidou", table à l'ombre en face du resto, ravito non officiel installé par le proprio du resto. Je discute un peu avec lui, adossé à la porte de son jardin, qui m'indique la douche qu'il a installée lui aussi, en me racontant qu'il y a quelques années il avait dû changer tous ses plans et faire de la soupe car il pleuvait des cordes et tout le monde était frigorifié. 2 verres de jus d'orange et quelques fraises à emporter prises dans l'immense saladier, et c'est parti ! Je ne manque pas la bifurc vers le vrai sentier qui monte vers Peyre Martine.
Le sentier n'est pas trop raide, en alternance de soleil (la plupart du temps) et de quelques passages ombragés, flaques de fraîcheur où il faut s'arrêter pour récupérer. Le vent nous agrémente de quelques souffles d'air rafraîchissants. On croirait monter dans un four, l'air chaud monte avec nous, plus on monte et plus il fait chaud, ça doit être parce qu'on est plus près du soleil ^^, ou bien qu'il y a de moins en moins d'arbres et donc d'ombre, ou alors c'est qu'on fatigue.
Sommet de Peyre Martine, parcours de crêtes
Arrivée en haut, j'hésite à envoyer un SMS à Hélène pour lui dire que je suis en haut, mais il fait trop lumineux pour lire mon écran, et trop caillouteux pour taper en marchant, alors je tourne le SMS dans ma tête pendant 20 minutes sans jamais l'envoyer. On passe juste sous la croix où sont installés quelques personnes, que je salue d'un bonjour enthousiaste auquel ils répondent par des encouragements.
Un peu plus loin un bénévole qui ressemble à Pierre Russias m'explique la suite du parcours et me redonne la pêche en pensant à ses stages gastrono-trail dans les Baronnies :-)
Descente sur Saint-Jean
Après la longue traversée des crêtes, il va falloir redescendre, descente que je me rappelle technique, mais plutôt agréable à courir, avec de l'ombre, et en plus je sais qu'on m'attend en bas. Le sentier technique débouche finalement sur une piste en grandes dalles de béton rugueux, ça tape bien, mais plus de risques de se faire une cheville. Je déroule avec plaisir, et d'un coup je retrouve déjà les autres au bord du chemin ! Hélène me suit en interdisant à Juliette (blessée) de courir, et on arrive dans la base vie toute proche.
Stéphane du TTT passé juste avant moi
Base vie, Saint-Jean de Buèges, 15h05
(j'ai donc mis 2h09, mon estimation était pas mal ^^ mais pendant la course je n'en ai aucune idée, je ne regarde pas l'heure du tout)
Saint-Jean de Buèges est la première base vie. Je retrouve Hélène, Juliette et Cyrille à l'intérieur, et rencontre aussi pour la première fois Stéphane du TTT que je ne connaissais pas, qui y fait une pause. Hélène retrouve sans problème mon sac de délestage, puis Juliette et Cyril m'offrent de leur salade de riz à la feta, top ! Je prends le temps de bien manger, il va me falloir un peu d'énergie, derrière c'est le Roc Blanc. Changement de chaussettes et re-nokage des pieds, récupération de quelques trucs pour la nuit dans mon sac (un buff et des fioles de caféine), et il va falloir repartir.
On me dit que derrière moi j'ai creusé l'écart mais que les 3 filles de devant sont très loin (10e et 14e au scratch, Maria est 2e femme, les autres je connais pas) et que je ne les rattraperai pas, zut :-) mais je m'en doutais un peu. Inconsciemment je sors un peu du mode compet à ce moment-là, considérant du coup le classement actuel comme acquis. Bien présomptueuse !
Grimpette du Roc Blanc
Je repars de la base vie sur la route dans le village, le long du resto où les autres viennent de manger,. Quelques personnes debout sur le bord de la route m'encouragent. Je trempe ma casquette dans une fontaine juste en face d'eux pour me rafraîchir. Je suis repartie en même temps que Stéphane du TTT et son pote, je les suis puis les double même en trottinant dans la montée facile sur la route ombragée. La pause m'a fait du bien. Puis ça bifurque à gauche dans les vignes, adieu l'ombre et la fraîcheur, là on va déguster.
Le sommet d'en face vu d'en bas, que je prends à chaque fois à tort pour le Roc Blanc.
C'est parti pour la montée dans les vignes vers le fameux Roc Blanc, le cagnard n'attend que nous.
Le début de la montée n'est pas trop raide et se fait sur chemin privé dans les vignes. Une grande partie de cette course traverse des propriétés privées, on n'imagine sans doute même pas le boulot que ça représente pour l'orga d'obtenir toutes les autorisations à chaque fois, et de nettoyer derrière les coureurs pour rendre le tout dans l'état d'origine. (Et pourtant j'ai quand même ramassé des emballages de gel, à se demander ce que certains ont dans la tête.) Bref, merci de nous permettre de passer sur ce parcours !
Court répit alors que la piste longe les vignes par en haut, à plat. Et puis d'un coup, ça part tout droit dans la pente, sur un sentier bien raidasse, avec des gravillons qui roulent sous les pieds histoire de rajouter des dérapages pas toujours très contrôlés, et bien sûr pas un poil d'ombre (va falloir ramper sous les vignes qu'ils disaient). Ah oui, c'était ça le Roc Blanc, je m'en rappelais pas pour rien.
Je vois quelques rares gars en perdition, arrêtés à l'ombre, j'essaye de les remotiver. Je sers de loco pour 2 d'entre eux sur la fin de la montée. Personne ne parle, ils sont peut-être cuits (et sinon ça ne va pas tarder, c'est un vrai four solaire, la chaleur du soleil réfléchie par la roche blanche). Alors je monte en musique, lentement mais sûrement. Au moins je ne m'arrête pas. On passe un champignon style celui de Chamechaude dans la montée très minérale.
En arrivant en haut on trouve Stéphane du TTT et son pote qui font une sieste, mes 2 wagons les rejoignent, et je repars toute seule sur la crête. Zigzag dans la bruyère, parcours plutôt sympa et ludique. Je commence à avoir sérieusement faim, je mange encore une barre (après la pâte de fruit et les compotes dans la montée, la salade de riz n'aura pas suffi), pas question de faire une hypo cette fois, je continue à bien gérer l'alimentation. En plus, j'attaque la partie la plus "dangereuse", sur les lapiaz. C'est super bien balisé, il y a des points de peinture tous les mètres pour ne pas se perdre, et c'est encore plutôt ludique, mais assez fatigant, surtout que les crêtes sont interminables.
Suivre le parcours sinueux demande une concentration de chaque instant, il ne faudrait pas mettre le pied dans une faille ou se tromper de chemin. Je m'amuse quand même plutôt bien, et j'avance à un bon rythme. D'ailleurs j'ai de nouveau des wagons : c'est Stéphane et son pote qui m'ont rattrapée et me suivent un moment. Je les laisse finalement passer quand on arrive sur la remontée finale, le sommet n'est plus très loin mais il reste une belle grimpette. En me passant, Stéphane mentionne la "forêt enchantée", ah ? bizarre ça ne me rappelle rien. Mais on arrive effectivement sous quelques arbres. Enchantée je sais pas, mais ombragée oui, et ça fait du bien ! Première fois qu'on voit de l'ombre depuis des heures. Mais c'est très court, et déjà retour sur la roche bien blanche pour la grimpette finale. heureusement que le vent souffle pour nous rafraichir de temps en temps.
Arrivée en haut de la crête, je prends le temps d'une courte pause pour un tour d'horizon et pour reprendre mon souffle. Chaleur, fatigue, le ravito sera le bienvenu ! Tout en haut sous le manche à air, un deltaplane jaune fluo est prêt à décoller, son pilote répète le vol, génial !! Je suis jalouse. Il me propose de me déposer mais je décline en figolant "ça serait de la triche !". En plus pour l'instant tout va bien. Il faut encore courir quelques centaines de mètres sur la piste qui redescend pour arriver enfin au ravito.
Ravito du Roc Blanc - 70km - 17h38 (Nathalie 18h03)
Je prends le temps de m'assoir sur une chaise et manger un peu, il y a là quelques gars, et les bénévoles m'annoncent 3e, mais je me dis qu'ils doivent se tromper, je n'ai rattrapé personne, ou alors une fille devant a abandonné, ou alors il y en a une qu'ils ont prise pour un mec ? J'embarque des barres et compotes avant de repartir, il ne faudrait pas faire une hypo.
Je m'étais dit que si j'arrivais ici en bon état c'était bon. On a fait le plus gros du déniv, et en plus ça commence à rafraîchir. A priori je suis encore en plutôt bon état, mais j'ai eu un peu tendance à oublier qu'il restait encore 50 km de course à ce moment...
Descente du Roc Blanc
On repart en montant, je suis toute seule et j'en profite pour chanter Mistral Gagnant à tue-tête. Puis ça descend sur de la piste, je suis toute seule, dur de trouver un bon rythme sans personne à doubler.
On voit le Pic Saint-Loup au loin, on n'est pas encore rendus... J'ai peut-être été un peu présomptueuse en considérant la course finie après le Roc Blanc. Bon, prochain objectif, voir le Ravin des Arcs de jour, pour l'instant je suis plutôt dans les temps. Encore une vingtaine de kilomètres et 3 bonnes heures de jour.
Mais je commence à fatiguer. Je cours la partie sur piste, mais dans le sentier technique qui suit, c'est assez horrible, encore des cailloux partout, c'est raide, ça roule, et ma tête commence à fatiguer... je ralentis, j'ai l'impression de ne plus savoir descendre :-/ En plus, je suis toujours toute seule, que j'accélère ou que je ralentisse il n'y a personne, personne à doubler, personne qui me double non plus, dur dur de garder le rythme. Je commence à souffrir de la solitude, et à ressentir le manque de récup (au moins mentale) depuis Brive. Plus envie d'en baver. Tant que c'était du plaisir, c'était cool, mais maintenant c'est moins drôle. Un bénévole m'accueille au croisement alors que le sentier coupe encore une fois la piste, et fait quelques pas avec moi en me racontant la suite. Rien que cette courte discussion me fait du bien. Vivement le prochain ravito pour voir un peu de monde...
Brissac - km77, 19h18 (Nathalie 19h32)
On arrive finalement en bas, ça fait un moment que je cours toujours toute seule, personne à l'horizon. Le parcours longe un terrain de jeux avec quelques enfants, j'arrive en même temps qu'un autre coureur, on court à travers l'herbe puis un parking, direction un parasol qui abrite la table de ravito déjà bien à l'ombre dans la lumière du soir.
On m'annonce encore une fois 3e fille, mais je n'y crois toujours pas. J'envoie quand même un SMS à Hélène pour confirmer mais elle me dit que sur le site de suivi live je suis encore 4e, c'est bien ce que je me disais. Bon, je ne m'attarde pas au ravito et repars, il est temps d'en finir, et il n'y a plus que quelques bosses avant le fameux Ravin des Arcs que je n'ai encore jamais vu de jour. La suite s'annonce moins difficile que ce qu'on a fait jusqu'ici.
Montée de Notre-Dame du Suc
Je monte tranquillement sur la route quand je rattrape une petite fille qui annonce à haute voix "y en a encore un !", à son papa un peu plus haut avec un 2e enfant. On monte ensemble sur quelques dizaines de mètres, il me pose quelques questions, "je vous fait parler". En même temps il explique à sa fille "tu réalises ce que ça fait 120km?" en comptant en nombre d'aller-retours de sa maman au travail. Je ne sais pas si elle a réalisé, mais ils m'ont mis le sourire. On continue à monter sur du bitume, on passe une vieille église, puis on va déjà pouvoir descendre.
Descente vers le pont d'Issenzac
Là je commence à me faire vraiment chier, toujours toute seule, et au milieu de nulle part, dans l'herbe, avec même des passages de boue. Le parcours est beaucoup moins beau maintenant, on traverse des champs privés, je suppose qu'il faut bien nous ramener à Saint-Matthieu maintenant qu'on s'est bien amusés dans la montagne. On entend la musique de "highway to hell" à fond sur une sono, je me demande si on entend déjà le ravito ? mais non, ça devait être une fête chez quelqu'un...
J'ai hésité à filmer l'instant, avec la lumière du coucher de soleil qui approche, mais peur de gaspiller la batterie de mon téléphone. La montre commence à donner de gros signes de faiblesse (j'avais oublié de couper le bluetooth...) et je compte sur le téléphone pour tracer la fin du parcours. Puis la musique se termine déjà et on entend plus rien, retour à la solitude.
J'en ai marre d'être toute seule, heureusement que je croise 2 ou 3 bénévoles. A l'un je demande si on arrive bientôt au pont, il m'annonce une demi-heure, puis encore 1h pour atteindre le ravito (qui est à la Guichette en haut de la bosse qui suit le pont). J'espère être plus rapide que ça (pas que je me crois meilleure mais plutôt que j'espère ne pas y passer trop de temps) mais la suite lui donnera raison à la minute près.
On débouche finalement sur la route qui descend, je cours quand je réalise que ma montre s'est éteinte... :-( Je m'arrête le temps de lancer Strava sur mon téléphone mais ça me déprime, je ne peux plus suivre ma vitesse, distance, déniv en temps réel. Je me fais avoir sans arrêt, jetant un oeil à l'écran noir à mon poignet, c'est malin. Puis on quitte la route pour repartir sur un sentier, on n'en voit jamais le bout... Je descends moins vite cette année, je suis (sans le faire exprès) les conseils de Pat l'an dernier : descendre moins vite pour en garder sous le pied pour les montées. Bon, j'ai surtout suivi la partie "descendre moins vite", mais j'ai effectivement gagné un peu en montée. C'est plutôt à cause de l'entraînement de hamster.
Pont d'Issensac - vers 20h30
Et enfin le sentier descend sur une dalle qui surplombe le pont, on arrive dessus par en haut, vue magnifique !
(C) Cyrille Quintard
On traverse le vieux pont de pierre, j'admire la rivière ou fleuve qu'on traverse en contrebas, et un gars assis sur le pont commente "elle donne envie cette eau". C'est sûr que dans l'aprem ça devait donner envie de plonger dedans se rafraîchir, un peu moins maintenant (quoique), il se fait un peu tard pour ces conneries, j'ai surtout envie d'arriver. Je me rappelle les poses photos de l'an dernier avec Marc et son beau-frère. Personne avec qui faire le zouave aujourd'hui alors je continue.
Après le pont on tourne à gauche et on repart en montée. On longe la rivière en question un moment, je vois un groupe installé sur la berge pour un pique-nique, ils me font envie, s'arrêter, se poser, les pieds dans l'eau, manger un bon barbecue peut-être, dormir... Bref, on continue. Maintenant plus qu'à passer une bosse pour arriver dans le fameux ravin des arcs.
On remonte en pleine nature, c'est de nouveau plus joli, un magnifique sentier en bord de vide (est-ce que c'est ça le Ravin des Arcs ?), avec un muret qui donne envie de marcher dessus, il est plus lisse que le chemin... mais ça serait dangereux dans mon état. On doit quand même franchir un vrai bon passage d'escalade, il faut mettre les mains pour arriver en haut, je plains ceux qui trimballent des bâtons.
Il commence à faire de moins en moins jour, belle lumière du soleil couchant. J'admire le coucher de soleil sur cette section et le lever de pleine lune.
La Guichette, km90, 21h34 (Nathalie 22h01)
Je m'y pose assez longuement pour récupérer un peu, café sucré, soupe, etc, sortir la frontale, quand je vois débarquer la canadienne et son mec : merde, ma 3e place ! Du coup je ne traîne pas mais c'est trop tard, elle m'a vue et ça va la remotiver, alors que moi je me retrouve dans la position de la poursuivie, c'est donc cet effet-là que ça fait...
sunset by LN avant le départ de sa course
Descente dans le Ravin des Arcs
Je repars comme une dératée (enfin tout est relatif, dans la limite de mes moyens). C'est relativement roulant pendant un moment et je trottine, je passe un gars qui commente que c'est dur, je lui réponds que oui mais je peux pas me faire reprendre et je continue. je suis "à fond" pour ne pas me faire doubler, et pourtant...
Malgré tout, elle finit par me rattraper, toujours en compagnie de son binôme, et je me dis que quand même c'est pas la même course quand on est en couple ou en paire, que quand on est tout seul pour tout gérer... bref, je n'arrive pas à les suivre et là ma tête lâche complètement, je me maudis d'avoir perdu tellement de temps et de l'avoir laissée me rattraper si près du but, je ne vois plus l'intérêt de courir, je pète une pile, je commence à m'énerver contre les cailloux qui me font trébucher, puis je me mets à marcher, puis à tituber, c'est fou le pouvoir du mental.
Du coup des gars que j'avais laissés au ravito me repassent. Une première paire passe en demandant mécaniquement "ça va ? -bof" j'articule difficilement, ils continuent quand même sans un autre mot. Puis une 2e paire "ça va? - mouais - allez courage bientôt la base vie". A croire que tout le monde court en paire... qu'est-ce que je fais toute seule dans cette galère ? Puis un gars passe tout seul : "ça va aller ? - ouais... - jusqu'au bout ? - ça je sais pas - moi non plus" il dit avant de disparaître devant, il va quand même encore mieux que moi.
On traverse le petit pont de bois à moitié défoncé tout au fond du ravin pour passer le ruisseau, je vois plus clair ou je suis plus réveillée, ça y est il fait nuit aussi. Il faut faire de la poutre sur une planche posée là pour nous, il y a 2 bénévoles pour nous aider (ou surveiller les chutes?), j'ai du mal. Puis ça remonte et oscille vers le village. Il me semblait me rappeler une montée bitumée où j'avais chanté en montant lors d'une précédente édition. Illusion ? Mémoire floue ? Je plane complet.
Saint-Martin de Londres, 00h10 (Nathalie 23h54) - repartie vers 01h
Je titube dans tous les sens jusqu'à arriver au village, où je prends quand même le temps de faire quelques photos nocturnes avec la pleine lune.
Un bénévole m'accueille d'un air inquiet et compatissant, me guide à l'intérieur une main sur l'épaule, et en guise de remerciement je lui fais tomber mon téléphone sur le pied, lui me dit de pas m'inquiéter (pour mon téléphone) son pied a amorti la chute, mais moi c'est pour son pied que je m'inquiétais.
Bon du coup je rentre dans la salle, je crois qu'il m'apporte une chaise, je m'écroule dessus, puis les secouristes arrivent pour voir si ça va, moyen je vous avoue, ils m'allongent sur un matelas genre tatami posé là, un autre gars est sur celui d'à côté. Puis ils commencent à me parler dans tous les sens, on me demande mon nom, mon âge au moins 2 fois, mon dossard, et quel jour on est "on doit être dimanche déjà, je sais pas quelle heure il est", vous avez mal à la tête non, et au ventre non, et des nausées non plus maintenant, et des crampes ? et suivez mon doigt, tout ça, apparemment j'ai pas bien suivi, faut dire mes yeux se ferment tous seuls, ils n'arrêtent pas de me dire "restez avec nous madame, ne fermez pas les yeux", mais du coup ils appellent le médecin qui me reprend la tension (dans les 9/4, c'est pas pire que d'habitude, mais le gars à côté a 14/10 c'est rigolo), le pouls qu'il trouve trop lent à 66, la saturation est nickel, un autre m'ausculte le ventre je sais pas ce qu'il mesure mais après quelques minutes il dit 23, ils me trouvent frigorifiée et me mettent couverture de survie puis une vraie couverture dessus.
Le doc m'apporte de l'eau gazeuse avec des gélules de potassium en plus, comme j'ai surtout bu de l'eau et plutôt beaucoup il doit avoir peur que j'aie vidé mes stocks de minéraux, puis une assiette de pâtes elle est bien chaude c'est cool parce que je commence à sérieusement me refroidir, je tremble et je claque des dents sous ma couverture. On me laisse finalement dormir ou au moins fermer les yeux, mais j'y arrive même pas, en me refroidissant j'ai trop mal à la cheville droite, en fait l'autre aussi mais moins, on me la glace après avoir enlevé chaussure et chaussette. Trop tourné sur les cailloux... Le doc commence à me dire que c'est fini pour moi, je vais pas pouvoir finir, il veut me mettre sous perf, je sais pas si je suis déçue et soulagée, il fait trop froid là dehors pour ressortir, il reste encore 18km mais à mon allure ça peut être très très long, au moins 4 bonnes heures... Je fais un SMS à Hélène pour dire que je vais peut-être pas repartir, mais elle est peut-être encore en course sur le 18 by night, elle répond pas. Le doc vient me parler de la navette des abandons, il y en a une qui part maintenant faire une tournée, et je pourrai prendre la suivante si je veux, mais non, je veux pas...
Et puis à un moment le doc change d'avis, disant que ça serait dommage de m'arrêter si près du but, donc si je me réhydrate bien je devrais pouvoir repartir il me dit. Et puis le message salvateur arrive, Pat me félicite pour ma gestion de course jusqu'ici, demande comment je vais, m'annonçant la 3e place à 12 minutes (bah oui je sais bien elle vient de me passer...) Je peux aller la chercher me dit-il. Je sais que je ne pourrai pas, je lui réponds que ça va pas du tout et que je rattraperai pas le podium, pas grave il me répond, et il a bien raison, et d'un coup ça me remotive. Je me suis fait sortir du podium, mais c'est pas la fin du monde ! Je peux encore assurer la 4e place, le podium en senior, un finish en moins de 24h, et ne serait-ce qu'un finish plutôt qu'un abandon ! Je me rassied d'un coup, me mets quelques claques pour me réveiller, remets ma chaussure, confirme avec le médecin que je peux bien repartir, puis renvoie un sms à Hélène pour lui dire que je repars mais de pas m'attendre. Je dois bien en avoir pour 4h à finir dans cet état.
Vers Cazevieille
Ce qui m'inquiète le plus c'est le froid, donc je lui demande si je peux garder la couverture de survie, oui, oui, il me fait boire encore un peu, puis je remets mon sac par dessus la couverture tant bien que mal, il me dit que ça va me gêner, tant pis, je la garde, je claque des dents, on me donne le portable du chef secouriste pour les appeler s'il faut venir me chercher, "n'hésitez pas surtout", puis le doc propose de m'accompagner sur un km pour vérifier que tout va bien, j'accepte avec plaisir et on traverse le village en marchant, il me laisse au moment où on prend le sentier dans les champs le long de la route, là où j'avais rattrapé la 2e en 2014.
Après je crois que le parcours change un peu, je ne reconnais pas trop, je suis de nouveau toute seule, mais je me relance bien en profitant du plat/descente plutôt roulant. Je trottine même un peu et rattrape quelques gars qui commentent sur ma super tenue :) j'ai vite chaud et roule ma couverture de survie en boule à la main, je la laisserai à des bénévoles posés au bord de la route un peu plus loin mais ce n'est pas un vrai ravito. Ils nous annoncent Cazevieille à encore 4 ou 5 km je sais plus, mais ça recommence à monter et je ralentis, les gars me re doublent.
Montée vers Cazevieille
Tout le monde me double sans s'arrêter, ils sont déjà tous en binômes ou en petits groupes et discutent pour passer le temps qui se fait long. Leurs voix s'éloignent comme elles sont arrivées, et je suis de nouveau seule dans le silence du coeur de la nuit. Le sommeil me gagne de plus en plus. Je me balance des grandes baffes pour essayer de rester réveillée, mais je m'endors quand même, ça marche moyen, il me faudrait vraiment un peu de compagnie pour discuter. Puis arrive un gars qui court tout seul, j'échange quelques mots avec lui, lui demandant d'abord à combien on est du ravito ou quelque chose comme ça (pour les gens normaux l'entrée en conversation c'est la météo mais en course c'est plutôt la distance au ravito), puis autre chose, puis finalement il m'attend et on discute, ça tombe bien je commençais à vraiment m'endormir. On continue comme ça jusqu'au ravito de Cazevieille, une table posée au bord du chemin.
Cazevieille 03h29 (Nathalie 1h25)
On y prend un café bien nécessaire pour se réveiller, j'y fais fondre 2 sucres d'un coup, j'ai besoin d'énergie ! J'oublie encore une fois de faire le plein d'eau, ça fait un bon moment, mais comme d'hab je bois moins quand je commence à fatiguer... et puis il fait plus frais maintenant, c'est moins essentiel. L'ambiance au ravito est un peu pourrie, un bénévole râle, il s'est apparemment pris la tête avec un coureur mécontent parce que le pointage ne marche pas. C'est pas bien d'engueuler les bénévoles, ils font déjà tout ce qu'ils peuvent et ils sont bien sympas d'être debout pour nous à se peler dehors à 3h du matin.
Et donc, le pointage ne marche pas, je n'ai pas tilté sur le coup, mais ça veut dire que les personnes qui nous suivent en live (et donc Hélène qui m'attend toujours à l'arrivée) ne sont pas mises au courant de notre passage à ce point, et peuvent donc nous croire toujours en galère dans la section précédente (c'est d'ailleurs ce qui s'est passé). Enfin sur le coup je ne pense à rien d'autre que d'atteindre cette fichue ligne d'arrivée, ainsi que la douche chaude et le lit qui vont avec, le plus vite (ou le moins lentement) possible. On n'en est maintenant plus très loin, plus qu'à passer le fameux Pic Saint-Loup.
Montée du Pic
On repart vite avec Benoit pour échapper à l'ambiance d'engueulade. La montée du pic passe comme dans un rêve. On marche sous la pleine lune et les étoiles, en essayant de suivre un balisage assez épars par moments, et surtout pas trop fait pour la nuit : des rubalises non réfléchissantes, de la vieille peinture qui ne brille plus beaucoup, et puis on n'est plus très réveillés, ce qui n'aide pas... Je plane encore dans cette illusion de chasse au trésor, je cherche les balises rouges en imaginant d'autres coureurs cherchant les balises blanches. Mais bien sûr...
Sommet du Pic Saint-Loup
En haut du Pic Saint-Loup, je reçois un message d'Hélène qui attend donc toujours mon passage à Cazevieille, et m'annonce qu'elle va rentrer se coucher (car du coup elle se dit que je ne suis pas près d'arriver). Je lui réponds aussitôt, en essayant de pas me casser la gueule dans les cailloux, qu'on est en haut du pic et qu'on descend, on doit en avoir pour une heure, le panneau de rando indique 3.7km vers Saint-Matthieu de Tréviers, notre terminus-tout-le-monde-descend tant attendu.
Descente du Pic Saint-Loup
Mais en fait ce chemin nous semble interminable... des cailloux partout qui roulent sous les pieds, nous font glisser rouler trébucher ou tordre la cheville (je vous dis pas l'état des miennes), j'ose plus accélérer. On se fait passer une ou 2 fois, on ne doit plus être très nombreux en course et très très étalés en plus, mais même ça ne donne aucune envie d'accélérer (sauf peut-être si une fille arrivait derrière moi ? et encore). Je suis dans un état second, ça fait un moment que je n'ai pas mangé grand chose aussi. Benoit fait une mini-pause pour manger et me passe quelques bonbons, pas mal comme ravito.
Plusieurs fois il m'annonce qu'on va bientôt arriver sur une piste puis sur la route, mais à chaque fois nos espoirs sont déçus. On finit quand même par atteindre une piste un peu plus roulante. Puis on y croise enfin 2 femmes bénévoles, qui me reconnaissent pour m'avoir vue à Saint-Martin de Londres dans un autre état, elles admirent ma renaissance. Partielle, j'aurais eu du mal à les reconnaître. Et bonne nouvelle, elles nous annoncent le bitume bientôt, on n'y croit pas, alors elles précisent "juste là au coin, à 50m", et c'est vrai ! On n'a jamais été aussi contents d'en voir !
Le 3e gars qui nous suivait depuis peu nous laisse filer, on ne sait pas trop combien de km il reste mais on a 20 ou 25 mn pour finir en dessous de 24h ce qui serait quand même bien, et puis il me reste des jambes, juste plus de chevilles (ni de mental) pour gérer les cailloux, alors on accélère, ça descend mais avec des remontées, on trottine, j'ai l'impression d'aller vite et Benoit me dit "c'est bien on fait un bon 6 km/h ça va le faire". Ah, 6 km/h ? mince alors...
Puis ça tourne autour du Gallion, je suis complètement paumée, je ne reconnais absolument pas où on est jusqu'au dernier moment, où je place un sprint final en voyant l'arrivée, tout en attendant quand même Benoit. Je commente que "c'est le seul moment où on peut courir" pour les quelques courageux bénévoles étonnés de l'accélération. On nous accueille sous l'arche, on nous donne un polo, on nous prend en photo, il me faut quelques minutes pour réaliser que ce dernier "on" est en fait Hélène juste derrière la barrière de la zone d'arrivée. Encore une fois où elle m'aura attendue jusqu'à 5h du matin, ça devient une habitude (cf le Grand Raid des Cathares et l'Ut4M), elle me dit que la prochaine fois elle viendra direct à 5h, pas bête... Puis elle se moque de Benoit qui raconte comment je l'ai persuadé de rester avec moi, en disant que je m'en "trouve un nouveau à chaque course", décidément ça donne le sens de l'humour de pas dormir :-p
Bon, c'est pas tout ça mais on n'a pas traîné sur place. Direction le camping, douche dans le mobil home et au dodo peu de temps avant que les autres se lèvent pour aller courir le marathon. Pas dormi bien longtemps car il fallait faire le ménage et l'état des lieux et rendre le mobil home vers 10h, donc direction l'arrivée des courses pour voir finir les derniers de l'ultra et les premiers du marathon (gagné par Flo Mairy).
Podiums
Et donc, je finis 4e fille et 2e senior mais comme les trophées sont non-cumulables, première du podium senior. Enfin, pas de trophée cette année, dommage. Christophe fait aussi un podium dans sa catégorie.
Je retrouve aussi les Foys Sonnés, d'autres TTT, puis Olivier de Carcassonne, qui m'avait vue à Saint-Martin de Londres dans la nuit, je le prends d'abord pour le doc, faut dire que j'étais un peu à la masse.
Puis on se fait arroser par de belles averses, la "malédiction" entamée à Brive (canicule le jour de la course et plus frais le lendemain) se poursuit. Mais ce coup-ci j'avais eu un peu le temps de m'habituer à la chaleur.
Conclusion, c'est toujours un aussi beau trail, mais très technique et caillouteux ce qui peut être assez usant, et avec un niveau qui monte de plus en plus (le record féminin établi cette année va être dur à battre). Avec Florian qui vient juste de gagner le marathon, on se dit que cette fois ce sera la dernière "pour de vrai", après 3 ans à s'être dit ça et être revenus quand même, mais seul l'avenir nous le dira :-) Après tout, j'aime le soleil et les cailloux !