Quelques jours avant la course
Beaucoup de cailloux pendant un ou 2 mois, en Belledonne et en Ubaye. Dernière vraie sortie au Rocher Blanc une semaine avant le départ. Quand ta méthode de gestion du stress consiste à aller courir et marcher dans les cailloux, et que tu dois te reposer pour être en forme le jour J, ça fait un mélange explosif. Ajouter à ça des prévisions météo pas très favorables (Pikachu préfère la canicule), et le niveau de stress atteint des sommets, autant dire qu'il est temps qu'on démarre !
Vendredi 5h01 - Vizille
Départ sous la bruine du parc de Vizille, à 5h en vague 1 🤷 malgré une cote ITRA au ras des pâquerettes (c'est mon premier et seul trail de l'année 2022) ce qui me permettra de démarrer avec Mike pendant une petite heure. C'est bien d'avoir de la compagnie pour monter une piste forestière raide et boueuse sans intérêt sous des trombes d'eau, ça fait passer le temps plus vite. Tellement qu'il me faudra presque une heure pour réaliser que je suis sur un faux rythme, je double en montée alors que je suis déjà en vague 1, et j'oublie de boire et manger, pas bien. Je le laisse filer peu à peu et commence à me faire doubler par les suivants, dont quelques-uns des vagues suivantes, tout fiers de rattraper la vague 1... Pour ma part, je me rappelle le briefing de départ: tout le monde part trop vite, "vous pouvez être 300e au 1er ravito et finir dans le top 10". Et surtout je sais ce qui nous attend en haut et je ne suis pas si pressée d'y être: au départ on nous a aussi annoncé qu'il neigeait sur la Croix (et que si ça continue on n'y irait pas). Donc je prends mon temps. On grimpe parfois carrément dans un torrent, ou on en traverse qui n'existent pas d'habitude, des flaques partout, les pieds dans l'eau tout le temps, j'ai déjà renoncé depuis longtemps à garder les pieds au sec, je passe droit dedans quand certains essayent encore de contourner. J'admire la brume d'humidité entre les arbres aux premières lueurs d'une longue journée. J'admire moins les trop nombreux déchets, emballages de gels ou barres, ''tombés'' par terre sur notre passage.
Les "averses résiduelles" annoncées par la météo sont un peu plus que "résiduelles". Il pleut il pleut bergère, heureusement que j'ai prévu le coup : casquette avec une grande visière, téléphone dans un sac étanche, frontale bonnet gants dans un sac étanche. Et puis j'ai déjà fait cette montée dans les mêmes conditions exactement à l'entraînement (mais ce jour-là une douche chaude et un lit m'attendaient à La Pra).
R1 Arselle 3h17 - 528e
On arrive à l'Arselle sous un timide rayon de soleil qui éclaire le plateau, le Taillefer est malheureusement invisible derrière d'épais nuages. Un coureur me double en me disant qu'on a déjà couru ensemble, l'an dernier, et l'année d'avant aussi, ''tu es une bombe en descente!''. Ah oui voilà je me rappelle, il m'avait dit la même chose l'an dernier et j'étais déjà impressionnée qu'il s'en rappelle au bout d'un an. On dirait que ça l'a vraiment marqué 😁.
On nous annonce une salle pour nous changer (celle du foyer de ski de fond) parce qu'il y a du vent en haut, mais je sais que c'est bien trop tôt pour griller des habits secs. Je ne fais que passer, manger un peu, charger un bidon (j'ai très peu bu...). Je demande à un responsable si on monte à la Croix : non, conditions météo trop mauvaises, vent glacial violent. Dommage, mais ouf, en vrai ça ne me tentait pas trop d'aller me geler à 2927m de haut, surtout pour ne rien voir.
Arselle - Lac Achard - Lacs Robert - etc
Et je repars vers le lac Achard après 5 mn de pause. J'ai rangé les bâtons dans le sac avant le ravito, officiellement ils sont interdits dans toute la réserve naturelle avec les fanions rayés,
mais bon 99% utilisent leurs bâtons, donc soit personne n'est au courant (pas impossible vu qu'ils ont très peu communiqué sur le sujet) soit tout le monde s'en fout (possible aussi vu que je vois plusieurs abrutis couper pour éviter les sentiers détrempés autour du lac Achard, en plein marécage protégé...). Je me répète que c'est pas mon problème et j'avance. Très mauvais souvenirs de m'être fait insulter par des coureurs de l'ut4m quand j'avais essayé de leur dire de ne pas couper les lacets de Chamechaude...
Ça monte, il pleut toujours. Le vent se met à souffler un peu plus, puis beaucoup plus. Au col de la Botte je suis cueillie par une rafale monumentale, je serre les dents et zou, faut pas traîner. Un photographe a choisi que c'était le meilleur moment pour immortaliser notre passage.
Au col de Lessines c'est limite de la grêle qu'on se prend dans la figure. Du coup personne ne traîne et je double très peu malgré le début des vrais cailloux. Le Lac Léama a perdu un peu de sa couleur lagon. Le lac Longet est quasi vide, il reste une pauvre flaque au fond et des gravillons, c'est d'une tristesse... le lac Claret déborde, lui, et nous annonce l'approche du refuge de La Pra. Le marécage est de nouveau marécageux. Je jette un œil au poème au passage, ''c'était un jour où le soleil avait du mal à le quitter'', pas un jour comme aujourd'hui alors. Le refuge apparaît au dernier moment à travers les nuages, tout proche, bonne surprise.
R2 La Pra 10h55, 426e
J'arrive pile comme prévu vers 11h, il m'a fallu 2h30 depuis l'Arselle, comme l'an dernier, mais dans des conditions bien différentes... Je commence par rentrer me changer dans la salle hors sac : j'enlève le t-shirt trempé pour passer directement ma polaire, le kway par-dessus, les 2 capuches sur la casquette pour la tenir en place, le pantalon de pluie, les gants. Je ressors chercher une soupe au ravito (les bénévoles nous servent la soupe d'une main et tiennent le barnum de l'autre pour l'empêcher de s'envoler...) et je commence à grelotter : retour à l'intérieur pour boire la soupe au chaud, manger un wrap, pas question de tomber en panne d'énergie là-haut en pleine tempête. Je confirme avec des bénévoles qu'ils ont supprimé la montée à la Croix, un coureur manifeste sa déception... Je lui explique que les bénévoles ne vont pas faire les piquets là-haut s'il fait -10° (mon anticipation de température ressentie mouillée dans le vent à 2900m), et une bénévole plussoie : elle y était, elle se gelait, et on l'a envoyée au refuge se réchauffer.
Puis zou, il faut se relancer. On commence par le col de la Pra, belle vue sur le Crozet et son sentier toujours fermé (s'ils attendent que la montagne arrête de verser des pierres, on est mal...). L'ut4m a laissé son balisage à la peinture tout sauf discret : d'énormes flèches et points partout dans la montée... A comparer aux petits fanions de l'EB pour ne laisser aucune trace derrière. Ça fait un peu mal au cœur. Les torrents du Doménon eux font sacrement plaisir à voir, en eau comme jamais depuis longtemps, on les entend gronder de toute leur force.
Doménons - Freydane
Je monte lentement mais sûrement dans les gros blocs en m'aidant des mains et en plaignant ceux qui essayent de grimper avec des bâtons dans ce chantier. On arrive au bord du Lac du Petit Doménon, on ne voit même pas jusqu'à la berge opposée. Le lac du Grand Doménon est à peine visible. Tout est gris, ambiance apocalyptique. Personne ne parle. Pas de blague pourrie pour détendre l'atmosphère. Pas de souvenirs épiques de tel ou tel trail pour se rassurer ou pour frimer. De toute façon le vent souffle si fort qu'on ne s'entendrait même pas. Après les lacs, je ressors enfin les bâtons, les mitaines par-dessus les gants, et c'est parti. Petits lacets serrés vers le col, visière vissée sur la tête, je vois à 1 mètre devant moi et c'est tout. Avancer, ne pas s'arrêter, sous peine de geler sur place. (A l'arrivée ils nous feront un petit debrief des conditions météo, température ressentie de -10°C, c'est bien conforme à mes impressions du moment.) Je pense à Mike, le chat noir parti s'entraîner en Islande juste avant la course, on dirait que c'était un bon plan finalement 😅.
Sous le névé, 2 bénévoles nous attendent pour nous pointer et nous envoyer directement vers Freydane. Ouf, c'est bientôt fini. J'espère que le vent sera moins fort de l'autre côté. J'arrive au col en mode automatique, un bénévole m'accueille, me pointe, m'oriente vers la descente. Je le remercie d'être là pour nous, et il me répond d'un improbable ''avec plaisir'' que j'ai gardé en tête pendant toute la course. S'il peut prendre du plaisir, debout pendant des heures en pleine tempête, tout ça pour nous pointer et assurer notre sécurité pendant qu'on s'amuse dans les cailloux pour la joie hypothétique de sonner une grosse cloche à l'autre bout du massif, alors on n'a pas le droit de se plaindre, et on leur doit bien de tout faire pour aller au bout. (En plus, hasard des hasards, c'est un copain du binôme de David sur le DuÔ des cimes, donc message de gratitude passé à l'arrivée !).
Moraine de Freydane, Lac Blanc
Au moins, je peux passer le col et redescendre le plus vite possible me mettre à l'abri. Au début dans les blocs je suis prudente, les rafales de vent me bousculent, difficile de garder l'équilibre, de viser le bon caillou quand un coup de vent peut changer brutalement ta trajectoire. Une fois sur le sentier de la moraine, je ne me prive pas d'accélérer, et comme d'hab je joue à Pacman sur toute la descente. Je double un premier DuÔ, on en verra quelques-uns tout au long du parcours.
En bas le torrent débite comme jamais, impossible de passer à gué à l'endroit habituel. Je revois les images de 2020, coureurs épuisés par la canicule, qui s'arrosaient copieusement dans le torrent. Aujourd'hui pas besoin de bain, on a déjà eu la douche gratuite. Plusieurs bénévoles nous accueillent, ils ont installé pas mal de fanions pour baliser la meilleure traversée, il faut remonter un peu sur la berge dans une espèce de glaise blanche, puis passer d'île en île et nous voilà sur l'autre rive. On est dans le brouillard, je ne reconnais rien, on ne voit même pas le lac alors qu'il est là tout près. Je suis le sentier et les petits fanions, qui nous conduisent à traverser un autre torrent, à gué cette fois, mais tiens, il n'existe pas celui-là d'habitude... Au bout du lac (toujours invisible) une infortunée coureuse s'est fait la cheville, elle attend avec une secouriste, enroulée dans sa couverture de survie. Petit rappel à tout le monde que par le temps qu'il fait, l'hélico ne vole pas: si tu te fais mal, tu as intérêt à être bien équipé et à prendre ton mal en patience avant qu'on puisse te sortir de là. Encore mieux: tu as plutôt intérêt à ne pas te faire mal. J'en ai une conscience accrue pendant tout le reste de l'après-midi, en me demandant comment certains peuvent prendre autant de risques, quand je les vois tituber, trébucher, se rattraper de justesse, et continuer pareil. La descente file vite, le balcon avalé en marchant en discutant avec un autre coureur grenoblois, et voilà le refuge.
R3 Jean Collet 13h21, 373e
Un peu en avance sur le planning grâce au skip de la Croix. Il m'aura fallu 2h15 depuis La Pra, 1h d'économisée, et beaucoup d'énergie.
Au refuge c'est le chaos. Dehors, le pointage est sous un barnum qui manque de s'envoler. Le ravito est à l'intérieur du refuge, tout le monde s'entasse entre les tables couvertes de nourriture, on peut à peine passer. Pauline la gardienne du refuge me voit arriver avec soulagement, elle avait entendu qu'une fille aux cheveux courts s'était blessée en haut: ce n'était pas moi 😊 elle me sert une soupe et m'accueille derrière au calme avec Chantal la 2e gardienne, elles me partagent le café, le chocolat, trop bien. J'arrive à passer un premier message à Cédric et repars bien requinquée. Merci !
Col de la Mine de Fer en 48mn
Plusieurs gars se mettent dans ma roue, je fais le train, j'aime bien. Le premier propose de me relayer mais ça me va bien. Il y a du brouillard, on n'y voit rien, je suis bien contente de connaître la montée par cœur, pas besoin de chercher. Je me fais quand même une mini frayeur quand on arrive au bord d'un lac qui n'a rien à faire là ! 🤷 On arrive en haut en 48mn, forcément quand il n'y a pas de photos à faire, ça va plus vite 😝 pas trace de mes copains les bouquetins, plus malins que nous, ils doivent être à l'abri quelque part, eux. A peine passé le col, je range les bâtons dans le dos sans m'arrêter et continue dans les blocs. Encore une fois je navigue à merveille dans le brouillard, concentration maximale sur les fanions et le balisage, j'ai semé tout le monde.
Brèche Fendue en 22mn
Un bon coup de cul pour la Brèche de la Roche Fendue. Un coureur se met derrière moi, je lui propose de doubler, il préfère rester derrière, disant que c'est plus facile que de chercher le chemin. Certes... La Brèche est paumée dans la brume elle aussi, difficile de reconnaître. Pas d'arrêt, le vent souffle toujours, je continue dans la descente qui suit et je perds mon suiveur. J'en entends faire des plans sur la comète, calculer leur temps en fonction des quelques kilomètres restants, se projeter à Aiguebelle dans moins d'une heure : très mauvais calcul, si vous n'avez pas regardé le roadbook vous risquez une très mauvaise surprise... Les blocs sont mouillés, la moitié bougent, les autres glissent, voire les 2 à la fois, même moi je galère, ne pas se faire mal, ne pas se faire mal.
Pas de la Coche, descente au Habert - 1h26
Quelques belles bosses à remonter avant d'arriver enfin au lac de la Coche. Le soleil perce un peu, on voit l'autre vallée, c'est la classe. C'est quand même vachement beau, Belledonne 🤩 Je commence à chauffer et m'arrête sur une dalle pour tomber enfin mon pantalon de pluie. Je repars et 20 mètres plus loin je double d'autres coureurs qui m'imitent.
Voilà le lac de la Coche. Personne ne campe au bord aujourd'hui, étrangement 😅 à part les 2 bénévoles qui nous pointent avant la descente. Plus qu'à ''dérouler'' jusqu'au refuge : le froid a fait des dégâts sur moi. J'ai mal aux deux releveurs quasi depuis le début de la course, et je n'ai presque pas réussi, ou pas pensé, à manger ni à boire depuis le départ. Le froid a tendance à mettre mon organisme sur pause. En 4 étapes de 3h chacune, j'ai bu moins de 3 bidons d'eau au total (de 0.5L), et mangé seulement quelques pompotes, un wrap, et 3 ou 4 bols de soupe. Bref je n'ai plus beaucoup d'énergie et trop mal pour vraiment relancer dans cette descente. Je trottine péniblement jusqu'au refuge où je retrouve Cédric. Serre-file seulement jusqu'à l'Arselle cette année, il est à l'heure ! (pour la première fois en 3 ans 😅 )
Habert d'Aiguebelle vers 16h15 - départ vers 16h30
Pile poil sur le plan avec toujours cette petite avance grattée sur la (non) Croix. Au total 2h40 pour la section, plus le temps d'arrêt au refuge. Cédric m'a monté le sac d'habits de rechange que j'ai préparé, j'ai prévu un t-shirt court et un long pour avoir le choix : j'enfile les 2 l'un sur l'autre. Je mange une soupe sous la tente, pendant qu'un chanteur met l'ambiance à coup de vieilles chansons françaises, la sono est un peu forte mais ça réveille (vidéo). Il nous souhaite bon courage en partant.
Photo d'après facebook "Habert d'Aiguebelle"
Col de l'Aigleton.
Cédric repart avec moi en me racontant ses aventures de serre-file, les anecdotes de la radio PC course, des coureurs de l'Intégrale partis jusqu'à Vaulnaveys avant de réaliser leur erreur de parcours et de revenir insulter le signaleur (qui leur a conseillé de s'inscrire comme bénévoles l'an prochain pour faire mieux - il est gentil moi j'aurais arraché le dossard et ciao, rentrez chez vous), les prévisions météo, les changements de parcours (Skyrace lancée mais coupée aux 7 Laux - pas de Rocher Blanc, col du Moretan inaccessible pour nous parce que le pont sous le refuge de l'Oule a été emporté par le torrent...), les nouvelles des leaders de course (Juliette a abandonné). Il ne pleut plus, ça nous fait des vacances. On a quand même été sous la douche pendant plus de 10h. Le début de montée passe vite comme ça jusqu'aux lacs du Vénétier. La Cime de la Jasse et l'arête au-dessus sont cachées dans la brume, le DuÔ des Cimes suit notre parcours au lieu d'y monter. Puis ce sont les blocs et la montée plus raide dans l'herbe, mais ça passe tout seul.
Je sais qu'Aurélia (avec qui j'ai couru un petit bout de l'EB l'an dernier) m'attend en haut du col, c'est elle qui tient le poste montagne là-haut (et en plus elle y est montée super en avance, à la surprise du PC course). Ils se sont abrités un peu en contrebas après le col. J'ai même pas vu le Pikachu qu'elle m'a laissé dans la montée, zut.
On discute un peu, elle nous prend en photo, mais je ne veux pas refroidir.
On descend vers le torrent puis Cédric bifurque vers le Pas de la Coche et je continue solo. Il est 18h.
Col de la Vache - vendredi soir à 19h (1h de montée)
Le début est cool mais humide. On a un peu de vue, quelques sommets dégagés au loin. Puis dans la Vache, la pluie recommence, le vent se lève fort à nouveau, je commence à me sentir mal et à tituber, vu le terrain c'est pas bon du tout. Je mange une pompote et me force à augmenter la cadence pour remonter un peu la tension. Ça aide d'avoir d'autres coureurs en ligne de mire pour garder la bonne direction, va savoir pourquoi mais je me perds systématiquement dans cette traversée sous le Pic de la Belle Étoile. On ne le voit même pas aujourd'hui, caché derrière les nuages. Au col (en tout pile 1h depuis le torrent) je pointe et je file vers les 7 Laux.
7 Laux - (25mn de descente depuis la Vache, 40mn de balcon)
Il est tôt, à peine 19h. D'habitude c'est un challenge de descendre ici de jour pour suivre plus facilement la trace (j'ai l'habitude de descendre à droite, droit au bord torrent, mais le sentier balisé fait des tours et des détours plus à gauche, c'est galère à suivre de nuit...). Aujourd'hui ça file tranquille, 25mn pour rejoindre les lacs en bas.
J'ai l'impression qu'on est plus nombreux cette année. Dès que je ralentis je me fais doubler, je ne suis jamais seule bien longtemps. La plupart sont pressés d'arriver au Pleynet (cette étape est vraiment longue comparée aux précédentes, et surtout si on croit avoir fait le plus dur en arrivant à la Vache, c'est en fait loin d'être fini !) et passent sans un mot. Dommage, surtout quand ils doublent un coureur visiblement en galère. Je ralentis un peu pour discuter et l'encourager, lui annonce le ravito surprise de la Cantine. Il est dans le dur mais il avance. Je finis par le semer, et profite d'être un peu seule pour chanter en courant au bord des lacs. Il fait presque beau ce soir, c'est chouette. Je rattrape les coureurs pressés de tout à l'heure sur le pont, qui ne traverse plus que des graviers, il n'y a plus d'eau entre les 2 lacs, triste... Puis ils coupent à travers la bosse que le sentier contourne (décidément ils cumulent), je suis les fanions et je les re-perds.
La Cantine - 3mn de pause - 19h45
Et voilà déjà la cantine, un petit ravito surprise dans un vieux bâtiment d'EDF. Pauline et Chantal m'ont annoncé qu'il y avait de la salade de riz, je l'attends ! Il y a déjà quelques coureurs arrêtés, mais je trouve une place sur un banc pour une petite pause le temps de manger une assiette de salade de riz. Je repars vite pour assurer la grosse descente de jour.
Lac Noir, chalet du Gleyzin - avant la nuit
10mn plus loin, le lac noir m'offre un moment d'émerveillement, à notre droite les sommets vers la Valloire tournent au rouge dans la lumière du couchant, quelques bancs de nuages d'humidité s'y accrochent, obligé que je m'arrête pour une photo avant de plonger vers le Pleynet.
Un plaisir de descendre de jour sur le Chalet du Gleyzin ! La nuit les quelques fanions ne suffisent pas à voir les micro lacets et changements de direction du sentier entre les dalles, c'est horrible. De jour ça passe tout seul. Le coureur fatigué de tout à l'heure me rattrape et me remercie, c'est bon il s'est retapé, c'est cool. On discute un peu jusqu'au chalet puis je m'arrête sur mon spot habituel (la dalle sur la canalisation, vue plongeante sur la vallée) pour mettre ma frontale en prévision de la nuit qui arrive. Il repart avec une coureuse qui prévoit d'abandonner en bas.
Chalet du Gleyzin, chalet du Pra, le Pleynet - 1h38 depuis le lac Noir
Je suis de nouveau seule pour profiter de la descente (qui commence par monter). Un hélico nous survole plusieurs fois, il semble chercher quelqu'un vers les lacs. J'allume le téléphone pour rassurer Cédric mais je n'ai reçu aucune nouvelle de lui et au final c'est moi qui m'inquiète... 😓 La nuit tombe vite, au début j'allume et j'éteins la frontale pour passer les sous-bois un peu plus sombres, et puis à un moment je ne l'éteins plus de l'autre côté. Comme je m'y attendais, les deux premières cascades qu'on traverse à gué sont une nouvelle occasion de se tremper les pieds, il y a de l'eau ! La première est aussi l'occasion d'un moment de doute. Il fait nuit noire maintenant, et je reprends pied sur la berge opposée, au milieu de la végétation, sur une vague trace boueuse. Après quelques pas je m'inquiète que ça ne ressemble pas trop au sentier que je connais. Le gars derrière moi n'est pas d'une grande aide, il a l'air de se demander pourquoi j'hésite, me passe et continue. Effectivement quelques mètres plus loin on retrouve un panneau jaune de rando, et le vrai sentier : on était effectivement un peu au-dessus [et pour avoir revu le passage de jour plus tard, sur une trace probablement créée par le passage de la Skyrace ici avant nous].
Les deux cascades suivantes se traversent sur un pont. Le chalet du Pra, la piste qui descend enfin, la route, une ou 2 frontales à doubler, je dévale. Et là, 2 enfants qui font les clowns au milieu de la route, mais pourquoi ils ne se poussent pas, je ne comprends pas, et eux qui me font des grands signes, tournez, tournez, ah oui oups, je suis déjà en bas, faut couper dans l'herbe et arriver sur le parking 🤣 merci ! 😇
Le Pleynet - arrivée vendredi 21h55, départ 22h27, 346e
J'arrive surexcitée. Cédric m'attend au début du parking, il y a un couloir de barrières équipées de ces grandes plaques de pub qui ont pour plus grande utilité de faire plein de bruit quand on tape dessus, et les spectateurs ne s'en privent pas. Résultat j'ai l'impression d'arriver en héros, acclamée par la foule en délire, bon ok j'exagère un peu, mais après plusieurs heures à crapahuter solo dans les cailloux (et presque 17h de course au total) c'est un peu l'effet que ça fait !
Je me pose au van pour le ravito. Recharger les batteries du téléphone et de la montre pendant que je mange un peu, changer la batterie de la Nao qui a déjà tourné quelques heures ce matin et ce soir. Cédric me donne des news des copains (Mike est reparti vers 20h), des messages de ma famille (Céline est à fond!), et me passe un coup de Nok. Je change de chaussettes (ah le bonheur d'enfiler des chaussettes sèches) et de chaussures (pas la peine de garder mes Raptor spéciales cailloux pour courir sur des sentiers boueux détrempés, c'est pas vraiment leur terrain de prédilection). L'idée est de repartir vite, mais le temps file à toute allure (où est passée cette demi-heure ?) et même cette courte pause m'a un peu coupé toute mon énergie, je me suis refroidie et la fatigue commence à me tomber dessus. Je repars vite vers la descente, le bénévole essaye de scanner mon dossard alors que je lui tends le mauvais côté de la ceinture, oups, ça c'est le téléphone, désolée je suis pas bien réveillée...
Descente sur Fond de France - 1h15
Me remettre en marche a tôt fait de me réveiller. Je descends en marchant ou en trottinant, en musique, mais je me fais encore doubler tout plein, ça devient usant. Dire que l'an dernier j'étais ici toute seule... Si au moins ils me disaient quelque chose en passant, mais la plupart sont déjà par petits groupes de 2 ou 3 coureurs, et passent sans un mot pour moi. Dommage. Je double une italienne et son binôme, je commence par l'encourager en français, elle me répond en anglais, je lui demande comment elle va en anglais, elle me répond en italien, je crois que j'ai répondu en espagnol avant de filer 🤣. On se reverra plusieurs fois ensuite, toujours avec quelques mots dans l'une ou l'autre langue. En attendant, sur cette section je commence à sérieusement accuser le coup. Je ne suis pas fan de la montée qui arrive, même si Cédric doit la faire avec moi, et je commence aussi à redouter de passer le Moretan en pleine nuit : ça va cailler. Pensées négatives, fatigue, je sais que la nuit est propice à ces moments de doute, mais rien à faire. Il doit falloir que je dorme.
Parking du Clay, vendredi 23h45 - départ 00h30 ?
J'exige de dormir un peu, je ne sais pas si je dors vraiment mais je ferme les yeux une vingtaine de minutes, je me calme, je bois un café, et puis il faut bien repartir. Hors de question de passer la nuit entière à galérer par ici comme l'an dernier.
Montée de la Valloire, 2h
Cédric me fait le pacer pour toute la montée, à grands coups d'encouragements, de compliments sur mon rythme de tortue, de rappels qu'il faut manger et boire pour avancer (on dirait qu'il s'est mis d'accord avec ma soeur et son fameux slogan : ça sert à rien d'avoir une Ferrari si tu mets pas d'essence dedans !). On laisse passer plusieurs petits groupes de coureurs, toujours regroupés, à croire que personne ne veut être tout seul la nuit. En fait probablement beaucoup avaient leur pacer avec eux. La montée est humide, raide, sans intérêt, et interminable. Bref : j'aime pas du tout ! Mais on finit par déboucher hors des arbres, de jour on verrait en direction du Col de la Valloire, le parcours du 85km, mais là on ne voit que le ciel étoilé, et c'est déjà pas mal. Le ravito brille de loin, illuminé façon disco, ça nous montre l'objectif.
Ravito du Chalet de la Valloire, 11mn d'arrêt
Le ravito a été avancé un peu, il y a un couloir de rubalise, pour les parcours qui repartent ensuite dans la montée vers les 3 Laux et l'enchaînement des cols de la Valloire, Comberousse, Morétan. Il y a un petit feu, je m'assois sur un banc le dos vers les flammes pour me réchauffer un peu, pendant que Cédric me ravitaille. Un hollandais s'assied à côté de moi et nous interpelle en anglais sur le fait qu'on a un "hobby" bien pourri :-) puis il ajoute qu'il ne faut pas oublier qu'on a payé pour être là. Non non, j'oublie pas, j'ai encore le sourire. [Mais je me rappelle à peine de cette anecdote, un peu comme si je l'avais rêvée, j'ai dû confirmer avec Cédric, pour dire dans quel état de fatigue j'étais à ce moment.]
Et là deux DuÔ débarquent au ravito, l'un des gars torse nu sous son sac, on hallucine tous un peu. Il ne fait pas si froid par rapport à ce matin cela dit. C'est une pensée qui me poursuivra un moment : après avoir passé Freydane dans ces conditions, rien ne peut être plus dur, il n'y a plus qu'à finir pour ne pas l'avoir fait pour rien. Café, soupe, et on se bouge.
Chalet de la Fouetterie - 26mn
On continue en balcon jusqu'au chalet suivant. C'est là que Cédric bifurque pour descendre à travers bois sur le pont de la Valloire, puis redescendre la course à l'envers sur la piste jusqu'au parking du Clay. Je continue solo sur le balcon. La lune au-dessus de l'horizon éclaire quelques nuages, dessin fantomatique.
Balcon de la Valloire, 2h (1h jusqu'au lac Léat, 1h de descente ensuite)
Je n'avance pas bien vite, je suis fatiguée, j'aimerais dormir. En plus le balcon est assez technique par endroits, de la caillasse, pas facile à négocier la nuit. J'arrive enfin à la bergerie de Tigneux, on est à nouveau pointés, ils ont aussi un feu mais je ne traîne pas. Un lit m'attend à Gleysin et je ne pense qu'à ça. Ensuite le sentier descend jusqu'au lac Léat. Ils ont mis des gros ballons gonflables lumineux, qui flottent à la surface du lac et se reflètent dans ses eaux sombres. Spectacle magique, complété par le croissant de lune qui émerge entre les nuages, et quelques étoiles.
Photo par les bénévoles du Lac Léat
J'ai beau ne pas être en grande forme, j'admire. Je me pose sur un banc avec les 2 bénévoles qui nous pointent, je leur demande des nouvelles du parcours de repli qui remplace le Morétan : on prend le GR, le Praillet, Plan de l'Ours, ouf. Pas de détour par Périoule par une obscure crête comme Cédric m'avait raconté, je crois qu'il s'est mélangé avec le parcours du DuO... Les bénévoles nous proposent des caramels, et nous annoncent "plus que 4km jusqu'au ravito", là on râle parce que c'est déjà ce qu'on nous a dit au chalet de la Valloire. Du coup avec Cédric on s'était dit rdv dans 1h à Gleysin, et j'ai déjà mis 1h à arriver là. Mais bon, ça ne changera rien de râler, il va bien falloir avancer jusqu'à ce lit !
Je repars donc sur un rythme effréné, ou pas. Je mets un pied devant l'autre, je regarde parfois les kilomètres défiler désespérément lentement sur ma montre, du coup j'arrête de regarder. Une fois en forêt sur une bonne piste, j'accélère un peu et recommence à trottiner. Un gars s'accroche à moi, sans un mot, et me suit pendant une bonne demi-heure. Puis à la seconde où je m'arrête pour un souci technique, il me dépasse et me plante là toujours sans un mot, merci au-revoir et bon débarras, ça commence à m'énerver un peu de servir de lièvre à des boulets qui ne te rendent jamais la pareille et te laisseraient crever sur le bord du chemin. (Oui la fatigue n'aide pas à rester zen.)
Gleysin, 5h04 du matin, 321e - départ vers 6h05
J'arrive donc seule au ravito de Gleysin. Cédric n'est pas là, je mange une soupe en attendant et en m'inquiétant, quand même j'ai mis 2h15 depuis qu'il m'a laissée à la Fouetterie, il devrait être arrivé depuis un bail. Je fais et refais des calculs dans ma tête sur le temps qu'il aurait dû mettre, puis vais demander des nouvelles au bénévole. Heureusement une navette arrive pile à ce moment, et Cédric est dedans. Du coup je vais dormir sans rien avoir mis à charger, et sans m'être changée. Je prends la place d'un coureur qui se réveille, pendant 5mn il est assis à un bout du lit pour se préparer pendant que je dors de l'autre côté. C'est l'heure de pointe, dodo en flux tendu ! J'ai demandé à la responsable de me réveiller à 5h45 et prévenu Cédric qu'on repartait pour 6h. Je dormais bien quand elle me réveille, je serais bien restée, mais il faut y aller.
Montée de l'Aulp Bernard et du Praillet
Cédric part avec moi, mais il est crevé, il n'a toujours pas eu le temps de dormir, et il ne m'accompagne finalement que 1 ou 2km avant de faire demi-tour. Ca m'aura permis de partir du ravito avec une doudoune le temps de chauffer, et de la lui laisser ensuite. On est sur un sentier forestier, puis un sentier vallonné dans des alpages. J'adore le Morétan, et surtout la troupe de bénévoles, toujours les mêmes, qui chantent là-haut par tous les temps (et cette année n'a pas fait exception, ils ont chanté dans le froid pour les DuÔ et les 85km), mais il faut bien avouer que comparé à ses gros blocs, son névé glacé et sa moraine, notre sentier est beaucoup plus reposant ! Je passe le chalet de l'Aulp Bernard dans les premières lueurs, et j'arrive assez vite au sommet du Praillet, il doit être un peu plus de 7h du matin. Je peux ranger la frontale et attaquer cette 2e journée qu'on nous a annoncée plus ensoleillée.
Descente du Praillet - total 2h11 montée + descente jusqu'au pointage 4x4
La descente qui suit se fait sur une large piste forestière qu'on a grimpée une fois avec Cédric, un jour où on a fait le Morétan en boucle avec retour par ce GR. Je sais donc ce qui m'attend, c'est rassurant. Je sais qu'on va pouvoir courir, mais j'ai les jambes dans un état... j'ai mal à des muscles dont je n'imaginais même pas qu'ils devaient bosser pour courir, genre les fessiers, et je suis en limite de crampe aux triceps, aux abdos, chaque pas fait vibrer et souffrir tous mes muscles. Bref, autant dire que la perspective de me mettre à courir ne m'enchante pas beaucoup finalement. Mais plusieurs paires de coureurs me doublent, je les suis un peu, puis je marche, j'alterne, etc, jusqu'à ce qu'à un moment je m'accroche à une paire qui descend pas mal et je me force à rester derrière. Après quelques minutes comme ça je commence à chauffer, à prendre le rythme, et à me remotiver. Résultat j'accélère, je leur lance un mot d'encouragement en les doublant, et je file. Puis je commence à jouer à Pacman, et ça j'adore.
Devant moi il y a plein de gars qui marchent la descente, je les dépasse et les encourage à tour de rôle, j'accélère de plus en plus, ma musique m'entraîne. La piste est large, c'est facile de doubler, sauf quand c'est un gros groupe. Il y en a un qui m'annonce, "attention ça relance derrière", et son copain "ça relance ? quoi ?!" d'un air interloqué. Qui peut bien être assez dingue pour dévaler une piste forestière à fond avec 5 kgs sur le dos, au tout petit matin après une nuit blanche, et avec encore 60 km à avaler aujourd'hui ? C'est Pikachu ! :-) N'empêche, ça fait du bien de dérouler un peu. En bas on retrouve la piste de 4x4, je vois le sentier qui descend du barrage du Plan du Carré / lac de Périoule, il reste 1 ou 2 km de faux plat descendant puis on retrouve les bénévoles en 4x4 qui marquent le pied de la montée du Compas. Je sors mon téléphone pour avoir des nouvelles de Cédric (il a envoyé un seul message il y a peu, pour dire qu'il attend encore la navette à Gleysin, donc je sens bien le retard) et j'en profite pour faire une photo.
Montée de la Pierre du Carré, samedi matin 8h15 - 55mn de montée
Je pointe et c'est parti, au train. Je pousse sur les bâtons, je monte régulièrement, et en moins d'une heure c'est plié. Cette montée n'est pas si pire en fait. Annoncée dans le roadbook comme "la plus raide du parcours" et sans intérêt, elle passe plutôt bien, surtout dans la fraîcheur du matin vs la canicule de l'après-midi. Elle est effectivement sans intérêt et je n'en garde d'ailleurs aucun souvenir.
Balcons de Super Collet, 56mn
En haut on débouche dans l'alpage du Compas, il reste à parcourir le balcon vers le refuge de la Pierre du Carré puis à rejoindre la station. Impossible de joindre Cédric qui ne sera visiblement pas à l'heure, je stresse, je flippe, je m'énerve, je ralentis pour lui donner le temps d'arriver, je cogite, je ne profite plus trop du trajet. Pourtant ça commence à sentir bon, j'ai passé la nuit, j'arrive tôt à Super Collet, pile dans mon plan de course (10h du matin), j'ai des bonnes chances de finir cette aventure avant minuit. On croise plusieurs personnes qui nous annoncent le ravito dans "1.3 km" ou dans "750m", mais je n'écoute jamais vraiment leurs indications. Je prends les encouragements et j'avance, j'arriverai bien quand j'arriverai. Et en plus je ne suis pas pressée, j'aurais bien voulu être sûre que Cédric soit là avant d'arriver !
On descend la piste de ski directement vers le Very et les immenses barnums du ravito. Un hélico survole juste au-dessus de nous, je ne sais pas ce qu'il fait mais ça fait un boucan d'enfer.
Super Collet - 10h09, 282e - départ 10h38
Tout pile dans le temps de mon plan de course donc, sauf qu'on n'a fait ni la Croix ni le Morétan ^^'
Pas de Cédric, donc je m'installe pour manger une soupe, je retrouve un coureur qui reconnaît "Pikachu de l'Ut4M", je me détends un peu les jambes et les pieds (releveurs toujours en mode survie).
Enfin un appel de Cédric, il a réussi à se garer au Collet et il monte... bon ben j'attends, une 2e soupe pour la route, et le voilà enfin. J'échange mon T-shirt long bien trempé contre un T-shirt court tout propre, ça fait du bien. Je veux charger ma montre ? oublié le câble. Récupérer mes lunettes de soleil : oubliées. Bon, je récupère la batterie neuve de Nao, un nouvel iPod, et me voilà autonome jusqu'à l'arrivée, à tout hasard, même si on se donne rdv à Val Pelouse.
En partant, un bénévole vérifie que je n'ai pas oublié mes bâtons (qui sont rangés dans mon dos), c'est super sympa ! rien de pire que de devoir faire demi-tour quelques hectomètres plus loin pour revenir les chercher. Je le rassure et le remercie quand même d'y avoir pensé pour moi. Un exemple parmi 1000 de toute la bienveillance dont on a fait l'objet pendant qu'on s'amusait sur les chemins par un temps à pas mettre un bénévole dehors.
Montée des Plagnes
On retrouve ici le parcours des crêtes (57 ou 62km, je ne sais plus à force que le parcours change - dossards et bracelets violets). Ils montent comme des cabris par rapport à nous, je sens que ça va être galère. Tant qu'on monte sur la piste de ski, c'est facile de doubler, mais ça risque de se compliquer ensuite vers les Férices. D'un autre côté c'est sympa de voir un peu de monde, et il y en a quand même quelques-uns qui nous encouragent, nous félicitent, ça fait chaud au coeur.
Mes lunettes de soleil ne me manqueront pas longtemps, le soleil qui devait revenir ce matin ne fait que quelques apparitions, et sur la crête des Plagnes c'est retour dans le brouillard. Pas de parapentes cette année. Le télésiège tourne pour monter des supporters au col.
Col du Claran
Un bénévole nous pointe avant d'amorcer la descente, et m'annonce que sur l'Intégrale on a couru tout pile 100km (ah oui, j'en ai 102 à ma montre, je n'avais même pas tilté). En fait je n'ai pas regardé une seule fois le kilométrage (ah si, cette nuit pour descendre à Gleysin quand ça n'avançait pas) et rarement l'heure. Je me contente d'avancer, comme je connais le parcours par cœur je sais où je vais et je sais à peu près combien de temps je vais mettre.
Passerelle du Bens - samedi ~12h40 (2h03 en tout pour 8km depuis Super Collet)
C'est long, c'est humide, ça monte et ça descend, ça double, ça bouscule même parfois, il y en a qui sont pressés. Je trottine quand c'est possible, en faisant attention de ne pas glisser. Je discute avec quelques coureuses du 62km, ça change de voir enfin des filles. Et puis voilà la belle passerelle, le chalet de Pré Nouveau, et le début de la montée.
Montée des Férices (55mn pour 2 km de montée)
Je sors les bâtons en traversant le pont et c'est parti. Je surveille le dénivelé restant qui défile sur ma montre. Il y a un petit train derrière moi, pour pas changer, je donne un petit rythme mais régulier, même des dossards violets s'accrochent, j'essaye de ramasser aussi les fatigués qui font une pause au bord du chemin. La cascade à notre droite dévale en rugissant entre les arbres. Puis on émerge de la forêt, on voit les rochers au-dessus, une bénévole ou spectatrice postée au panneau nous annonce le refuge tout près. Je range mes bâtons pour me libérer les mains en prévision (et puis ça évitera d'éborgner quelqu'un avec...).
PM Refuge des Férices - samedi 13h33, 247e - 2mn30 d'arrêt
((32h30 de course, la première femme est déjà arrivée, douchée, reposée depuis 5h))
Le refuge se dévoile au dernier moment. Il sert de ravito pour les DuÔ des Cimes qui arrivent d'au-dessus, et pour les 3 parcours qui suivent le même chemin ici. Autant dire qu'il y a foule. Ce sont des ados qui nous servent à boire, ils sont là depuis hier pour les DuÔ, c'est cool. Je descends plusieurs gobelets de Pulco - Saint Yorre, et finis par en mettre dans mon bidon pour avoir un peu de sucre facile à avaler. Et je repars pour le gros morceau de cet après-midi, mon très redouté col d'Arpingon.
Col d'Arpingon, ma hantise (1h10 de montée)
On est un peu à la queue leu leu. Le soleil joue à cache cache avec les nuages. Je suis toujours en T-shirt court, j'hésite plusieurs fois à enfiler ma veste, mais je suis toujours suivie de près, difficile de ralentir, et puis à chaque fois le soleil revient et me réchauffe. Une sale bête (un taon ?) en profite pour me piquer 2 fois sur le bras, au moins pour un moment j'ai mal ailleurs qu'aux pieds !
Le col d'Arpingon se mérite. C'est une montée en plusieurs fois, tu crois être arrivé mais non, il te joue des tours. Du coup j'ai mis la navigation sur ma montre et je surveille le dénivelé restant pour ne pas me faire avoir. Une première belle bosse dans l'herbe, puis on redescend de l'autre côté et nos prédécesseurs nous dévoilent ce qui nous attend, une autre épaule à passer. J'ai hâte que le parcours des crêtes bifurque pour être un peu plus tranquille, au col ils doivent filer à droite vers le Rognier pendant qu'on plongera sur Val Pelouse. Enfin voilà les bénévoles du col, qui nous pointent et nous annoncent "5km que de descente" : beau mensonge...
"Descente" sur Val Pelouse (1h20)
J'ai rangé mes bâtons dans mon dos, mais on ne tarde pas à devoir grimper un premier mur, je suis presque à 4 pattes tellement c'est raide, je l'avais oublié celui-là... Un 2e tout pareil juste après et voilà le col de la Frêche, c'est là que le parcours violet bifurque. Nous, on descend, pour de vrai cette fois. Un peu raide et technique au début, et un peu vallonné après, mais globalement ça descend. Florentin qui court le 85km me double, en grande forme, il finira 10e. Je croise aussi plusieurs fois Axel du TTT. Et puis je me retrouve un peu seule. Je remets de la bonne musique motivante et je commence à cogiter à l'arrivée qui se rapproche, ça motive, j'en ai des frissons. Cette fois on a vraiment passé toutes les grosses difficultés. Quelques vaches au bord du chemin nous observent. L'ambiance commence à se rafraîchir, la station semble perdue dans les nuages qui s'accrochent aux pentes herbeuses. J'attends le ravito pour m'habiller plus.
R9 Val Pelouse, samedi 16h06 - 232e
Bonne surprise, j'arrive sous les encouragements de Philippe (des 24h de Tullins) : il attend son fils Hugo qui court le 85km, ça fait plaisir de le voir. Moins bonne surprise : Cédric n'est pas là. Cela dit, j'ai tout prévu pour être autonome, donc ça ira. Il faut dire que la route d'accès s'est effondrée récemment, rendant l'accès compliqué (une bonne rando), et le ravito est donc très calme par rapport à l'an dernier.
Comme je n'ai pas de réseau (avec Free, ceux qui veulent se déconnecter ont tout compris...) j'emprunte un téléphone aux 2 bénévoles du pointage (qui m'ont d'abord proposé de m'arranger avec un gars qui lui ne trouvait pas sa femme, pour refaire des paires autrement ^^' - elles mettent aussi comme condition que je dois bien l'engueuler). Bref, je réussis à le joindre, il est quelque part entre le Gargoton et le col de la Perrière, en train de grimper. Je le croiserai en partant. Il a dû se taper une belle rando à rebrousse parcours depuis Teppe Verte, c'est du sport aussi de faire l'assistance !
Du coup je passe au ravito me faire un bol de soupe aux pois cassés, trop délicieuse (une soupe de légumes n'est jamais aussi bonne qu'en montagne quand tu as eu froid et faim toute la journée). Je complimente les 2 dames qui nous la servent, et elles sont ravies de mon sourire, échange gagnant-gagnant. C'est vrai que beaucoup sous la tente tirent un peu la gueule. Je ne traîne pas.
Montée au col de la Perrière (41mn)
Au-dessus du ravito, on repart droit dans la pente herbeuse de cette ancienne station de ski, dans les nuages, ça monte dru. J'ai enfilé ma veste. Je me fais doubler par plusieurs coureurs du 85km, dont Hugo, ça fait plaisir ! Il a l'air en forme, il grimpe bien et je suis vite semée. Il y a aussi Jonathan de Grenoble Trail. Je retrouve Cédric posé tout en haut, face aux Grands Moulins camouflés par la brume, je ne peux qu'imaginer les DuO sur la crête.
Cédric a tout installé au bord du chemin, pour charger un peu ma montre et me changer. Je passe un t-shirt long au lieu du court. J'ai tellement mal aux pieds que je prends le temps de les noker un peu et de changer de chaussettes. Comme il repart dans la même direction, il devait me pacer jusqu'au col de la Perche, mais finalement il me dit qu'il n'arrivera pas à me suivre avec le sac de ravito, et je repars donc solo, en lui abandonnant mes bâtons... et ma montre... Demi-tour 200m plus loin quand je m'en aperçois, et je repars pour de vrai. Je n'aurai plus vraiment besoin des bâtons, de toute façon j'ai mal aux bras, et puis ça m'allègera dans les 2 fois 10km de descente qui arrivent. On se donne rdv à l'arrivée et je file.
Descente au Gargoton (33mn) et remontée au col de la Perche (34mn)
Je trottine bien dans la descente, en embarquant quelques gars derrière moi. En bas on traverse les sources du Gargoton, je confonds des spectateurs avec des bénévoles et leur montre mon dossard, ça les fait rigoler. Puis on s'engage dans la montée. Je regrette un peu les bâtons, mais en fait je tiens un bon rythme. Un Anthony me rattrape, entend mon prénom, et me dit qu'il connaît Théodore et sa cousine Marine, qui l'avait chargé de me trouver sur la course : voilà chose faite ! Heureux hasard. Du coup on discute toute la montée, ça fait longtemps que je n'avais pas eu un peu de compagnie. On double une pauvre randonneuse qui grimpe et nous demande combien il en reste derrière nous, parce que ça lui casse son rythme de s'arrêter à chaque fois pour nous laisser passer, pas de chance pour elle. La montée d'abord dans les arbres débouche sur une zone plus ouverte sous le col, au pied du Rognier, perdu dans la brume, une constante ce week-end.
Le lac des Grenouilles et le Grand Chat (40mn), descente au col (15mn)
On redescend derrière le col de la Perche, le parcours a légèrement changé, on passe un peu plus haut pour laisser le sentier du bas aux coureurs du 62km qui remontent du ravito de Fontaine Noire après avoir fait le Rognier. Certains commencent à accuser le coup. Mais on reconnaît les 149km, on est plusieurs à tousser, à moitié malades de s'être pris un froid hivernal hier [je tousse toujours 3 jours plus tard]. On descend jusqu'à longer le lac des Grenouilles, il a pris une belle couleur ce soir en reflétant les quelques rayons qui transpercent les nuages.
Quelques vaches font sonner leurs cloches au bord du chemin. On est encore et toujours dans le brouillard. J'enfile la veste en prévision du vent qu'il fera sur la crête là-haut. Il y a de nouveau du monde, beaucoup de coureurs et coureuses du parcours des crêtes. Je laisse passer, je prends mon temps dans la montée en crête jusqu'au gros cairn, puis dans la descente technique au début vers le col de Champet, je sais qu'il reste largement de quoi courir ensuite.
PM34 Col du Champet, samedi 19h10, 208e (km 128)
Comme je l'espérais, il fait encore largement jour. On passe un poste de pointage avant d'entamer la loooongue descente sur le Pontet. J'accroche une coureuse du 62 km dans la descente, je peux la suivre pendant un temps, elle descend bien, si bien qu'à un moment je me crois en train de descendre le final vers Aiguebelle. Puis je me rappelle qu'on en est encore "loin" (tout est relatif bien sûr, mais quand même une vingtaine de km, ce n'est pas rien). Je n'aurai pas assez de jus pour tenir comme ça jusqu'en bas, ça tape, ça fait mal, alors je l'encourage et la laisse filer. Un gars la rattrape en coupant 2 lacets et continue avec elle. Je suis de plus en plus persuadée que préservation de la montagne et compétition ne font pas bon ménage : du moment qu'il y a un chrono à la clé ou un collègue à doubler, il y aura toujours quelqu'un pour couper un sentier ou jeter ses déchets par terre pour gagner 3 secondes.
La suite est un long calvaire pour moi (bon, 52mn de descente, c'est pas pire). Il faudrait courir, et d'ailleurs les innombrables coureurs des "petits" parcours qui me doublent me montrent bien que c'est possible, mais je n'arrive pas à me motiver. Mon objectif d'arriver au Pontet avant la nuit est largement atteint, pas besoin de me presser plus que ça, je me dis qu'il faut me préserver pour la descente finale. En plus le parcours a changé, je ne m'y attendais pas. Le ravito n'est plus au Pontet mais au Bourget en Huile. Du coup on pique plus à gauche et plus raide pour descendre au ravito, ce qui raccourcit cette descente mais rallongera d'autant l'étape suivante.
R10 Le Bourget en Huile 20h02, 216e - environ 20 mn de pause
Un ravito accueillant, des grandes tables de picnic, pas mal de familles posées là, bonne ambiance. Je commence par chercher une soupe de pois cassés, la même qu'à Val Pelouse, puis je vais voir le podologue. Pas de gros bobos, une mini ampoule (grâce à une bonne prépa des pieds en amont), mais surtout des pieds bien gonflés par les chocs, j'espère que 10mn de perdues pour les rafraîchir avec un peu de Nok me permettra d'en gagner au moins autant en profitant mieux de la descente finale. La pause est longue effectivement, mais ça ne fait pas de mal. Je m'assure juste de repartir avant la nuit.
Retourner au Pontet, 40mn
Je repars toute seule sur une piste forestière, il faut remonter un peu d'où on vient pour reprendre le GR et le suivre le long de la route jusqu'au Pontet, la seule portion de ce parcours que je ne connais pas (je n'avais pas compris que le ravito avait bougé). Je profite des dernières lueurs du jour et du premier accès au réseau 4G depuis un moment pour lire un peu mes messages, regarder sur le live si Mike a fini (oui juste avant 18h, pile dans son plan \o/ ). Je suis toute seule, les "petits" parcours qui ont dévalé la descente tout à l'heure doivent déjà être bien engagés vers l'arrivée maintenant. Je discute un moment avec un marseillais et une parisienne avant de les perdre eux aussi tous les 2, lui parti devant et elle ralentie par un genou fatigué. On rejoint bientôt la route en traversant un champ, un peu avant les yourtes qui abritaient l'ancien ravito. De l'autre côté de la route on retrouve la montée vers Montgilbert, la dernière. Il ne reste plus qu'une bosse et la descente finale à savourer, si j'y arrive. Livetrail m'annonce pour une arrivée après minuit, mais je me dis que c'est parce qu'il ne connaît pas ma descente légendaire !
Fort de Montglibert - 1h de montée
Pour l'instant c'est dur de relancer. Le début de la montée me sauve, il n'est plus question de courir, mais de mettre un pied devant l'autre. Plus de bâtons, je gère, ça commence par monter facile, mais au bout d'un moment c'est une espèce de tranchée super raide qui n'en finit plus, je regarde le dénivelé restant diminuer petit à petit sur ma montre, encore 100m, encore 70m, encore 50, allez, 30, 20, 10, voilà enfin le replat, le dernier coup de cul, la barrière de la piste, la pente s'adoucit enfin. En vrai je n'ai toujours pas vu ce fichu fort, au moins 3 fois que je me tape cette montée, et toujours pour rien ! 😅
22h, enfin sur la piste, mais impossible de relancer, trop mal aux jambes. Je devrais courir sur ce faux plat, m'activer un peu, rien. Plus d'énergie, plus d'envie, je m'énerve toute seule sur cette piste qui n'en finit pas de monter en faux plat. L'an dernier j'avais fait cette section en 2h30, alors pourquoi là j'y arrive pas? (peut-être que j'oublie déjà de compter les 2 km de détour depuis le Bourget en Huile... mais va raisonner une coureuse qui a 130 bornes dans les jambes et 40h d'éveil dans le cerveau...). Je commence à dormir debout, je titube. Une coureuse me passe en me demandant si je m'endors : "oui", elle continue comme si de rien. J'en ai marre, je râle toute seule. La nuit ne porte pas conseil quand on ne dort pas, au contraire, elle porte fatigue, doutes, pensées négatives...
22h15, quelque part à Montgilbert - sommet de la dernière bosse
Me voilà en haut de la piste, le sentier commence à descendre. Je me mets un coup de pied au cul et je commence à trottiner dans la descente derrière quelques coureurs. J'ai mal partout, c'est horrible, tous mes muscles vibrent à chaque choc. En plus je sais qu'il reste 2 espèces de murs à passer au début de la descente avant de pouvoir vraiment dérouler. Le premier est sévère, il cueille tout le monde à froid, j'avais prévu le coup, j'encaisse. Le 2e est plus court, mais on me double encore.
Pour ne rien arranger à mon humeur, ma montre m'annonce 11km restants et une arrivée vers 00h15. Sauf que je veux arriver avant minuit, et que je commence à en avoir marre de me faire doubler par tout le monde, là, ça suffit maintenant. Je suis en haut, yapluka descendre, alors les jambes et les pieds, vos gueules, vous dormirez plus tard. J'accélère. Je fais glissade sur glissade sur des racines mouillées, manque me gameller 2 fois de suite, insulte les racines, me reconcentre, et c'est parti. Je double un coureur, une coureuse, ça va mieux, je reprends de l'énergie. Je commence à tenir un bon rythme, à oublier les douleurs. Je cherche les meilleures chansons de mon iPod pour accompagner mon regain d'énergie. Je double à gogo maintenant, et en 45mn je touche... la route bitumée ! Eh oui même une adepte des cailloux peut être ravie de trouver un beau bitume bien lisse.
Là ça me met un sérieux coup de boost. Mon iPod est à fond, ma frontale pareil, et moi aussi. Garmin me pointe un moment à plus de 17km/h, je dépose tout le monde sur place. Je me fais un plaisir de redoubler tous les coureurs du 85 km qui m'avaient dépassée sans un mot tout à l'heure, en leur lançant un "courage" ou "allez les gars" au passage. Je rattrape Daniel et son binôme de DuO, les copains de Super Collet : "Carole ! mais moi aussi je peux courir ! - allez viens !" mais non il ne me suivra pas. Du bitume, des lampadaires, des maisons, on approche, mais pour l'instant je crois que je pourrais descendre comme ça pour toujours. Je cours, je vole, je chante, je double, je survole la route. Manque de bol ils nous font couper quelques beaux lacets de bitume par un sentier d'herbe détrempée gadouilleuse tout pourri, ça glisse, mais bon, t'as signé pour un trail 😝
Retour au bitume, et soudain : le panneau d'entrée dans Aiguebelle. Je le salue d'un poing rageur. Je ne sais pas comment je fais à chaque fois pour passer d'un état de fatigue infinie à un état de survoltage extrême, le tout en 5mn, mais je l'ai encore fait. Je repense à Freydane, le vent, la pluie, la grêle, le froid, tous ces entraînements dans la canicule, tous ces cailloux depuis hier, tous ces cols, tous ces bénévoles au taquet pour nous. Je revois les moments de doute, la fatigue, les pensées négatives, envolés. Je suis arrivée à Aiguebelle. J'accélère. La descente est terminée, c'est plat maintenant, il faut s'accrocher pour tenir le rythme. La route prend un virage, passe un pont sur l'autoroute. Pas de détour derrière le camping cette fois, on longe la route jusqu'au gymnase, on la traverse, merci les signaleurs, le couloir de rubalise du terrain de basket, Vivaldi à fond dans les oreilles, je ne vois plus personne, je n'entends plus rien, si, Cédric m'encourage à l'entrée du parc, il me suit dans le couloir de barrières dans l'herbe, je crois que j'accélère encore, je vois l'arche, et derrière... la cloche.
Arrivée à Aiguebelle, 23h18, 203e
Putain c'est fini. ça fait bizarre. Je reprends ma respiration. Cédric arrive derrière moi pour un câlin d'arrivée, et puis il me montre la cloche. C'est vrai que c'est pas tout ça, mais ça fait un certain temps que j'attends ce moment. Alors je la fais résonner, qui sait pour la combientième fois aujourd'hui, et peut-être 15 ou 20h après les premiers arrivés, mais je la fais sonner pour toutes les heures dans les cailloux, pour les litres d'eau qu'on s'est pris dans la figure, pour les centaines de milliers de pas depuis hier, et encore sonner, pour les 3 spectateurs dans le parc, pour Cédric qui me suit depuis hier et n'a toujours pas dormi, pour les centaines de bénévoles qui ont veillé sur nous pour rendre cette aventure possible, pour tous ceux qui sont encore là-haut dans la montagne, pour le PC course qui a géré d'une main de maître des décisions pas faciles et qui va veiller encore quelques heures. Ah quel doux bruit que cette cloche, qui sonnera et sonnera, encore et encore toute la nuit.
Après c'est flou, je me débarrasse de mes 5 kgs de barda, j'ai très chaud maintenant, je viens quand même de claquer les 10 ou 11km de descente finale en 1h. Il est 23h15, arrivée avant minuit : check, j'ai mis 1h aux prévisions sur la dernière section. Temps de course officiel 42h17, dont presque 4h d'arrêts divers (ravitos, dodos). Je re-sonne la cloche pour faire bonne mesure, je félicite les suivants qui arrivent. Pendant un long moment vont arriver tous ceux que j'ai doublés dans cette dernière descente.
Et après ça...
Avantage d'arriver le soir, j'ai le temps d'aller prendre une bonne douche et de dormir toute la nuit, avant de revenir encourager les derniers, qui arriveront au compte-goutte toute la matinée. On a raté Frank arrivé juste avant 8h, bravo ! Massage, récup, courses enfants (au tour des derniers arrivants du 62 km de se faire doubler par des avions, hauts comme 3 pommes. Un enfant qui court c'est du bonheur à l'état pur).Un peu après midi, les 3 derniers, un couple sur le 85 km et un gars sur le 149km, auront droit à une arrivée mémorable. Le speaker interrompt les podiums pour nous envoyer tous nous amasser autour des barrières, on est des dizaines, des centaines?, à taper comme des abrutis sur les plaques publicitaires, au point que certaines vont se décrocher, on fait un boucan d'enfer, ça y est je chiale d'émotion. Le dernier de l'Intégrale nous gratifie d'un tour d'honneur pour taper dans toutes les mains des 2 côtés du couloir d'arrivée, avant d'aller sonner la cloche. Et retour sur le podium, où ils sont accueillis tous les 3 avant de reprendre les récompenses de toutes les courses. Tous les DuÔ montent aussi sur le podium, ça me permet de retrouver Daniel, puis David, qui ont tous les 2 fini cette aventure avec leur binôme et me donnent bien envie d'y aller aussi.
Cerise sur le gâteau pour moi je fais le podium V1F (la vraie première V1 étant sur le podium scratch femmes). Visiblement j'en ai gratté plusieurs dans la descente finale 😇
Et voilà, c'est fini...
A priori, je ne devrais pas remettre ça sur l'Intégrale de sitôt. L'an prochain je signe comme bénévole. Par contre si jamais le DuÔ des Cimes reprend du service... Allez !!
Lien Strava
Un grand bravo pour ta perf. Je t'ai suivie à distance et tu as fait vraiment une super course ! Une warrior ! Bonne récup !!
RépondreSupprimerMerci Fred ! c'est vrai que le démarrage n'était pas facile... mais on a quand même gagné pas mal de temps du coup avec les shunts
RépondreSupprimersalut, je te renvoie le compliment fait sur mon récit de 2017 cet AM. Bien péchu ce récit. Et donc tu as doublé le duo de Dan juste avant ou juste après le mien puisqu'on n'avançait plus trop...il me semble même me souvenir d'une fille qui nous a doublé au moins à 15km/h, un des potes faisant semblant de la suivre (il n'était pas fatigué lui)...Bon, en 2023, rebelote et objectif 40h en prenant moins de pauses.
RépondreSupprimerMerci Jano ! ça devait bien être moi la fille en question, je crois pas qu'il y en ait beaucoup qui aiment autant sprinter comme des fous pour finir 200e ^^' Bon 2023 je te vois au Pleynet alors, je signe comme bénévole dans l'équipe des boosters !
RépondreSupprimeron verra ça oui...le problème est qu'on peut pas tout faire...mais sur les 5 dernières années, j'ai fait 2 intégrales, 1 duo, 1 multi-bénévole et 1 fois en candidat libre juste avant le tor.
Supprimer