vendredi 7 octobre 2011

Récit 24h de Grenoble

Ça y est, c'est fini... Le week-end dernier j'ai donc couru 24h en rond autour du Parc Mistral. Ça a l'air tellement stupide que personne ne veut le croire d'ailleurs :-)

Le matin, je me lève à 7h pour le petit déj pré-course et le match de rugby France-Tongas supposé me donner la pêche. Pas vraiment en fait... En plus ma montre GPS s'est bizarrement déchargée pendant la nuit et je dois la recharger en urgence et arrive donc au dernier moment à la Halle Clémenceau, centre névralgique de la course à venir.

10h, le départ est donné, et une centaine de coureurs s'élancent de l'anneau de vitesse. Pour l'instant tout va bien, je me retiens bien de suivre le rythme assez élevé de certains, et pars en footing super tranquille, tout étonnée de lire sur mon Garmin que je dépasse pourtant allègrement les 10 km/h. Au bout de 3 tours, je me pose pour la première fois LA question : mais je vais vraiment pouvoir faire ça pendant 24h ? Puis je l'oublie et n'y repenserai plus.

Après la première heure, une dizaine de kilomètres faits, après la 2e environ 18, je baisse progressivement le rythme à environ 9 km/h en comptant quelques arrêts au ravito pour manger un peu (ma principale alimentation du week-end : le mélange raisins secs amandes) mais surtout boire. il commence à faire chaud. Deux bassines d'eau avec des éponges sont positionnées en 2 points du parcours, rapidement je trouve une éponge et ne la lâche plus, la rechargeant en eau à chaque tour pour m'asperger. Je serai trempée tout l'aprem, mais je ne souffrirai à aucun moment de la chaleur. Par contre les genoux eux commencent à tirer, je les arrose d'eau froide aussi, et je commence à alterner marche sur les parties les plus dures (béton) et course sur les parties plus souples à chaque tour. Je fais aussi quelques étirements, quand un bénévole me mentionne que si je contracte vraiment trop il y a des kinés dans la halle. Du coup après mon passage au marathon, en 5h comme prévu, je m'offre un (premier ^^) massage. Il n'y a encore personne, je tire un étudiant kiné de sa torpeur pour me remettre les mollets, quadris et genoux en état. 20mn de pause au frais sur la table de massage et c'est reparti. Prochain objectif 77 km pour environ le coucher du soleil, avec un autre massage à la clé pour fêter ça, puis le suivant après 100km d'ici minuit. A ce moment-là en tête de la course féminine, Maria Ilaria Fossati (senior) et Maria Pierre (veteran) ont déjà plus de 65 km... Pour moi de toutes façons elles sont dans une autre catégorie, celle des "vrais" coureurs, les pros.

Pour économiser les genoux je continue à alterner marche (sur le bitume le long du boulevard) puis course à partir du sable le long du palais des sports, autour de l'anneau de vitesse sur le béton, à travers l'aire de départ, et jusqu'au ravito à côté de la halle. Puis avec la fatigue j'adopte une 2e section marche sur le bitume de l'arrière de l'anneau de vitesse. Vers 16h Fabien et Aurélia passent me soutenir, Fabien court même un tour avec moi avant de repartir. Au bon moment pour me redonner la pêche. Plus tard je discute un peu avec Greg, un gars qui court en short de boxe. Peu de temps après ma batterie montre de gros signes de faiblesse et je vais récupérer la batterie de secours, et courrai avec pendant une bonne partie de la soirée. Vers 20h j'atteins mes 77 km et m'accorde le 2e massage dont je rêvais depuis de nombreux tours déjà. Pendant ce temps le Garmin recharge sur secteur. Il y a un peu plus de queue cette fois, je suis pas fâchée de m'asseoir un peu par terre en attendant (comme le fait remarquer le gars avant moi), et j'en profite pour lire mes messages et téléphoner. Au passage Nok et changement de chaussettes.

Une grosse demi-heure plus tard je repars dans la nuit, avec juste le maillot de vélo par dessus le t-shirt, il ne fait pas encore trop froid. Objectif 100km pour minuit, je marche de plus en plus et commence à avoir très mal aux pieds. Vers 21h Fabien repasse avec son chien, et refait un tour avec moi avant de rentrer. J'arrive finalement à 100km vers minuit 20. Au passage de la ligne quand mon nom s'affiche sur l'écran avec le chiffre 100 à côté, je serre le point de joie en disant tout haut "100 !" avant de continuer direct vers la halle et ses kinés. Cette fois je suis bien crevée, j'enlève mes chaussures et passe un autre coup de fil. Pas de bol les deux étudiantes qui massaient un coureur me disent qu'elles ont fini leur service et se cassent. Du coup je m'allonge sur la table en attendant le dernier étudiant kiné dispo et somnole un peu. Enfin mon tour arrive avec l'étudiant kiné, le prof de kiné arrive aussi (Jean-Max) pour masser une 2e coureur en parallèle, et dit qu'il reste là jusqu'à 3h du mat'. Puis je passe à l'infirmerie pour avoir un coup de bombe à froid sur les genoux et sous les pieds. Et je repars après presque 1h d'arrêt, il est 1h15. Pas vraiment d'objectif intermédiaire maintenant si ce n'est d'atteindre les 150 km à 10h. J'enfile la polaire pour affronter la fraîcheur de la nuit (surtout le contraste avec la halle chauffée) et prend une tasse de thé bien chaud puis un gobelet de purée au ravito.

Une bande de jeunes s'est installée sur les marches du palais des sports avec de la musique (et à boire !) et ils nous encouragent à chaque passage, surtout avec mon numéro 51 :-) Alors que j'étais repartie depuis à peine quelques tours, je commence à discuter à l'approche du ravito avec un gars qui marche aussi : Yves. Quelques mètres plus loin il suggère de repartir en courant avant de se laisser endormir dans un rythme de marche (plus tu marches plus tu marches). On part donc ensemble à 8-9 km/h et je suis étonnée de voir combien je peux encore courir après plus de 100 bornes. On fait 5 ou 6 tours ensemble comme ça, puis je le laisse partir tout seul et recommence à marcher un peu dans chaque tour. De temps en temps je le vois passer et m'accroche pendant quelques centaines de mètres. Après 115km, vers presque 4h du mat', je commence à craquer complètement et retourne dans la halle me faire masser, un peu dépitée de n'avoir fait que 15km depuis le massage précédent, mais me disant qu'il vaut mieux y aller avant qu'ils partent. Je suis soulagée de voir que Jean-Max le prof kiné est toujours là, ainsi que son étudiant de tout à l'heure. Je m'écroule littéralement dans la file d'attente, enlève mes chaussures, et téléphone à Bernie. A ce moment je me demande si je ne ferais pas mieux d'aller dormir, mais il me demande si je pense pouvoir faire encore 14km, avant de m'expliquer : la 1e senior fille est 14km devant moi, mais elle a disparu de la circulation (sans doute pour dormir) depuis plusieurs heures. Je lui demande son nom : c'est Maria Ilaria, et juste à ce moment-là je la vois dans la halle (facilement repérable avec ses chaussettes roses) en train de repartir. Mais vu l'enfer des derniers kilomètres, je décide de quand même attendre mon massage qui est sur le point de commencer, et de voir ensuite pour la rattraper. Donc massage, avec le prof cette fois, puis bombe de froid sur mes pieds endoloris, et je repars, cette fois avec la polaire sur le dos et le téléphone en poche.

Je n'avance plus très vite, la vitesse de marche est à 5-6 et la vitesse de course est tombée à 7-8 maintenant. Je commence aussi à souffrir sérieusement de ce que je pense être une périostite à la jambe droite. Par contre du coup je ne sens plus trop mes genoux. Je dépasse quand même Maria Ilaria 2 fois de suite, puis plus rien. Du coup la fois suivante où je double son "binôme" italien, je lui demande (en italien, svp ^^) où est Maria, et il me répond qu'elle dort. Espoir ! :-) Du coup je redouble d'efforts pour refaire mon retard sur elle, et appelle Bernie toutes les heures pour avoir les news sur nos positions respectives qu'il suit sur le site web. A 7h je n'ai plus que 2km de retard mais elle dort. Ou plutôt dormait, car à peu près à ce moment je la vois reparaître. Au pointage de 8h j'ai cette fois 1 tour d'avance sur elle ! Trop contente, je l'annonce à Daniel, notre commentateur qui n'a pas arrêté de mettre l'ambiance depuis la veille. Il me dit qu'il va vérifier, et à mon prochain passage de la ligne, il annonce au micro qu'effectivement, je suis première senior ! :-D Passage bras levés sous les encouragements de l'asso des Enfants du Tamil Nadu. Ça me met une super pêche et je repars de plus belle. Un bénévole me fait d'ailleurs remarquer que je boitais à 4h et que maintenant je suis à fond :-) Je lui répond que c'est parce que je suis première, d'ailleurs je le dis un peu à tout le monde :-) . Je recours un moment avec Yves, lui fait part de ma douleur à la cheville et lui demande (uniquement rhétoriquement en fait) si c'est la peine de m'arrêter pour un massage, il confirme ma pensée qu'au point où on en est, c'est jusqu'au bout. De toutes façons je n'ai pas de temps à perdre. Puis je redouble Maria Ilaria une fois au ravito, et je pensais avoir alors 2 tours d'avance sur elle, jusqu'à entendre au micro sa distance alors qu'elle passe la ligne peu de temps derrière moi, et elle n'a en fait qu'un tour de retard. Il va falloir se battre...

Puis vers 8h20, alors que je marche sur la section bitume le long du boulevard, elle me double en courant. Sachant que si elle me redouble elle reprendra la tête de la course, je décide de m'accrocher à elle et de la suivre en courant. Vitesse : 8.5 km/h. Je tiens quelques dizaines de mètres mais ma cheville droite me fait vraiment trop mal, et je dois me résigner à la laisser partir au niveau du palais des sports. Quelques petites minutes plus tard je la vois déjà sur l'anneau de vitesse, j'ai l'impression qu'elle m'a mis un demi-tour dans la vue en quelques secondes. Du coup gros coup de moins bien, persuadée que c'est raté pour les 150 km et en plus raté pour la 1e place, je lâche complètement mentalement, appel à Bernie en mode "je vais m'arrêter sur le prochain banc et dormir jusqu'à 10h". Evidemment il est pas d'accord et me pousse à continuer. Je me traîne quelques tours comme ça, faisant signe à mes supporters que je suis grillée. Mickael revient aussi (un gars venu la veille supporter et photographier son équipe, et dont la copine Stéphanie courait aussi jusqu'à abandonner sur blessure. Il a fait le tour à l'envers un paquet de fois, avec chaque fois un mot d'encouragement). Il m'accompagne sur une partie du tour en m'encourageant. Plus tard, Maria Ilaria n'a toujours pas reparu derrière moi, je commence par m'inquiéter que si elle doit me dépasser un jour, j'aimerais autant que ça ne soit pas à la dernière minute des 24h... Puis je commence à me dire qu'elle ne va peut-être pas me rattraper du tout, en fait. Et l'espoir renaissant, je repars en marche rapide, la course étant complètement impossible. Mais même en marchant, je flirte avec les 8km/h. Surtout quand Maria apparaît finalement enfin derrière moi, à moins de 50m. Aussitôt réflexe, je repars en courant, justement c'est ma section préférée avec une petite descente sur chemin sableux. Je ne cours pas longtemps mais suffisamment pour mettre un peu de distance. A partir de là je me retourne tout le temps pour vérifier son approche, et je vois la distance augmenter petit à petit jusqu'à ce que je la perde de vue, mais même là je ne relâche rien.

Je retrouve Greg qui avait disparu quasi toute la nuit (mal aux genoux, dodo), revenu pour terminer. Je dépasse aussi Arnaud (un des plus jeunes coureurs, 1988, avec qui j'avais mangé la pasta-party pré-course la veille) qui commente que je suis à fond jusqu'au bout, une vraie pro, du coup je lui explique que je suis poursuivie de près avant de le semer. Yves est en bonne voie pour son 210 km et me pousse en me disant que les 150 sont encore possible. Mickael m'encourage aussi. Puis je discute avec d'autres filles, Sylvie qui finira 3e senior avec 102 km, Josiane... Tout le monde s'encourage les uns les autres. Il est quasiment 10h maintenant et je compte les minutes pour pouvoir m'arrêter. A quinze minutes on nous donne un relais en bois pour marquer notre position finale pour le mesurage. J'aurai le temps de finir 2 tours avec le relais en main, le bénévole au coin du palais des sports m'avait demandé si c'était mon dernier passage, j'avais dit avant-dernier et effectivement. La barre des 150 km se rapproche mais ça va être trop juste. De toutes façons à ce moment-là je pense juste à rester 1e senior. Pendant ce temps le premier mec dépasse les 240 km. Quand j'atteins l'anneau de vitesse pour la dernière fois, Daniel le speaker encourage Maria Pierre qui est sur le point de faire 200 km : "Allez Maria, encore 700m en 3 minutes 30 !!". (elle fera finalement 200 km et 18 m, mais mécontente, elle en voulait 212). Je passe la ligne une dernière fois, l'excitation monte, je voudrais sprinter, je fais le tour des gradins, reviens vers le ravito, le compte à rebours commence "10...9...8...7...", je tourne à gauche vers le boulevard, "5...4...3..." le bénévole au coin me tend les bras pour m'encourager, j'ai trop envie de courir, j'essaye, fais 3 pas, reviens à la marche "2...1...0 !" je laisse tomber mon relais par terre et m'écroule sur place de tout mon long. Je ne ferai pas un mètre de plus de toutes façons.

Je serais bien restée là, mais deux bénévoles du ravito tout proche viennent me ramasser et me soutiennent jusqu'à une chaise, et là je m'écroule en larmes, mais de joie. J'ai gagné ! :-D Inquiets, ils me demandent si ça va, mais oui, super. Ils m'apportent à boire, me proposent à manger... C'est vrai que j'étais tellement concentrée pour ne pas me faire rattraper que ça fait plus de 2h que je ne me suis pas arrêtée au ravito et que je n'ai donc rien avalé. Je reste là affalée sur ma chaise pendant un bon moment, puis Piero (l'organisateur) m'accompagne jusqu'aux kinés (je ne peux plus marcher). Jean-Max est toujours là, il y a passé toute la nuit. Il s'occupe de me remettre à peu près en état avant de m'envoyer à l'infirmerie où ils me glacent les deux chevilles. Je reste là à discuter avec les secouristes jusqu'à l'arrivée de Fabien pour la remise des prix. La montée sur le podium a été une épreuve pour plusieurs d'entre nous : ils ont porté Maria Pierre sur sa 1e marche, et on m'a aussi aidée à monter et à descendre. Puis buffet post-course, c'est malin un buffet sans chaises... Mais Martine et toute l'asso des Enfants du Tamil Nadu viennent s'occuper de moi, m'apportent une chaise et à manger ^^ Plus tard Fabien revient en voiture et avec ses béquilles pour me récupérer. Il doit me réveiller d'abord. La halle est déjà presque vide. Je dis au-revoir à tout le monde et me traîne jusqu'au parking. J'aurais eu du mal à rentrer à pieds.... Merci Fabien ! Par contre mon ascenseur étant toujours en panne depuis 15 jours, ça a été 6 étages à pieds, dur dur. Après une bonne douche, trop mal pour dormir pendant 1 ou 2 jours. Mais trop contente de ma course quand même.

Merci à Piero et toute l'organisation, merci à tous les bénévoles qui avaient toujours un mot d'encouragement, merci à Daniel pour l'animation pendant 24h, merci à Jean-Max et aux kinés pour les massages, merci à tous les autres coureurs et en particulier ceux avec qui j'ai pu discuter, merci aux supporters venus pour d'autres coureurs mais qui avaient quand même toujours un mot pour moi, merci à Martine et à l'association des Enfants du Tamil Nadu, merci à Fabien d'être passé me soutenir, merci à Bernie pour le soutien et l'info en direct par téléphone, merci à tous ceux qui m'ont encouragée.

Et maintenant, repos !

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