lundi 1 octobre 2012

UTMB 2012

Vendredi 31 Août, 19h + quelques minutes, plusieurs centaines de traileurs s'élancent de la Place du Triangle de l'Amitié à Chamonix, pour un tour... de la vallée de Chamonix...



Enfin, s'élancer, c'est vite dit. Devant ça part vite, très vite, après tout il paraît qu'il ne s'agit que d'un "sprint" de 100km, et que le nouveau parcours est "roulant" (sic). Mais pendant ce temps, derrière, ça bouchonne, ça pousse dans tous les sens, ça essaye de ne pas se casser la figure dans les marches d'escaliers ou de se prendre un poteau masqué par la marée humaine. Plusieurs minutes pour passer la ligne, plusieurs de plus dans les rues de Chamonix entre les barrières de sécurité qui contiennent une foule non moins importante de spectateurs surexcités. Moi aussi, à vrai dire. Quand je peux enfin courir, je ne me gêne pas. Vangelis est toujours à fond dans nos oreilles, il ne pleut même plus, j'en ai presque chaud avec mon collant long, mon haut thermique et mon gore tex par-dessus. Sans compter le buff autour du cou et la casquette sur la tête. 4 couches, on nous a dit !

La première section consiste à rejoindre les Houches, légèrement plus bas que Chamonix, ce qui ne veut pas dire que ça ne fait que descendre. Une succession de petites bosses nous attend, mais que du bonheur. Je ne fais quasi que courir sur cette section, les bâtons toujours dans le dos, pour atteindre les Houches en moins d'1h en ayant déjà commencé à grignoter un peu (Mule Bar protein). Stop ultra rapide (il y a beaucoup trop de monde qui se bouscule) pour boire un coup et c'est reparti. Là je sors les bâtons car on attaque la montée du Delevret. Je ne me sens pas super en forme, mais ça va. Par contre il recommence à pleuvoir, je redescend les manches du k-way, sort les gants légers de ma poche, remet la casquette à l'endroit, et c'est parti. Peu de souvenirs de cette montée boueuse, mais plus de la redescente qui s'ensuit. Boueuse, c'est le moins qu'on puisse dire. La nuit tombe progressivement par ici, et c'est à la frontale qu'on redescend, avec un brouillard qui empêche de voir plus loin que le bout de son pied. Pas facile dans les lacets. Heureusement il y a une file assez continue de coureurs à suivre. J'en passe quelques-uns par les côtés, jusqu'à me casser la gueule sur une belle glissade. Mais sinon ça va, les quadris absorbent bien, et me voilà à Saint-Gervais.

Le ravito est juste abominable. Une tente blindée de monde qui pousse dans tous les sens comme si ça allait arranger les choses. Il faut se battre pour accéder à nourriture ou boisson, donc j'avale rapidement quelques verres de boisson énergétique, des morceaux de barre ou de fruits, attrape quelques provisions pour la route et zou ! Même pas le temps (ni la place) de se changer au sec (relatif, sous une tente au sol détrempé par le passage des coureurs précédents), donc comme beaucoup d'autres, je m'arrête sous la pluie quelques dizaines de mètres plus loin, au bord d'un pont, pour enfiler le bonnet et les gants chauds (à la place des gants windstopper avec lesquels j'avais démarré et qui sont déjà détrempés. Windstopper peut-être, mais certainement pas rainstopper...). Et c'est reparti pour une longue mais tranquille montée.

On grimpe le long de la route vers les Contamines (km34). C'est dans ces eaux-là que je me rappelle pour la première fois avoir prêté attention à mon genou douloureux (ainsi que le psoas de la même jambe, la gauche). Chaque pas tire dessus et est douloureux. Heureusement la pente me donne de toutes façons une autre excuse pour ne pas courir, mais il faut quand même marcher assez vite pour ne pas perdre de temps dans cette montée goudronnée facile. On passe par Notre-Dame de la Gorge et son église illuminée de bleu, avant de continuer à monter vers la Balme. Jusque là on est toujours sur le parcours initial.


Au ravito de la Balme, on commence à être en montagne, enfin. C'est pour ça qu'on est là après tout, et les presque 2 semaines d'affûtage sans mettre les pieds en montagne m'ont laissée complètement en manque... Alors je n'attend qu'une chose, c'est de grimper et de retrouver un univers plus minéral. Enfin pour l'instant, on monte un chemin en lacets, il pleut toujours (ça ne s'est pas arrêté depuis les Houches à vrai dire...). Soudain je vois ce que je prends pour la pleine lune à l'horizon au-dessus de nous, une grosse boule orange, j'admire et je me dis que je n'ai jamais vu la lune aussi grosse et aussi belle, et que malgré la météo on a bien de la chance d'être là, dehors, dans les montagnes. Où pourrait-on être mieux d'ailleurs ? Dans un lit douillet à dormir ? Pas intéressée. Mais bon, au fur et à mesure qu'on monte, je finis par me rendre compte qu'il ne s'agit pas du tout de la lune mais d'un gros ballon qui illumine le ravito de la Balme. La lune est effectivement pleine ce soir, mais avec les nuages et le brouillard, on ne la verra pas... C'était bien la peine de faire la course un jour de pleine lune du coup. Comme beaucoup de monde je regrette qu'on n'ait pas couru le week-end dernier... Quand on pense qu'il y a une semaine on était en pleine canicule...!

J'arrive donc au ravitaillement de la Balme, encore une tente mais qui couvre juste les tables et les bénévoles cette fois (ils ont bien du courage, d'ailleurs, debout là dans le froid pour nourrir des milliers de coureurs boueux et souvent trop fatigués pour parler). Il y a aussi un feu de bois sur le côté, mais malgré mes gants déjà trempés je passe mon chemin sans m'arrêter, ne voulant pas prendre le risque de m'y attarder plus que nécessaire, ou d'avoir du mal à repartir. Je mange un peu et repars aussitôt. On est quasi au point le plus haut de la course, mais on va maintenant se balader un peu sur la crête jusqu'au Signal avant de faire demi-tour vers les Contamines, nouveau parcours oblige... La haute montagne ce ne sera toujours pas pour aujourd'hui.

En même temps, c'est peut-être pas plus mal. La pluie s'est maintenant transformée en neige qui tombe et tombe et continue de tomber. Trop concentrée à suivre le chemin avec ma frontale, qui a déjà du mal à percer l'obscurité, le brouillard et la neige combinés, j'ai mis un moment à remarquer que tout était blanc autour de nous. Le sol est couvert de neige, sauf bien sûr sur le chemin où les milliers de pas qui m'ont précédée l'ont effacée, remplacée par une couche de gadoue. C'est super joli ! Mais il fait aussi super froid. Mes gants pseudo-étanche en gore tex Raidlight achetés à Chamonix à cause des prévisions météo alarmistes ont pris la pluie, et mes gants en polaire en-dessous sont complètement trempés. En plus le vent souffle bien là-haut, et il neige encore et toujours. Résultat, je ne sens plus mes doigts, et les orteils c'est pas mieux, malgré 2 paires de chaussettes l'une sur l'autre dans les baskets. J'avance donc en mode automatique en espérant rejoindre au plus vite le prochain ravito (Contamines retour, à 54 km). Sauf qu'un coup d'oeil à mon Garmin me désespère : il reste plus de 10 km avant ce ravito, et au rythme où je vais (vu que mon psoas et mon genou gauches commencent à sérieusement souffrir et m'empêcher de courir), je suis pas rendue. 

M'enfin il faut bien avancer, donc je suis le rythme des coureurs autour de moi, bien pratique vu le manque de visibilité (il neige toujours, il y a du brouillard...). Le sentier serait super sympa s'il n'était pas aussi gadouilleux avec la neige fondue, il se balade sur ce que j'imagine être une crête (dans le noir...), entre les rochers qu'il faut constamment contourner ou enjamber, ce qui n'arrange pas mes douleurs à la jambe. Vitesse de pointe dans les 3 ou 4 km/h... Mais je reste sur pilote automatique, concentrée sur l'objectif de redescendre au ravito des Contamines et d'aller pointer directement au poste de secours pour réanimer mes doigts. Du coup je ne prend pas le temps de manger, je me rend bien compte que je commence à avoir faim et que j'aurais bien besoin d'un petit coup de sucre, mais trop froid et trop la flemme d'enlever mes gants pour accéder à une barre ; je bois aussi très peu. Je ne prends pas non plus le temps de me couvrir plus, je suis toujours en T-shirt et thermal sous mon k-way, mais ça semble suffire pour me garder au chaud tant que je bouge.

Toujours en pilote automatique, je passe soudain par surprise devant un bâtiment éclairé et peuplé, le "poste de secours du Signal", mais je ne m'arrête même pas, par crainte de ne plus en ressortir. Un bâtiment en dur, au sec et au chaud, c'est tellement tentant. Mais à l'intérieur il n'y a que des secouristes et des coureurs blessés ou fatigués, pas la meilleure ambiance. Je passe donc mon chemin sans ralentir et attaque bientôt la descente. Les autres accélèrent, mais j'ai trop mal pour courir, je dois donc me contenter de marcher vite. Au fur et à mesure qu'on perd de l'altitude je me réchauffe, je recommence à sentir mes orteils, la circulation revient puis repart dans mes doigts. Mais le ravito semble mettre une éternité à arriver. On est en ville, on marche dans des rues, mais où est le ravito ? je me demande si je ne l'ai pas raté, si je ne me suis pas perdue, si je ne suis pas en train de refaire la boucle par le Signal, d'autant qu'en plus on recommence à monter... enfin toutes les craintes irraisonnées, d'autant que le parcours était vraiment supra bien balisé (surtout pour un balisage fait en urgence sur un parcours de repli décidé le matin même). Mais enfin après tous ces détours dans les rues, j'arrive au ravito des Contamines, il est 5h du matin, 10h de course pour 54km. Pas mal pour l'instant.

Comme j'en rêvais depuis des kilomètres, je vais directement au poste de la Croix Rouge, vois des coureurs affalés sur des lits de camp, sous d'épaisses couvertures, en train de dormir ou de récupérer... J'ai presque envie de ressortir aussitôt, mais je suis accueillie par une bénévole à qui je dis simplement "j'ai juste très très froid". Elle me fait assoir sur un lit de camp, me dit d'enlever tous mes vêtements mouillés (ce qui veut dire que je retire les gants, le k-way, le t-shirt, le thermal...) et m'enveloppe dans une couverture de survie puis une vraie couverture : sensation de chaleur immédiate. Puis elle se renseigne sur ce que j'ai mangé : rien depuis plus de 3h que j'ai quitté la Balme... Aïe aïe aïe :) apparemment c'est pas bien :) elle revient avec du bouillon, des tucs, des barres céréales... je mange, et reste au chaud sous la couverture à planer complètement. Une journaliste de France 5 tourne dans la salle avec sa caméra, je crois qu'elle me filme, elle interroge la bénévole de la Croix Rouge à mon sujet, mais je suis un peu ailleurs. Je suis perdue dans mes pensées, j'hésite vraiment à abandonner là, j'imagine la sensation de repartir trempée dans la nuit et sous la pluie, mais j'imagine aussi l'arrivée à Chamonix, je repense à la douloureuse sensation de l'abandon sur la Diagonale, je pense à l'équipe de Guillaume qui compte sur moi pour les tests post-course... J'envoie même un message à Bernie qui n'est toujours pas arrivé aux Contamines (je ne sais même pas s'il va passer la barrière horaire de 7h) en lui demandant ce qu'il penserait d'abandonner là, mais lui est en plein second souffle. Au final il me faut une bonne heure avant d'enfin réussir à m'extirper de ma torpeur et à me décider à repartir. Je repousse les couvertures, les passe à un autre coureur qui vient d'arriver et est assis à côté, et commence à ma rhabiller. J'emballe les t-shirts trempés, et enfile ma polaire à même la peau à la place. Bonnet, frontale, mais au moment de remettre les gants je suis prise d'un doute, je demande donc à l'infirmière s'il vaut mieux mettre des gants mouillés ou pas de gants du tout : réponse, les 2 sont mauvais... elle me file donc une paire de gants en latex pour au moins garder mes mains au sec. Pendant ce temps la journaliste de France 5 a décidé de me passer à l'interrogatoire pour savoir si je repars (oui) et pourquoi, et qu'est-ce qui nous fait avancer... Elle peine à comprendre, et je peine à lui expliquer... Je doute qu'elle puisse tirer quoi que ce soit d'intéressant de mes réponses (de l'ordre de "bah je suis pas encore arrivée à Chamonix"... ^^). A voir de vous-mêmes dans le Journal de la Santé de mercredi 19 septembre sur France 5.

Mais je ressors finalement de l'infirmerie plus d'une heure après y être entrée... et manque y retourner aussi sec... 1h d'immobilité a complètement figé mes 2 articulations endolories de la hanche et du genou gauche : impossible de me déplier complètement, douleur, blocage, je boîte péniblement... jusqu'à la tente des kinés, où une dame me masse vaguement le quadriceps... sur le coup je me demande à quoi ça va bien pouvoir servir, mais quand elle me dit de me lever j'ai un peu moins mal, la machine est repartie... Je boitille jusqu'à la table de nourriture, hésite encore à repartir, mais ça serait trop bête de rester là après avoir passé le plus dur, la nuit est terminée... Mais dehors il pleut, il faut froid, il va falloir boiter encore plus de 50 km jusqu'à Chamonix... Et si c'était pas sérieux, et si j'aggravais l'état de ma jambe, et si... Je pars à l'envers pour trouver les toilettes, me donnant 5mn de réflexion supplémentaire, quand je tombe miraculeusement sur Patrice et sa bande du Team Guiziou qui me demande si ça va. "Bof... j'ai mal et j'ai froid" je répond d'un ton déprimé. "Comme nous tous" me dit-il... Une réponse d'une telle logique que je relativise tout de suite et décide de m'accrocher à eux "je viens avec vous sinon je repars pas". J'attrape quelques barres pour la route, range le téléphone, et c'est reparti. Il est environ 6h30, je viens de passer 1h30 ici, et j'espère que ce n'était pas du temps perdu mais un bon investissement pour la suite. On sort de la tente et on commence directement à monter hors des Contamines. Le fait de s'élever à nouveau vers le froid et hors de la civilisation me met le doute. "Je sais pas si j'aurais dû repartir..." dis-je à Patrice. Mais maintenant que je suis là... je persiste et finalement je les lâche rapidement dans la montée qui suit. Le soleil est quasi levé maintenant, ça réchauffe le corps et le coeur. Au bout d'un moment il s'arrête même de pleuvoir.

On grimpe une première mini-bosse avant de redescendre sur la Villette, de plus en plus bas dans la vallée, pour re-remonter de l'autre côté. Je reconnais des passages de la TDS de l'an dernier, quand on passe pas loin des Chalets du Truc et du Miage. Par contre le Col du Tricot est complètement hors programme aujourd'hui... à la place on monte directement à Bellevue, en évitant aussi la passerelle sur le glacier de Bionassay, dommage... Une montée un peu plus longue que la précédente mais pas bien méchante, et nous voilà à Bellevue. Au début je ne reconnais même pas le lieu de ce dernier ravito de la TDS avant la descente vers les Houches. Le soleil est bien levé, on aperçoit vaguement le paysage entre les nuages, et je suis de nouveau contente d'être là. Mais toute ardeur éventuelle de partir en courant est vite arrêtée. La descente que j'avais tant aimé sur les Houches est méconnaissable (je ne suis même pas sûre que ce soit bien la même, en fait...). Les conditions météo l'ont transformée en une mare de boue géante. Les coureurs précédents ont tracé deux ornières (une pour chaque pied) avec un mur de boue de 15cm de haut entre les deux. S'éloigner un tant soit peu du chemin tracé pour doubler équivaut à déraper dans l'herbe grasse ou s'enfoncer dans la boue jusqu'au mollet. Un vrai toboggan de boue...! Puis on se retrouve sur la route et là je reconnais vraiment le parcours de la TDS. J'essaye de courir un peu, ça va mieux, un second souffle arrive avec le soleil. Et nous voilà aux Houches. Je reconnais très bien aussi la jolie descente finale sur bitume où je renonce à me freiner et dévale jusqu'au virage serré à droite sur le trottoir vers le ravito. Il y a autant de monde que l'an dernier dans ce virage, mais par contre ma vitesse laisse à désirer, peu de risques de m'envoler cette fois ^^

A l'arrivée au ravito, un groupe de jeunes filles tient une pancarte "Ultra Talentueux Magiques Balèzes" :-D Sympa :) Je ne m'assied toujours pas à ce ravito (d'ailleurs la seule fois que je me suis assise pour l'instant, à la Croix rouge des Contamines, j'y ai passé 1h30...). Je mange et je bois la boisson énergétique fournie, je remplis mon bidon frontal avec (par contre je n'ai pas rempli une seule fois ma poche à eau de toute la course). Je commence à apprécier aussi les barres céréales abricot-amandes coupées en petits morceaux. Il y a aussi des compotes de pomme, déjà ouvertes avec une cuillère déjà à l'intérieur de chacune. Tellement bien que je remercie les bénévoles pour leur attention. Et c'est reparti pour la montée de Merlet. Des kilomètres d'une montée interminable sur le bitume, vers un parc animalier, ponctuée des panneaux indiquant les différents parking et les distances en centaines de mètres vers l'entrée. Les panneaux défilent, et l'entrée du parc semble reculer... On passe une bifurcation avec un sentier qui va aussi au parc, mais on reste sur le bitume. Et enfin, nous voilà à l'entrée du parc, beaucoup prennent une pause, il y a des tables de pique-nique, des coureurs sont assis un peu partout pour manger ou récupérer. Mais pour ma part ça va bien, et je sais que je ne serai pas plus rapide en descente qu'en montée, pour changer, donc je passe mon chemin aussitôt et m'engage sur le petit sentier qui part à droite.

Je descend en marchant, mal au genou gauche, mal au psoas gauche, et à force de compenser, maintenant j'ai aussi mal à la cheville droite. Mais bon, faut bien avancer... En bas de la descente on a un ravito surprise, où un bénévole sans doute mieux intentionné qu'informé nous dit que le village des Tines est juste après, puis qu'on descend directement à Argentières sans même passer par le col, vu comme ça ça a l'air facile et je suis un peu perdue. C'est le problème du nouveau profil, je ne le connais pas par coeur et je me laisse plus facilement influencer par les commentaires extérieurs. J'imagine déjà que le reste du parcours va aller assez vite et fait plein de plans dans ma tête. Mais force est de constater que le village des Tines n'arrive pas. J'ai le temps d'oublier et de retrouver 10 fois son nom dans ma tête, avant de voir sur un panneau de randonnée qu'effectivement il est à plusieurs kilomètres de là. Heureusement on est en faux plat, rien de bien difficile, mais par contre comme je ne peux pas courir je perds un temps fou par rapport à ceux qui le peuvent. Sauf qu'il n'y en a pas beaucoup autour de moi, on est en queue de peloton et tout le monde est crevé. D'autant plus frustrant, parce que je ne suis même pas crevée, juste blessée...

Au bout d'un moment je commence à avoir vraiment trop chaud et me pose sur le côté à un croisement pour me découvrir. Au passage je discute avec un couple qui s'arrête au même endroit pour une pause. Je remonte un peu les jambes du collant, remonte les manches de la polaire (plus de t-shirt sec pour me changer, donc obligée de la garder. C'est là qu'une équipe de soutien serait un avantage indéniable...), range la torche (il serait temps ^^), le bonnet, les gants au fond du sac, et repars un peu plus au frais. 
Heureusement parce que contrairement à l'annonce du bénévole, on attaque bien la montée du Col des Montets. Je monte encore bien, mon genou ne tire pas autant à la montée qu'à la descente, tant que je ne le met pas en extension, donc je préfère monter (pour changer !) On avale à peu près 500m de dénivelé avant d'arriver au col. Plus on monte et plus ça se rafraîchit, le vent recommence à souffler fortement, et finalement je suis contente d'avoir gardé ma polaire. Je ne m'attarde pas en haut et attaque tout de suite la descente vers Argentières. Qui est elle aussi beaucoup plus longue que prévu, j'oublie les infos fausses du bénévole et me rappelle une autre description entendue pendant la montée qui annonçait 5 km de descente vers Argentières. Et enfin, le soleil commence à percer entre les nuages, qui s'espacent pour laisser entrevoir les montagnes, (très) fraîchement enneigées, juste magnifique ! :-O

Par contre je commence à dormir debout donc je fouille ma poche de côté pour retrouver le shooter de V concentré que je trimballe depuis le départ (je comptais en mettre dans le sac d'allègement à Courmayeur mais comme on ne va plus à Courmayeur... bref) et le descend. Effet magique :-) En quelques minutes, je passe du mode "marche péniblement en baillant et en luttant pour ne pas fermer les yeux" à "bon je m'ennuie en marchant, et si je courais un peu" :) Je pars donc en courant sur le sentier qui est assez sympa et technique à ce moment-là, et m'amuse bien à bondir de caillou en caillou, oubliant un peu les douleurs aux jambes. Manque de bol à peine quelques centaines de mètres plus loin le sentier recommence à monter, et je recommence à marcher. Peu de temps après on arrive à Argentières, et je trottine encore sur le bitume, des grosses descentes entre les maisons, jusqu'à arriver à un virage à droite devant une barrière où sont alignés des bénévoles qui nous font la ola au passage, super ! :) De l'autre côté de la barrière les coureurs ressortent du ravito dans l'autre sens derrière les bénévoles, et tournent en face pour continuer la descente sur le bitume encore un peu.

Je me sens en super forme donc je ne fais qu'un passage très express dans la tente du ravito, le temps d'attraper quelques morceaux de barres céréales abricot-amande (miam) pour maintenant et pour la route. ça serait bête d'interrompre ce vent d'énergie nouvelle par une hypoglycémie... Il est à peu près 
17h, le CP ferme à 19h, je suis largement en avance sur les barrières. Je sors de la tente, le soleil brille, je suis en pleine forme et j'ai trop chaud, donc je décide d'enlever la polaire, l'accroche au sac à portée de main, et repart en brassière. Je sors aussi la musique (le premier iPod m'a lâchée, refusant de jouer plus de 30 secondes de musique à la fois, donc je sors le 2e) pour me motiver, et c'est reparti. Je repasse derrière les bénévoles et continue à descendre. Il reste 10 km pour rejoindre l'arrivée à Chamonix. Plus rien ne peut m'empêcher d'y arriver maintenant. Quand je pense que j'ai failli ne pas finir...

La dernière section est quasi plate, je cours un peu quand je peux, dans les descentes, et marche le reste du temps. Trottiner sur le plat est trop difficile, il me faut vraiment une descente pour réussir à accélérer un peu. On commence par traverser le village et des bouts de forêt, puis on se retrouve sur cette large piste vers le village des Bois, on passe par le site du Nordic'athlon et je commence à reconnaître, puis on passe derrière mon hôtel Arveyron. Les paysages sur cette section sont magnifiques, les nuages laissent apercevoir la Mer de Glace, les Drus, tous les sommets enneigés. Je sors aussi mon téléphone, Guillaume m'appelle pour savoir où j'en suis, le site web n'est pas encore à jour et il s'inquiétait de ne pas m'avoir vue passer à Argentières encore. Un coup de fil à Carcassonne où tout le monde m'encourage, ça met du baume au coeur. Je "discute" aussi avec un italien, qui ne parle pas un mot d'anglais ni de français, alors je mélange mes quelques mots d'italiens et de corse avec mes restes d'espagnol, et on arrive plus ou moins à se comprendre :) De toutes façons à ce stade on n'a pas des discussions très profondes :) Mais ça aide à passer le temps, puisque j'ai de nouveau renoncer à courir et que cette longue section plate n'en finit plus. Un gars court juste derrière moi et discute avec un pote venu l'accompagner un peu (bonjour le respect du règlement concernant l'interdiction d'être accompagné par un non-coureur de l'UTMB, clairement ceux qui avaient la chance d'avoir des potes sur place ne se sont pas gênés pour se faire accompagner, et on les comprend bien) qui lui dit qu'il n'y a plus de gilets finishers ; sur le coup je rejette complètement l'info, me disant que c'est une blague. Le soleil ne va pas tarder à se coucher derrière les hauts sommets qui nous entourent, déjà on est dans l'ombre, la température se rafraîchit, mais pas question de m'arrêter pour remettre ma polaire.

Puis enfin, on arrive dans Chamonix, des gens se promènent en ville, la vie passe normalement pour tout le monde, on est samedi après-midi. J'éteins mon ipod pour profiter de l'ambiance, m'attendant déjà à entendre les Chariots de feu, mais la ville est grande... Quand il commence à y avoir du monde, je me met à courir, en me demandant combien ça va durer. Réponse : pas longtemps. Donc je me résous à marcher de nouveau, pour garder mon énergie pour le sprint final. Et le voilà, on arrive en vue de la place du Triangle de l'Amitié, les bénévoles indiquent le chemin, les barrières, l'effet magique de l'approche de la ligne d'arrivée qui fait courir malgré toutes les douleurs et toute la fatigue, plus j'approche et plus j'accélère, et soudain je tourne et je la vois, l'arche d'arrivée. Je slalome entre les barrières en tapant dans les mains des enfants (et des adultes) qui m'encouragent, il y a un monde dingue amassé derrière ces barrières, il ne manque plus que la musique de Vangelis, qui ne jouera pas pour moi, et je passe la ligne, ça y est, c'est fini... 

Le commentateur m'annonce au micro, surpris de ma "tenue exotique" :) M'accueille sur la ligne en me demandant si je suis partie comme ça. Non non, je répond en remettant ma polaire, les mains un peu gelées. Puis Guillaume me récupère sur la ligne, me dit qu'il m'attend au bout. Je vais rendre ma puce et récupérer mon gilet finisher, sauf que "désolé, on n'en a plus, on vous l'enverra par la poste". Non... pour de vrai ? c'était pas une blague alors. Bon... Je récupère ma caution, même pas le temps de manger un truc, direction le labo de Guillaume à l'ENSA "juste à côté", mouais, sauf que c'est pas tout près et qu'il marche trop vite pour moi, avec une autre fille arrivée juste après moi, on slalome dans la foule. Standing ovation qui fait plaisir de la part de tout le monde à l'arrivée au labo :-D Puis c'est parti pour 3 heures de tests et expériences divers et variés, mais c'est une autre histoire...

UTMB 2012, over...

1 commentaire:

  1. Bon, frustré de n'avoir que le premier chapitre de ton cr de l'UTMB de cette année... je me suis rabattu sur celui de l'an passé ! Après l'aventure de 2012, tu devais être d'autant plus heureuse cette année ! Bravo ! Et merci pour ton message sur mon trailbook. Fred

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